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Compilation d'artcles relatifs à notre patrimoine historique et culturel

Prémices du printemps kabyle dit berbère

Prémices du printemps kabyle dit berbère. jeudi 5 mai 2005 Paris, 1926. Des immigrés en majorité kabyles, comme Imache Amar, Radjef Belkacem, Hadj Ali Abdelkader, Yahiaoui Ahmed et Si jilani Embarek, (des noms aujourd’hui oubliés) fondent l’Etoile Nord-Africaine (l’E.N.A.), une association de droit français qui se propose de lutter pour l’indépendance et le progrès social de l’Afrique du Nord. Pour entraîner les Arabes dans la lutte, l’assemblée générale de 1927 en confie la présidence à Messali Hadj Ahmed, un Tlemcénien émigré à Paris. Jugée dangereuse pour l’ordre colonial, l’E.N.A. est dissoute le 20 novembre 1929. Quatre ans plus tard, Messali, Imache et Radjef la remplacent par l’Etoile Nord-Africaine. Objectifs : l’indépendance totale de l’Algérie, l’élection d’une assemblée constituante au suffrage universel, la confiscation des terres accaparées par les grands féodaux, les colons et les sociétés financières et leur remise aux paysans, le respect de la moyenne et de la petite propriété, la restitution à l’Etat algérien des terres occupées par l’Etat français. 28 mai 1933, l’assemblée générale élit Messali, président, Imache, secrétaire général, Radjef, trésorier général et désigne Si-Djilani comme directeur de son journal en langue française El-Ouma (La Nation) dont Imache sera rédacteur en chef. Ce dernier se prononce pour une Algérie algérienne et laïque et plaide pour la prise en compte de l’organisation sociale kabyle de type démocratique, basée sur tajmât (l’assemblée de village.) Messali, qui puise ses références dans le Coran et considère que l’Algérie est arabo-musulmane, le désavoue. Nouvelle divergence au sein de l’Etoile en 1936 à propos de l’attitude à adopter lors de la guerre civile en Espagne. Messali veut engager des militants algériens dans les Brigades internationales. Les Kabyles s’y opposent au motif que la République espagnole a refusé d’autoriser la création d’une armée algéro-marocaine qui se battrait pour une république rifaine (berbère) indépendante. C’est la première révolte des dirigeants kabyles contre Messali, suivie de la rupture avec le Parti Communiste Français. 26 janvier 1937, dissolution de l’Etoile. Messali, Imache et Radjef sont arrêtés puis respectivement condamnés à un an, huit et six mois de prison pour reconstitution de ligue dissoute. Réduites en appel en mars 1937, les condamnations seront annulées par la Cour de cassation le 6 avril 1937 puis par un jugement du tribunal de la Seine, ce qui accrédita chez les Algériens l’idée qu’en métropole la Justice est plus équitable et modérée qu’en Algérie. Dans "El Ouma", Imache dénonce l’occupation de l’Ethiopie par l’Italie et appelle les Africains à se libérer du colonialisme. Il est de nouveau arrêté en même temps que Radjef mais Messali, réfugié à Genève, y rencontre Chekib Arslane, un émir druze qui militait pour la libération des pays arabes colonisés. A l’occasion d’une amnistie générale, Messali rentre à Paris et évince du Comité central du parti Imache et Yahiaoui qui dénonçaient son autoritarisme. Imache adresse alors aux militants une lettre dans laquelle il les invite « à suivre un programme et non à se mettre à la remorque d’un seul homme. » (C’est toujours d’actualité !) 11 mars 1937. A Paris, Messali crée le P.P.A. (Parti Populaire Algérien.) Programme : l’émancipation totale de l’Algérie, sans pour autant se séparer de la France. Imache le juge trop modéré et refuse d’adhérer au nouveau parti. Alors, Messali en transfère le siège à Alger et rentre en Algérie. Pour élargir son audience, il se rapproche des Oulémas, une association à caractère religieux qui militait pour la rénovation de l’islam et la promotion de la langue arabe, sans contester le statut colonial de l’Algérie. C’est la rupture avec les éléments kabyles laïques et radicaux. Isolés à la suite de leur rupture avec le P.C.F., combattus par les Oulémas au nom de l’islam, dépourvus de moyens financiers, les nationalistes kabyles sont marginalisés d’autant plus qu’en Kabylie la revendication identitaire et culturelle n’était pas encore une priorité. L’unique préoccupation de la population appauvrie par le contrecoup de la crise économique mondiale de 1929 consistait alors à survivre. Septembre 1939. Dissolution du P.P.A. Vingt-huit de ses responsables sont arrêtés le 4 octobre suivant. Messali ne sera libéré qu’en 1946, ce qui lui vaudra un immense prestige et en fera l’incarnation du nationalisme algérien jusqu’en 1954. 1945. Une poignée de lycéens kabyles de Ben-Aknoun (Alger), issus de familles moyennes ou aisées, découvrent le nationalisme et prennent conscience de leur identité. Leurs noms, Ali Laïmèche, Omar Oussedik, Hocine Aït Ahmed, Mohand Ouidir Aït Amrane, Amar Ould Hamouda, Bélaïd Aït Medri, Mohand Saïd Aïch, Rachid Ali Yahia. Il en est de même pour des étudiants : Yahia Henine, Mabrouk Belhocine, Sadek Hadjerés, Saïd Oubouzar. Il est permis d’en donner la liste, pour les Algériens des années 40, le lycée et l’université étaient un luxe. Nos jeunes lycéens abandonnent leurs études pour la politique. A travers la Grande Kabylie, ils implantent des cellules clandestines du P.P.A. et organisent des troupes de scouts musulmans. Ils savent que l’Histoire de l’Algérie est antérieure à la conquête arabe au VIIIème siècle et le font savoir. Ils découvrent que le vrai nom du peuple berbère est « amazir », c’est-à-dire le peuple libre. Aït Amrane compose le premier hymne nationaliste en langue kabyle : Ekker a miss Oumazir pendant qu’Ali Laïmèche interpelle la jeunesse algérienne : Noukni s’ilmeziene el dzayer. 1946, Messali crée le M.T.L.D, (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques ) une façade légale du P.P.A. dissous. Les Kabyles y adhèrent en grand nombre mais les militants lucides ne tarderont pas à comprendre que la lutte armée est la seule solution. 1947. Imache crée un parti de l’unité algérienne qui se propose notamment de « clarifier la religion musulmane et de combattre le fanatisme. » Un projet avorté qui aurait pu engager l’Algérie sur la voie de la modernité. Paris. Mai 49. Rachid Ali Yahia, un étudiant en droit envoyé à Paris par Si-Ouali Bennaï (un maquisard berbériste) pour y poursuivre ses études de droit, fait voter par vingt-huit des trente-deux membres du Comité fédéral une motion qui rejette l’arabo-islamisme, invite la direction du parti à reconnaître l’existence d’une langue et d’une culture kabyles, dénonce le sectarisme de la direction et déplore l’option de la voie électoraliste comme moyen de lutte pour l’indépendance. Avec l’aide discrète du P.C.F., le Comité édite une revue, l’Etoile algérienne, selon laquelle l’Algérie n’est pas un pays arabe ; tous les Algériens, Arabes et Berbères doivent s’unir pour une Algérie indépendante, prolétarienne et, sinon laïque, du moins non soumise à une autorité religieuse. A ce propos, Alger Républicain (un quotidien progressiste) publia un article prémonitoire : « Fanatisme, panarabisme, Oulémas » qui dénonçait le danger d’une dérive cléricale dans les luttes de libération nationale. Messali accuse les contestataires de collusion avec le colonialisme, les traite de berbéro-matérialistes manipulés par l’impérialisme et les exclut du parti, en même temps que le docteur Lamine Debaghine - un cadre arabophone remarquable mais indocile - sous prétexte de complicité avec les berbéristes. Ensuite, il envoie à Paris un commando composé du capitaine en retraite Saïdi Sadek, de Mostefaoui Chawki et d’Abdallah Filali pour récupérer de force les clés du siège du Comité fédéral. Des bagarres éclatent dans des cafés parisiens fréquentés par des Kabyles. Le district de Kabylie et le Comité fédéral de France bloquent les cotisations. Le parti est au bord de l’éclatement. Messali dissout le Comité fédéral. Si-Ouali décide alors de se rendre à Paris pour prêter main-forte à ses amis. Il est coffré à Oran au moment de prendre le bateau pour Marseille sous un faux nom. Les Berbéristes de Kabylie sont arrêtés les uns après les autres : Ould Hamouda et Oussedik à Alger, Oubouzar à Tizi-Ouzou, Boudaoud à Rébeval. Ils sont persuadés que la direction du parti les a donnés. Sans l’avoir voulu, la police française avait fait le jeu des arabo-islamistes. Aït Ahmed, le patron de l’O.S. (Organisation Secrète), désapprouve les berbéristes. A leur égard, il use de termes très durs : « Des activistes en mal d’ostentation et de promotion... au moment où l’aile révolutionnaire (la sienne) tente de recentrer la réflexion sur les grands problèmes posés par la perspective de la guerre de libération, à Paris, Ali Yahia prend l’initiative de faire voter par le Comité fédéral une motion défendant la thèse de l’Algérie algérienne et déclenche alors en France une campagne contre l’orientation arabo-islamique du parti. A partir de cet épisode, la Kabylie traînera la casserole du berbérisme... Il y a comme ça des grains de sable, des personnages insignifiants qui entraînent dans la vie politique des conséquences démesurées. » Pour Aït Ahmed, « le conflit oppose les forces révolutionnaires aux tenants de l’opportunisme électoraliste. Qui a intérêt, sinon le colonialisme, à faire dévier le débat vers un conflit entre arabistes et berbéristes ? Il ne faut pas tomber dans le panneau, quitte à dénoncer les agissements irresponsables de Paris. » L’alignement d’Aït Ahmed sur la position des anti-berbéristes ne lui vaut pas leur confiance : ils le remplacent à la tête de l’O.S. par Benbella, un Arabe (cette décision lui sera d’ailleurs notifiée par son successeur.) En Kabylie, le conflit opposait les berbéristes à ceux qui estimaient mal choisi le moment de poser le problème berbère. Parmi les premiers, Ali-ou-Mahmoud, de son vrai nom Ferhat Ali, originaire de Tizi-Rached, un gros village accroché sur une pente raide entre Tizi-Ouzou et Fort-National. Je le voyais arriver à cheval, sauter à terre, attacher la noble bête au frêne de la placette sous le regard admiratif des badauds. Crinière clairsemée, visage sanguin, sourcils broussailleux, toujours vêtu d’une gandoura blanche. Réputé homme de caractère. Il avait giflé Messali lors d’une altercation dans la prison d’El Harrach où ils étaient tous deux enfermés pour atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Sa carrière politique faillit s’achever un mercredi matin de mai dans des circonstances que Krim Belkacem (maquisard condamné à mort par contumace) m’a relatées : « On discutait à Fort National dans un café maure de la rue d’En-haut. Je disais que je n’étais pas contre les berbéristes mais que c’était trop tôt pour poser le problème de l’identité de l’Algérie. J’ai insisté sur le danger de la division entre Kabyles et Arabes. Ferhat Ali m’a traité de dégonflé. Le ton est monté, c’est un homme emporté. Il m’a dit : « Suis-moi dehors si tu es un homme ! » Des consommateurs ont essayé en vain de le calmer. Il est sorti. Je l’ai suivi. Il a pris la route de la carrière. Il marchait vite. Pour ne pas me faire remarquer, j’ai ralenti. Passé la Mission protestante, il s’est abrité derrière un frêne, il a crié « jette ton arme. » J’ai tiré. Il a roulé dans le fossé. Avant de tomber (je l’ai su plus tard) il a écrit mon nom sur une boîte d’allumettes avec son index trempé de sang. » Transporté à l’hôpital de Tizi Ouzou, le blessé a survécu (il sera abattu par l’A.L.N. pour une raison inconnue). De 1964 à 1962, les kabyles ont payé le tribut le plus lourd. Ferhat Ali, Si Ouali et Ould hamouda (Amar) ont été tué dans des circonstances sur lesquelles personne ne veut dire la vérité. En Tunisie, Boumediene, devenu chef d’état-major, avait interdit aux soldats kabyles de parler leur langue. En 1963, la création du F.F.S. s’est fondée sur un malentendu. Pour son chef, Hocine Aït Ahmed, il s’agissait de lutter contre la dictature de Benbella et pour l’instauration d’un socialisme scientifique. Pour ses troupes, il fallait défendre les intérêts de la Kabylie et son identité berbère.

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