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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 18:37

 

Amirouche Aït Hamouda
Colonel de l'Armée de libération Nationale.

Né le 31 Octobre 1926 à Tassaft Ouguemoune (actuellement sur le territoire de la commune d'Iboudraren).
Fils posthume d'Amirouche Aït Hamouda et Fatima Aït Mendès.
Initié au militantisme par Bachir Boumaza au lendemain de la seconde guerre mondiale sur le chantier de construction du barrage de Kherrata, il s'installe à Relizane (ouest de l'Algérie) où son activité et son courage physique font l'admiration des militants de la cause nationale.
A la création de l'O.S (Organisation Spéciale), groupe paramilitaire chargé de la préparation des combattants pour la lutte armée, il est l'adjoint de Benattia Ouadah dit Ounès  auquel il succède après l'arrestation de ce dernier.
En 1950, sur ordre de ses chefs, et dans le cadre de la crise profonde qui secoue alors le mouvement national, il quitte l'Algérie pour la France où son engagement dans les rangs des durs lui vaut un passage à tabac qui le laisse pour mort après un meeting houleux à la Mutualité à Paris.
Il y reste jusqu'en Septembre 1954 date à laquelle il revient en Algérie et participe à la préparation du déclenchement de la lutte armée aux environs de l'Arbâa des Ouacifs où il est initié au maniement des explosifs par Mokhtar Kaci-Abdallah.
Le premier Novembre 1954, il entre dans la clandestinité sous les ordres de Amar Aït Chikh et assiste en 1955, impuissant, au simulacre de procès, organisé, sur ordre de Krim Belkacem, qui aboutit à l'assassinat de son cousin Amar Ould Hamouda  figure connue du mouvement national,  ancien membre du Comité Central du PPA et premier responsable de l'OS pour la Kabylie.

Dur au mal, infatigable, habile tacticien, il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie jusqu'au grade de commandant. C'est à ce titre, et en qualité de responsable de la zone de la Soummam en basse Kabylie, qu'il assure la sécurité du Congrès de la Soumman qui jettera les bases idéologiques du combat libérateur et assoiera le socle de l'Etat Algérien moderne.
Lors de la crise de la Wilaya 1, après la mort de Mostefa Ben Boulaïd et la liquidation de chefs prestigieux tels Abbas Laghrour, Bachir Chihani et quelques autres, il est chargé par le CNRA (Conseil National de la Révolution Algérienne) de remettre de l'ordre dans les rangs des combattants. Il s'acquitte avec brio de cette mission et redonne à la Wilaya 1 son unité perdue et récupère, en lui sauvant la vie, le futur colonel Haouès (Ahmed Ben Abderrazzak).
Lors de ce passage dans les Aurès il éprouvera un vif regret dû au refus que lui avait opposé son cousin Ahcène Aït Hamouda dit Méemou Mazir, lieutenant à Telaghma de rejoindre l'ALN. Cet officier, issu de l'Ecole des Elèves Officiers de Réserve de Saint-Maixent, finira en cadre de la Zone Autonome et tombera, avec tout son groupe, sous les balles de l'OAS en Avril 1962.
Lors du départ de Saïd Mohammedi vers l'extérieur, le conseil de Wilaya le désigne comme successeur, ce qu'il refuse pour ne pas violer la règle de l'ALN qui exige que le poste revienne à l'officier le plus ancien dans le grade, en l'occurence, Saïd Yazouren dit Vrirouche. Ce dernier, envoyé à Tunis, y est maintenu pour permettre la désignation d'Amirouche au grade de colonel.
L'épisode douloureux du complot dit de "la bleuite" affecte profondément la wilaya 3 et donne lieu à des liquidations physiques massives au sein des unités combattantes. Grâce à l'abnégation d'adjoints prestigieux, tels les commandants Ahcène Mahiouz, H'Mimi (Ahmed Feddal), Moh Ouali (Slimani Mohand Ouali), Ali Azzi, Lamara Hamel, il remet en route les unités combattantes. Souffrant de l'absence totale d'approvisionnement en armes en provenance de l'extérieur. Il décide alors, avec le colonel Haouès de se rendre à Tunis demander des comptes au GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) et envoie une mission d'approche vers la Wilaya 2 dont le chef, le colonel Ali Kafi avise Lakhdar Bentobbal de l'arrivée prochaine des colonels. Ce dernier avise Belkacem Krim et Abdelhafid Boussouf et ils décident ensemble de laisser le temps au service français du chiffre de décoder les messages de l'ALN.
Suivi à la trace par les troupes françaises, le groupe des colonels, escortés par le commandant Amor Driss, tombe dans une embuscade mortelle au lieudit Djebel Thameur en date du 29 Mars 1959.

 

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15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 17:15

Aussi loin que remonte ma mémoire, elle me ramène toujours au sommet d’une colline, un lieu cher à mon cœur, là où je suis né. Ce lieu, dont l’histoire remonte aux temps anciens, est un petit village kabyle, perché sur une crête, à un jet de pierre de la « Main du Juif » (thalettat), à mi-distance des Ath Ouacif, Ath Boudrar et Ath Yanni.

Du cimetière familial de Sidi Ali Bounab, une vue à 360 degrés permet d’admirer :
– au nord le regard embrasse Ath Ervah, Ath Yanni et au second plan les contreforts des Ath Yirathen.
– à l’ouest, se trouvent les groupes de villages des Ath Ouacif, Ath Bouakkach, Ath Sedqa, Ath Chebla et Thahachat et à l’horizon Azaghar (la plaine) mène à la zaouïa de Sidi Ali ou Moussa et plus loin aux Ouadhias et Boghni.
– au sud les Ath Boudrar sont adossés au djurdjura
– à l’est, une fois franchi l’assif El Djemâa se trouvent les Ath Menguelleth, I Attafen, Aqbil. Sur une crête intermédiaire Ighil Bwammas fait la liaison avec les Ath Boudhrar dominés par le Djurdjura.

Son nom « Thassafth Ou Guemmoun » (le chêne du mamelon) est dû à l’arbre multi centenaire, accolé à un micocoulier (Iviqqes) censé symboliser le Saint patron du lieu « Sidi Ali Bounab » qui, aujourd’hui est le cimetière de ma famille. Cette dénomination revêt une importance particulière car il s’agit de l’importation et de l’hommage rendu au saint de la région d’origine du fondateur du village.

Au plan topographique, le village suit un chemin de crête parfaitement dessiné en forme d’Y reliant les trois cols d’accès.
A l’Est, « Thizi Nath Ouamara » permet d’accéder au village par la côte des Ath Ammour.
Au Nord, qui constitue aujourd’hui la partie moderne, urbanisée du village, « Thizi Net Qerravth » (le col d’approche) permet d’accéder au village par la Zaouia Ammaria de Mrabet Mohamed et Thaqavouchth (le dépotoir) n’Ath Dahmane, qui fait le lien avec le noyau du village, Thighilt n’l’djamâa (la colline de la mosquée) où se trouvait le lieu de culte et d’enseignement; aujourd’hui détruit, créé par mon ancêtre, Sidi Salem ou Makhlouf, reconnu comme fondateur du village. Son ermitage « Thakhamth n’Sidi Salem » été affecté par le conseil de famille à feu mon cousin Salem et la maison ancestrale dont il ne reste aujourd’hui que l’entrée et la chambre de mon grand-oncle Kaci Oulhadj, frère de mon grand-père paternel. Il est indiscutable qu’il s’agit là de la plus ancienne maison de Tassaft.
Au Sud, par le pied de l’Y, Thizi Bouchfoun permet d’accéder au village par un raidillon menant à l’Aqerrou ou Guerfiw (tête du corbeau) et ensuite à Sidi Ali Bounab et Adhroum Nath Hammoudha.

Selon les témoignages recueillis auprès de mon grand-père Ibrahim, de ses frères Kaci Oulhadj et Mouh ath el Hadh dit Aazzoug, de ma mère el Hadja Yamina n’Ouali et de mon oncle maternel Hadj Abdelkader n’Ouali, Sidi Salem ou Makhlouf, prédicateur itinérant, s’est établi sur ce site, inhabité, inoccupé et a fondé ce qui est devenu Tassaft.

Après la construction, au point culminant du nouveau centre de vie, de sa maison, de la mosquée, de la salle de cours (tha mâamarth) et de son oratoire, il semble, et grâces soient rendues à mon parent Salem Ouahioune qui m’a permis, à la lecture de son blog sur Internet et le parcours de sa famille, de mettre en place les dernières pièces du puzzle, que Sidi Salem, ou un de ses descendants, soit reparti vers le massif de Sidi Ali Bounab en vue de ramener une population pour le nouveau centre de vie.

Il est probable que le choix des Ouahioune n’était pas fortuit et que des relations d’alliances familiales devaient probablement exister avant leur établissement à Tassaft.

Je n’en veux pour preuve que les liens, antérieurs à 1850 existant entre cette famille et la mienne devenue, à travers les âges et les éponymes Ath Sidi Salem, puis Ath Antar et enfin Ath l’Hadj Aâmer nom actuel de notre branche dont une partie a fondé Agouni Ahmed des Ath Yanni. Les membres portent encore leurs patronymes de Tassaft (Ath el Hadj « Mokdad »), (Ath Youcef « Meghalet » ), (Ath Oumghar « Meddad et Meddane »), (Ath Amer « Metref et Mezani »), tous liés, à ce jour à la branche aînée, les Ath el Hadj de Tassaft.

Jusqu’à sa mort, mon grand-père paternel Ibrahim, en sa qualité de descendant direct, organisait avec l’aide de Mohand Ouali nath Youcef (Meghalet) la zerda de Sidi Salem qui se tenait chaque année, en bordure de l’assif el Djemâa et regroupait les populations de Tassaft, des Aït Erbah et d’Agouni Ahmed. Un taureau y était sacrifié sur l’aire à battre censée représenter un des sanctuaires du saint.

La dispersion de la famille date du second tiers du XIXe siècle, période au cours de laquelle, en raison d’un conflit de voisinage avec certains membres d’Adhroum nath Hammoudha les Ath el Hadj Aâmer furent contraints à l’exil. Mon arrière grand-père, Saïd Oulhadj et ses enfants allèrent vers les Ath Ouacif (village de Bou Abderrahmane) où mon grand-père Ibrahim a grandi) et le reste vers les Ath Yanni où ils fondèrent le hameau d’Agouni Ahmed, à quelques centaines de mètres de Taourirt Mimoun.

La légende veut que le départ des Ath el Hadj eut pour conséquence une période de malheurs qui se serait abattue sur les Ath Hammoudha en raison de la malédiction lancée à leur encontre. Faisant amende honorable, des émissaires conduits par Ouali n’Mohand ou Ramdhane (mon grand-père maternel) ont été envoyés vers Bou Abderrahmane, en vue de solliciter leur pardon et les prier de réintégrer le village.

Après l’acceptation de Saïd Oulhadj et le pardon accordé, un villageois de Bou Abderrahmane, aurait houspillé le patriarche (mon arrière grand-père), trouvant qu’il ne libérait pas assez vite les lieux. Prenant à témoin l’assistance, il aurait dit que plus jamais cette demeure ne serait habitée et qu’il y pousserait du chiendent (ad yemmghi dhegs waffar). A ce jour, la maison existe toujours à l’état de ruine et nul n’y habite.

La délégation des Ath Hammoudha, accompagnée de Saïd Oulhadj s’est ensuite déplacée vers Agouni Ahmed en vue de ramener le reste de la famille vers Tassaft. Il leur a été répondu que le pardon leur était accordé, mais qu’ils préféraient rester chez les Ath Yanni qui les avaient accueillis avec respect et que le lien de confiance qui les liait aux Ath Hammoudha avait été rompu par ceux-là même qui avaient oublié la dette de leurs ancêtres vis-à-vis de l’Hadj Aamer qui les avait accueillis et mis sous sa protection durant leur fuite devant les soldats du roi de Koukou Amer oul Qadhi (Amer BelQadi mort en 1618).

Concernant Adhroum nath Hammoudha il est certain que les ancêtres Ahmed et Ali, derniers fuyards pérégrins après installation d’une partie de la famille à Ath Hamsi dans le lit de l’assif El-Djemâa, pour avoir participé à la révolte des tribus parrainée par Sidi Mansour, Sidi Abderrahmane N’ath Smaïl, Sidi Ahmed ou Malek (ancêtre de M. Redha Malek) et Sidi Ahmed Oudris, et qui, n’ayant trouvé refuge nulle part entre Ath Ghobri d’où il sont issus en raison de la peur des villageois de déplaire au despote de Koukou et d’encourir ses représailles, ont fini par être accueillis par l’Hadj Aamer qui les a mis sous la protection de Sidi Salem et les a autorisés à s’établir en mitoyens de sa propre demeure. Il reste de la maison originelle des Ath Hammoudha l’asseqif (ahanou) d’entrée et la petite chambre d’hôte qui le coiffe.

Au XVIe siècle, Sidi Ahmed ou el Qadhi, alors gouverneur de la province de Annaba du royaume Hafside, reviendra chez lui pour unir les Kabyles contre les Espagnols. Originaire de Aourir, village des Aït Ghobri, son retour sera accueilli de manière triomphale attirant aussi la sympathie des tribus voisines. Sidi Ahmed ou el Qadhi élira domicile sur le piton de Koukou, fortement soutenu par les Aït Khellili, Aït Bou Chaïeb, Aït Itsoura, Aït Yahia, Aït Idjer et bien sur les Aït Ghobri. Cela marque la naissance du royaume (taguelda) des Seigneurs de Koukou. Profitant de l’attaque par la mer des frères Barberousse, Aroudj et Kheireddin, il libérera Béjaïa de l’occupant Espagnol. Puis il infligera une lourde défaite au cheikh des Aït Abbas, prince de la Guelâa, en guise de châtiment pour avoir aidé les Espagnols contre les Kabyles. Enfin, trahi par les turcs, il chassera Kheireddin d’Alger où il régnera de 1520 à 1527. Son règne s’achèvera un soir où il sera assassiné par un mercenaire à la solde de Kheireddin. A la mort de leur chef, les Kabyles en déroute quitteront Alger pour se réfugier chez eux. Sidi el Haoussin ou el Qadhi, le frère de Sidi Ahmed ou el Qadhi, sera reconnu Roi de Koukou en 1529 et reprendra le commandement de l’armée Kabyle pour organiser la défense contre les Turcs.
Au fil des années le règne des Seigneurs de Koukou prendra une tournure despotique où les hommes des six tribus précédemment citées seront obligés de servir dans l’armée des Seigneurs de Koukou soumettant les tribus plus au Nord à différents impôts, racket et autres injustices. Certains historiens rapportent même que le cheptel des Seigneurs de Koukou allaient brouter de l’autre côté du Oued Sebaou, sur le territoire des Aït Fraoussen et des Aït Iraten, sans que cette importante confédération ne proteste de peur de déclencher une guerre.
Les Kabyles ne supportant plus l’exercice tyrannique du pouvoir par les Bel Qadhi, cherchaient depuis plusieurs années l’occasion d’en finir avec cette période de Régime de type féodal des Seigneurs de Koukou. Au XVIIe siècle, quatre saints, se rencontrent en ermitage à Tizi-Berth. A la suite de leur pèlerinage les quatre Marabouts décident de venir en aide aux tribus opprimées. C’est ainsi que Sidi Mansour rejoindra les Aït Djennad, Sidi Ahmed Ou Malek s’installera chez les Aït Ghobri et les Aït Idjer, Sidi Abd Errahman chez les Aït Itsoura et les Illoulen et enfin Sidi Ahmed Ou Dris ne cessera de voyager entre la région d'Azazga et celle des Illoulen. C’est Sidi Mansour qui sera le personnage moteur du soulèvement des Kabyles. Faisant prendre conscience de leur force et de leur nombre aux Aït Djennad, il constituera une formidable unité. Rapidement, les confédérations voisines des Aït Ouguenoun et des Iflissen Lebhar s’uniront avec les Aït Djennad pour former une puissante "confédération élargie" qui combattra sans relâche les Seigneurs de Koukou, alors dirigés par Amar ou el Qadhi. En 1618, Amar ou el Qadhi meurt mais il faudra attendre la fin du XVIIe siècle pour signer la fin du royaume des Seigneurs de Koukou avec notamment une liberté totale et retrouvée chez les Aït Djennad, Aït Ghobri et Aït Idjer. (Source Internet)
Entre-temps, la population du village s’est étoffée avec l’arrivée, fruit des diverses alliances et des mouvements de population, de plusieurs familles dont je cite par mémoire les noms d’état-civil qui, souvent, correspondent aux noms vernaculaires :

Aït Hamouda
Ould Hamouda
Aït Mohand (Ath M'and ou Yahia)
Aït Mouloud (Ath el Mouloud et Ath Mejber)
Aït Ouahioune (Ath Dahmane)
Aït Slimane (Ath Slimane)
Ammour (Ath Aammor)
Bacha (Ath Bacha)
Benamer (Ath Qasi Ouamar)
Bouabdellah (Ath Bouabdellah)
Gahlouz (Ath Ouamara)
Messaoudi (Ath Echikh)
Ouahioune (Ath Ouahioune, Ath Ouarab,Ath Ahmed Ameziane, Ath M'hammedh, Ath Mohdhaarab)
Ouarès (Ath Ouaras)
Yousfi (Ath Youcef)
Zeggane (Ath Ouzeggane)

A travers les années, particulièrement dès la fin du XIXe siècle le village a donné naissance à de nombreux intellectuels, et ce en raison de l’existence de l’école indigène qui date de 1881. C’est ainsi que, de Tassaft, est issu l’un plus anciens avocats algériens Me Arab Ouahioune, cousin germain de mon grand-père Ibrahim n’Ath El Hadj, bâtonnier de l’ordre durant les années cinquante et premier Président de la Cour de Constantine.

Avec lui, son frère Mohand-Améziane, est un enseignant, produit de l’École Normale de Bouzaréah. Je lui dois le peu que je sais et mon amour immodéré de la lecture et de l’écriture.

La génération qui a suivi, celle des années 20, a vu l’émergence des premiers enseignants dont Amer Ouahioune, fils du précédent, décédé il y a peu et dont j’ai eu la chance d’avoir été l’élève. Il faut y ajouter feu Ouali Aït Hamouda, décédé au cours de l’été 2010, à la carrière exemplaire et dont le souvenir demeure vivace à Aït Ali ou Harzoun, Ighil Bwammas et surtout Ech-Cheliff et son beau-frère Chabane Ouahioune fils de Mohand-Améziane, avocat, enseignant, écrivain à succès et billettiste estimé. Je n’oublierai pas non plus Mohand Aït Hamouda, instituteur tombé au front en 1945 en Alsace dans une guerre qui n’était pas la sienne. Il repose au cimetière militaire de Cernay, tombe N°196.

Je mentionne, pour mémoire, le grand penseur Mohammed Arkoun de Taourirt Mimoun des Ath Yanni, disparu en 2011, dont la grand’mère Zoubida Aït Hamouda était la sœur de mon grand’père Ibrahim.

Au-delà de ces intellectuels, deux personnages ont brillé d’un éclat particulier par leurs actions et leurs parcours qui font qu’ils sont ancrés dans la mémoire collective de la nation.

Ammar Ould Hamouda, contemporain de la génération des années 20, lycéen engagé dans le combat politique dans les rangs du PPA-MTLD, dont il fut membre du Comité Central, militant de la cause amazighe, premier responsable de l’O.S en Kabylie au moment où, au plan national, elle était dirigée par Hocine Aït Ahmed. Destiné à jouer un rôle de premier plan, il finit assassiné en 1955, sur ordre de Belkacem Krim après un simulacre de procès conduit par Amar Aït Chikh. Grâce à l’action des Associations Culturelles issues du mouvement amazigh il a été réhabilité au milieu des années 80. La maison de la culture de Tassaft lui a été dédiée et porte son nom.

Amirouche Aït Hamouda dont la place, dans l’Histoire de la Nation est certainement celle du héros absolu, combattant et meneur d’hommes. Ses compagnons de combat en parlent avec une admiration sans borne, louant son courage physique, sa perspicacité politique et une vision désenchantée de l’indépendance nationale. Bien des ouvrages lui ont été consacrés dont aucun n’est exempt de critique tant le symbole qu’il représente et les mythes qui lui sont associés ont été instrumentalisés par les uns et les autres à des fins plus que discutables.

A titre personnel, ayant eu le privilège de côtoyer, à Relizane, nombre de ses compagnons de la période PPA-MTLD puis OS, mais aussi, en Alger, ses adjoints les plus prestigieux, membres de son état-major, les Commandants Ali Azzi, Feddal Ahmed dit H’mimi, Lamara Hamel, Ahcène Mahiouz, Mohand Ouali Slimani dit Chéri-Bibi, dont j’ai été le collègue et l’ami dans le cadre du Département de Contrôle du Parti du FLN, je ne désespère pas de rédiger une biographie dépourvue de tout parti-pris.

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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 00:00

La Guerre de Jugurtha, une page d’histoire méconnue

"On trouvera difficilement dans les textes des historiens de l’Antiquité un fait d’armes plus longuement raconté que le stratagème qui a donné la victoire au Consul Marius en opération dans le Sud tunisien, lors de la "Guerre de Jugurtha". L’action du Ligure qui, ramassant des escargots, a trouvé la faille permettant l’escalade de la falaise est notée dans ses moindres détails... Il fut difficile de découvrir ce passage, qui ne s’est révélé qu’en un seul point, où tous les conditions de l’aventure étaient réunies." Par cette préface, André Berthier [i] annonçait pour la première fois la découverte de cette voie historique par une équipe d’archéologues.

Des royaumes berbères incertains

Cet épisode du Ligure, longuement rapporté par Salluste [ii] , n’est pas anecdotique. Cette escalade est non seulement une belle page d’alpinisme rétrospectif, mais elle se révélera, par ses conséquences, capitale pour la carrière politique de Marius, et fondamentale ensuite pour la géographie historique de l’Afrique du Nord. En effet, grâce à ce stratagème, Marius enleva la forteresse dans laquelle le roi Jugurtha avait caché ses trésors, pour gagner la guerre et rentrer finalement dans Cirta, la capitale de la Numidie. Or, il y avait à cette époque deux villes qui portaient le même nom : Cirta, aujourd’hui Constantine en Algérie et Cirta - Le Kef en Tunisie. La question de savoir jusqu’où s’étendait le royaume de Jugurtha et quelle était sa capitale s’est naturellement posée aux historiens. Le Bellum Jugurthinum de Salluste représentait une source privilégiée, à cause de ses informations et de la solidité de sa documentation et le chroniqueur latin est dans ce cas très précis : cette forteresse se situait "non loin du fleuve Muluccha qui séparait le royaume de Bocchus et de Jugurtha" [iii] .

Lors de la présence française dans cette partie de l’Afrique, les historiens ont donc tenté de reconnaître ce fleuve frontière. Mais faute de pouvoir disposer suffisamment d’archéologues pour prospecter le terrain et retrouver cette fameuse citadelle, ils n’eurent guère le choix que de s’appuyer sur les textes et sur l’onomastique. Plusieurs hypothèses furent émises. Celle qui finit par prévaloir fut celle de Stéphane Gsell [iv] : il pensait reconnaître dans l’oued Moulouya, un fleuve côtier marocain, le Muluccha de Salluste. La Numidie couvrait donc la majeure partie de l’actuelle Tunisie et la totalité de l’Algérie tellienne avec Cirta- Constantine comme capitale, tandis que la Maurétanie, le royaume de Bocchus, s’étendait sur l’actuel royaume chérifien.

Toutefois deux "détails" embarrassaient les historiens : si Marius est allé combattre sur les bords de la Moulouya, c’est une expédition de plus de deux mille kilomètres aller-retour qu’il a dû entreprendre.

Or, Salluste n’en dit pas un mot. Une telle expédition au Maroc depuis la Tunisie où toutes les campagnes précédentes s’étaient alors déroulées, paraissait insensée et même irréalisable aux esprits les plus pragmatiques. Gsell, lui-même, reconnaissait que cette forteresse (sur les rives de la Moulouya) est "fort éloignée des lieux où les Romains avaient combattu et hiverné jusqu’alors" [v] . Le second "détail" concernait la description que Salluste faisait de Cirta. Au cours du siège de cette ville tenue par Adherbal, Jugurtha "entoure ses murailles d’un fossé et d’une palissade... , il s’efforce de gagner les défenseurs (en étalant à leurs yeux, ostentare) par la corruption ou par la terreur".

Qui connaît Constantine et ses formidables canyons serait étonné de telles manœuvres ! Gsell lui-même en est conscient : "il (Salluste) ne connaissait pas Cirta (Constantine), ...il n’aurait certainement pas écrit que Jugurtha, assiégeant la ville, l’entoura d’un fossé et d’un retranchement" [vi] . Qu’à cela ne tienne, Salluste s’est trompé ! Cette hypothèse deviendra cependant thèse pour d’éminentes autorités dont Jérôme Carcopino [vii] et Albertini [viii] pour ne citer qu’eux. Cette version, traditionnellement admise, est toujours enseignée dans les universités.

Un archéologue contestataire.

Remettre en question l’identification Muluccha - Moulouya, soutenue par des voix si autorisées relevait de la témérité. C’est pourtant ce qu’un jeune archéologue, André Berthier, osa faire. Il était conservateur des archives de l’Est algérien, directeur de la circonscription archéologique et directeur du Musée de Constantine où il restera en poste de 1932 à 1973. Son œuvre archéologique est importante. On lui doit notamment l’exhumation de 1941 à 1973 de la cité de Tiddis, dont la publication de son dernier ouvrage : Tiddis, cité antique de Numidie [ix] en 2000 par l’Institut de France, est venue couronner sa longue carrière de chercheur.

Table de Jugurtha

Celle-ci aurait pu être tranquille, si ce n’est un jour, une rencontre singulière qui bouleversera sa vie. Il me fit part au cours de nos premiers entretiens de cette promenade avec cet ami près des mines du Kouif, rencontre qu’il a rapporté dans l’introduction de son livre "La Numidie. Rome et le Maghreb" [x] . Alors qu’ils découvraient devant eux, émergeant par delà les bois et les collines proches, une montagne tabulaire immense se détachant à l’horizon, son ami Alexis Truillot lui fit une confidence :

 Voilà, me dit mon ami, la Kalaat-Sename appelée aussi "Table de Jugurtha". C’est la forteresse si minutieusement décrite par Salluste, dont Marius n’aurait pu s’emparer si un soldat ligure n’avait découvert dans le rocher une large fissure où l’on pût faire grimper un détachement d’élite". C’était, ajoute-t-il, son premier contact avec une donnée historique véritable sur le terrain. Il venait en fait de découvrir pour la première fois cette Kalaat, cette montagne sacrée qui fera partie de sa trilogie : la Kalaat, Tiddis, et le mont Réa à la Chaux des Crotenay qui marqueront toute sa carrière d’archéologue.

Cela se passait près de la frontière algéro-tunisienne quelques temps avant l’entrée en guerre de la France et sa mobilisation. Il advint quelques mois plus tard, après son débarquement à Ajaccio, qu’il trouva un Salluste dans une librairie de la ville. A sa lecture, les remarques de son ami Truillot lui revinrent en mémoire et il fut convaincu de la justesse de ses propos. C’est ainsi qu’il publia en 1949 avec deux confrères un petit opuscule : le Bellum Jugurthinum de Salluste et le problème de Cirta [xi] .

Une thèse non-conformiste. A partir de réflexions de bon sens étayées sur la géographie du pays, André Berthier proposait que la Muluccha de Salluste soit plus vraisemblablement l’oued Mellégue, cet affluent majeur de la Medjerda dans l’Est algérien et que la forteresse connue par les prouesses du Ligure ne se trouve pas autre part que sur cette "Table de Jugurtha". La frontière entre les royaumes de Numidie et de Maurétanie était purement déplacée de plus de mille kilomètres vers l’est et la capitale de Jugurtha transférée de Constantine en Algérie, au Kef en Tunisie. La proposition, il faut en convenir, était contraire à la thèse défendue par les autorités de l’Institut.

Commençait alors ce qui deviendra "le cas Berthier". Pensez donc ! Un administrateur de province mettant en cause la thèse de l’Institut de France. La proposition ne peut être pas sérieuse. Elle n’est pas "politiquement correcte". La France n’a-t-elle pas repris, dans son extrême sagesse, l’œuvre civilisatrice de la grande Rome ! Consciemment ou non, la façon d’écrire l’histoire n’est jamais neutre. On fit donc comprendre à André Berthier l’incongruité de son hypothèse, et comme André Wartelle le dit dans la préface à la Numidie. Rome et le Maghreb : "Quand, en 1949, il publia son étude intitulée Le Bellum Jugurthinum de Salluste et le problème de Cirta, à peine le monde savant daigna-t-il y prêter attention. On le cita parfois, mais plutôt par condescendance, pour ne rien oublier : on ne le lut point ; on ne prit pas en compte ses arguments ; on négligea sa démonstration, pourtant marquée au coin brûlant du plus pur bon sens" [xii] . Bref, on dressa un voile invisible autour de sa thèse ; ses amis de la première heure prirent sous la pression quelques distances avec lui. L’histoire n’est pas un long fleuve tranquille, surtout lorsqu’on innove, qu’il y a des conflits de personnes qui redoublent les conflits intellectuels.

Un encouragement discret.

André Berthier était d’une étonnante indépendance d’esprit et de caractère. C’était sans compter sur sa pugnacité et sur sa conviction profonde en ses idées. Il avait reçu un soutien discret de Jérôme Carcopino pour qui il entretenait une réelle admiration, quoi qu’il ait professé une thèse contraire.

André Berthier resta fort discret sur cet appui qu’il me confia quelques temps avant sa disparition et que je me devais de conserver de son vivant. Ceci se passait en 1950 au Prieuré de la Ferté sur Aube dans la propriété de Jérôme Carcopino [xiii] au cours d’un de leurs entretiens.

 "Je ne vous donne pas mon adhésion, mais je vous donne mieux que cela, car je suis hésitant. C’est une victoire pour vous. Ne tenez plus aucun compte des lettres que je vous ai écrites auparavant. Cela ferait une belle thèse."

 "Pourquoi hésitation", me dit-il Il avait rencontré Bernard Simiaux de la Revue "Homme et Monde", lequel venait de lire l’article de René Louis sur Cirta Regia, et il poursuivit :

 "Vous en faites de belles, - dit-il à son ami. Savez-vous que, si Berthier a raison, tout ce qu’on a écrit sur l’Afrique du Nord serait faux".

André Berthier poursuivit donc ses travaux, étayant son argument sur les textes historiques anciens, les épigraphies négligées, la géographie du pays, prenant en compte les avis de ces officiers qui savaient ce qu’était une armée en campagne dans un pays en somme jamais soumis. Il eût surtout le temps de bien connaître cette terre d’Afrique, ses peuples et leurs traditions qu’il comprenait et qu’il aima profondément. Il dira [xiv] plus tard son mûrissement continu, ce lent travail d’approfondissement de la connaissance du pays, et sa surprise de constater combien cette Numidie est si différente de celle décrite et comprise par ses contemporains. Il avait noté le fossé psychologique, politique et institutionnel qui se creusait entre les deux rives de la Méditerranée, et ce décalage entre l’Algérie et la Métropole s’était insidieusement étendu dans le domaine de la recherche intellectuelle et scientifique, avec des conceptions schématiques et parfois dogmatiques sur les réalités algériennes. Ses recherches sur le terrain l’avaient conduit à vivre en un extraordinaire tête-à-tête avec l’histoire romaine de l’Afrique du Nord.

Vers une autre question épineuse : Alésia.

Mais déjà le contexte politique avait changé. L’Algérie était rentrée dans la tourmente. Même si les fouilles sur Tiddis se poursuivaient tant bien que mal, il n’était plus question de parcourir le pays sur les traces de Jugurtha. Aussi André Berthier s’était-il lancé dans une entreprise encore plus périlleuse.

"Il m’a paru qu’il était avant tout nécessaire de négliger, dans un premier temps, les travaux des historiens contemporains et de se reporter aux seules sources. Ces sources devaient être étudiées dans la pureté de leur témoignage. Les opérations guerrières devaient faire l’objet d’une constante confrontation avec le terrain. D’où ma première démarche ; relire les textes en ayant constamment sous les yeux les cartes d’état-major" [xv] . Or, la publication en 1958 par Jérôme Carcopino [xvi] d’un ouvrage sur la question d’Alésia, ouvrage semble-t-il rédigé à la hâte, le déçut fortement. Il replongea dans les Commentaires de César, puis à partir de sa méthode du "portrait-robot" et sur la base des cartes d’état-major, il tenta de retrouver un site qui répondait aux multiples problèmes du siège d’Alésia. Au bout de nombreux essais de comparaisons, un site lui sembla enfin correspondre à ce qu’il cherchait : il ne se trouvait ni dans la Côte d’Or ni dans le Doubs, mais dans le département du Jura, à Chaux-les-Crotenay.

C’est ainsi qu’il commença ses premières reconnaissances sur le terrain lors de ses congés en Métropole. Il obtint une autorisation pour des premiers sondages, sondages qui se montrèrent encourageants mais pas entièrement concluants. C’était méconnaître le milieu archéologique. Commença alors une querelle d’experts qui tourna rapidement à la polémique lorsque le journal "Le Monde" publia en 1967 un article : Contre les thèses généralement admises, un archéologue français situe Alésia au sud de Champagnole". Cette mise en doute d’un site officiel en Métropole à Alise-Sainte Reine par un Berthier qui avait déjà fait des siennes avec Cirta en Algérie, n’était pas du goût de tout le monde. La question d’Alésia était bien plus grave que le problème de Cirta dans la lointaine et indépendante Algérie. Elle touchait trop d’intérêts particuliers. D’où la nécessité d’établir une barrière de silence autour de lui, faute de pouvoir lui dresser un procès inquisiteur.

Une œuvre oubliée.

C’est ainsi qu’il publia dans un tel contexte en 1981, "La Numidie. Rome et le Maghreb", la thèse que lui avait suggérée Jérôme Carcopino. Elle sera encore négligée. Pourtant Ronald Syme [xvii] avait précisé dans son Salluste "qu’il y a des chances que, dans un cas sur trois, le Muluccha de Salluste ne soit pas la Moulouya située si loin à l’Ouest". On continuait cependant de professer dans l’Encyclopédie Berbère [xviii] que Constantine était la Cirta de Salluste. La méthode employée est des plus étonnante. Une longue bibliographie [xix] à Cirta-Constantine cite Berthier neuf fois - on ne pouvait faire moins pour un archéologue qui avait fait des découvertes dans sa ville -, mais aucune référence à sa thèse sur Cirta. André Wartelle disait qu’on le citait pour ne rien oublier, mais qu’on ne le lisait point ; mieux ici, on escamotait purement et simplement sa thèse contradictoire.

C’est que le monde des Africanistes avait changé dans un contexte politique modifié. Les états du Maghreb avaient acquis leur indépendance et les recherches archéologiques n’étaient plus ce qu’elles étaient. Elles passaient nécessairement par une coopération. Opération lourde à mettre en œuvre qui découragera bon nombre de jeunes chercheurs. Les spécialistes ayant vécu dans ces pays se faisaient de plus en plus rares. Il était loin ce temps où l’on commandait aux officiers topographes de prospecter le terrain, d’effectuer des recherches pour son propre compte. Insensiblement la source des nouveautés se tarissait. On passait dans nos institutions de ces multiples découvertes à des chantiers rares et ciblés. Faute de matière archéologique, on travaillait sur les écrits des prédécesseurs dont on a vite fait le tour. La valeur d’une publication se mesurait à l’aune de la longueur de sa bibliographie et non plus sur la découverte inédite.

Dans le contexte d’une indépendance récente, certains sujets sensibles comme la Berbérité étaient écartés. La vision historique portée sur l’Afrique romaine par les anciens colonisateurs provoque parfois des réactions contre les schémas simplificateurs des bienfaits de la civilisation romaine ou contre l’héritage des frontières coloniales. Cette vision reste encore un élément non négligeable de l’actuelle géopolitique du Maghreb. La saga de Jugurtha, petit-fils de Massinissa, ce rebelle face à l’invasion romaine ne continue-t-il pas de passionner certains Berbères à la recherche de leur propre identité ? La thèse de Berthier est trop dérangeante. Pensez donc ! enlever le mythe de Jugurtha aux Kabyles, transférer sa capitale d’Algérie en Tunisie. La vérité historique importe peu dans ce cas, il faut que le peuple ait des bases glorieuses pour raccrocher son histoire.

Jérôme Carcopino ne disait-il pas la même chose pour le mythe de Vercingétorix :

 "Il est difficile d’apporter la preuve mathématique (comme celle de 2 et 2 font 4, disait-il au Général Henry- Martin) de la solution Alise-Alésia. Mais si les spécialistes peuvent encore en discuter, il faut pour la masse du public une solution précise, au moins provisoire" [xx] .

Nous ne nous prononcerons pas sur la question de savoir si la solution d’Alésia est restée provisoire ou non, mais l’édition de son ouvrage "Alésia" chez Picard devint impossible ...et entraîna le silence prudent des Africanistes sur ses travaux en Numidie.

La légende de Jugurtha.

Paradoxalement, c’est à partir d’une légende, la tradition orale restant vive chez les Berbères du Haut-Mellégue, que l’affaire de la Numidie fut relancée. Natif des mines d’Ouenza près de la frontière algéro-tunisienne, j’y ai passé toute mon enfance. J’avais appris auprès des autochtones l’histoire d’un roi berbère, une de ces légendes merveilleuses que les anciens transmettent de génération en génération. Ce roi, "Yougurtha" disait-on, avait caché ses trésors sur la grande " mésa " voisine, une montagne tabulaire tranchant sur le reste de la plaine qu’on apercevait du côté tunisien et que les "Roumis" (Romains) avaient assiégée. L’occasion me fut donnée un jour d’une excursion sur cette "Table de Jugurtha". On n’accédait sur la table que par un sentier étroit taillé dans le rocher, tout le reste était à pic et inaccessible. A mi-hauteur, une forte tour fermée par une lourde porte bloquait ce seul accès. Au débouché du sentier, un champ de ruines et de blocs écroulés occupait la première partie de ce vaste plateau. Seule émergeait de ces tristes ruines la koubba blanche d’un petit marabout. Le point de vue depuis cet observatoire élevé et étendu était remarquable. On apercevait dans un tour d’horizon de nombreux pics isolés, ces "jebels" caractéristiques qui hérissent les vastes terres du Haut-Tell. On distinguait en particulier près du pic d’Ouenza, le mince filet de l’oued Mellègue, cet oued dans lequel on allait parfois se baigner. Au pied de la Table se trouvait le village minier de Kalaat Senam, tandis que plus loin, vers le nord, se distinguait la blanche ville du Kef juchée sur sa colline.

Ce vaste plateau était inhabité, seuls quelques ânes et chevaux broutaient une herbe rare. Il régnait en ces lieux désertiques et silencieux une atmosphère étrange, mystique, indéfinissable qui m’a profondément marqué.

De longues années plus tard, alors que je relisais dans une bibliothèque de Toulouse la "Guerre de Jugurtha", je fus surpris de la concomitance entre le texte de Salluste et ces souvenirs d’adolescence. Je pensais que l’histoire des bergers n’était pas si légendaire que cela. Cependant un point m’intriguait, une note de bas de page de l’éditeur signalée que la rivière Muluccha qui, selon Salluste, coulait non loin de la forteresse enlevée par Marius, se situait dans le lointain Maroc et s’appelait Moulouya. Je consultais donc les livres d’histoire pour éclaircir la question. Il n’y avait pas de doute, les historiens avaient placé le castellum de Salluste au Maroc. Cela paraissait bien étonnant, puisque toutes les péripéties de la "Guerre de Jugurtha" se déroulaient en général en terre tunisienne et que Marius revenait d’un raid sur Gafsa, à cent quatre vingt kilomètres au sud de la Table de Jugurtha. Comment diantre, avait-il fait pour traverser toute l’"Algérie en rébellion" pour aller attaquer un fortin si lointain au Maroc ! J’avais vu et appris à quel prix, il avait été difficile pour nos soldats motorisés de traverser la région des Aurès-Nemencha.

Une mission exploratoire vers la Table de Jugurtha.

A la lecture de ces livres d’histoire, je devinais la parfaite méconnaissance de ces professeurs de Paris qui, bien que très érudits, semblaient ignorer profondément les mentalités de ces peuples d’Afrique du Nord. Scientifique de formation, je ne concevais pas que l’hypothèse de la Table de Jugurtha n’ait même pas été évoquée. Chercheur en laboratoire, je ne comprenais pas que des vérifications expérimentales, c’est à dire des recherches archéologiques n’aient pas été entreprises sur ce site. Pourtant Salluste est prolixe en informations et en descriptions géographiques. Il suffisait de reprendre in extenso son texte, rien que le texte et de le confronter au terrain. Une façon d’aboutir et de vérifier les dires de Salluste était de découvrir la fameuse voie du Ligure, puisqu’il y consacre quatre chapitres. Le géographe Monchicourt qui connaissait bien le pays ne parlait-il pas d’une voie d’escalade pour atteindre le sommet du plateau ?

" Partout ailleurs, la Kalâat Senam est à pic sur une hauteur trop considérable pour qu’une escalade soit possible. C’est à peine si une fente béante entre deux des fahouls de l’angle sud-est peut permettre de se faufiler". L’alpinisme faisait partie de mes loisirs : refaire une "première" dans une "voie historique" devenait un challenge.

Une équipe d’amis compétents pour ce genre de mission était ainsi constituée et arrivait un jour à Kalâat Senam. Les lieux n’avaient guère changé et l’exploration systématique commença. Elle dura plus d’une semaine.

Tous les termes descriptifs de Salluste s’appliquaient au site : les silos à grains et les réserves d’eau des Numides, les sources près desquelles stationnaient les troupes romaines, des pièces de monnaie numides et romaines étaient aussi trouvées. Tout correspondait, mais impossible de retrouver le passage du Ligure, bien que de nombreuses voies d’escalade eussent été ouvertes par notre guide de montagne. C’était à désespérer.

Enfin dans les derniers jours, notre guide qui était parti fouiner parmi les fahouls, revint au camp et annonça simplement :

 " J’ai trouvé la voie du Ligure. C’est d’une facilité déconcertante".

La voie historique était ainsi refaite dans les mêmes termes que l’exploit du soldat rapporté par Salluste. Il n’y a plus de doute, le castellum de Salluste est bien la Table de Jugurtha et le fleuve Muluccha ne peut pas être autre que le Mellégue (Melek en Berbère).

La voie du Ligure

Où il est plus facile de découvrir la vérité que de la faire savoir !

A notre retour de mission, un rendez-vous était pris avec André Berthier. En effet, au cours de nos préparatifs j’étais tombé par hasard à l’université sur un livre : " La Numidie. Rome et le Maghreb" d’un certain Berthier qui était peu cité par ses confrères. Quelle n’avait pas été ma surprise de constater à sa lecture le parallélisme de notre parcourt dans cette affaire : une histoire qui commence par une légende recueillie aux environs de la Table de Jugurtha, un vécu dans l’Est algérien, une approche identique pour résoudre un problème. Mais André Berthier était un véritable archéologue, un historien qui connaissait son affaire. Nous lui apportions, indépendamment de sa thèse, des résultats qui la confortaient. Cette première rencontre avec André Berthier et de son épouse Suzette fut pour moi des plus enrichissantes. L’homme était dans ce domaine d’une grande érudition et d’une probité absolue. Il m’instruisit sur son propre parcourt et des difficultés qu’il rencontra dans cette affaire de Numidie, ainsi que sur celle d’Alésia. C’est ainsi qu’on tentait de faire connaître ces éléments nouveaux, pensant sans doute naïvement qu’ils intéresseraient les archéologues officiels.

C’était mal connaître le cercle des Africanistes. Les raisons d’un refus de publication portaient toujours sur la forme, jamais sur le fond : on commettait le sacrilège de ne pas citer les dits correcteurs. L’érudition se mesurait à la longueur de la bibliographie et non pas aux résultats expérimentaux. Mais surtout dans ces comités de lecture, on était juge et partie à la fois. Ceux qui s’étaient opposés à Berthier dans l’affaire d’Alésia ne pouvaient pas décemment soutenir un de ses disciples. Certains parmi ceux compétents en la matière en étaient restés à la grande Numidie. Les nouvelles preuves apportées rendaient caduques leurs écrits. Or, dans un conflit scientifique majeur, s’il apparaît finalement que l’un des protagonistes a tort, il est scientifiquement fini ou presque. D’où, la méthode bien connue et éprouvée d’occulter délibérément les nouveautés.

Un fossé existe dans nos universités entre la méthodologie appliquée dans les sciences exactes et expérimentales et l’approche utilisée par les humanistes. Schématiquement, d’un côté une équipe pluridisciplinaire qui travaille dans un laboratoire, de l’autre des individualités qui étudient le plus souvent dans une bibliothèque. Il est, de plus, étonnant de constater combien notre recherche est cloisonnée, que ce soit entre les disciplines ou dans un même domaine entre les spécialités. La géographie historique de l’Afrique du Nord, par exemple, semble avoir échappé aux géographes et dans une grande mesure à cette époque aux historiens non français. On ne peut que le regretter. La vision de Mommsen [xxi] n’est pas celle de Gsell [xxii] , comme la thèse de Barthel [xxiii] est en opposition avec celle de Toutain [xxiv] sur la grande centuriation tunisienne, autre sujet que nous traitons par ailleurs.

L’assentiment, en privé, de Jérôme Carcopino aux idées d’André Berthier fut tardif. En tout cas, trente ans plus tard, on continue de professer dans nos institutions l’absurdité d’une Numidie monolithique et démesurée, s’étendant depuis les Syrtes jusqu’à la Moulouïa marocaine. Notre recherche et notre enseignement universitaire à ce propos souffriraient-ils d’un strabisme cruel ? La réponse me fut donnée lors d’une conférence sur nos découvertes sur la Table de Jugurtha par un professeur d’université :

"Vous avez raison sur la Numidie" me dit-il, et d’enchaîner..."Mais je ne puis vous aider".

Cette confidence comprenait deux vérités : la première encourageante que la thèse d’André Berthier est incontestable, la seconde plus subtile qu’on ne s’attaque pas à un dogme. Je compris alors les lourds et permanents silences qui pesaient sur sa théorie et les oppositions sournoises qui entouraient nos travaux. La géographie historique n’est pas une science, elle serait pour certains une religion. La malédiction dont parle l’abbé Wartelle dans sa préface se serait-elle abattue sur cette discipline ? Il n’y a pourtant pas de déshonneur à rectifier une doctrine, si c’est pour faire avancer la science.

Un exemple à suivre.

Mais oublions ces critiques, laissons de côté ces querelles, pour nous attacher à suivre ces précieux auxiliaires de l’archéologie. Ils sont restés discrets : leur nom apparaît peu dans les ouvrages érudits ; ils sont allés sur tous les terrains dans des conditions parfois difficiles, surtout si on loge sous la tente ; ils connaissent le pays et beaucoup sa langue, ce qui est indispensable pour comprendre son histoire ; ils ont lu leurs classiques : ils avaient fait leurs humanités ; mais surtout ils avaient un bagage scientifique indiscutable : c’était des officiers-géographes, des géodésiens et des topographes de premier plan.

Ces officiers du Service Géographique des Armées avaient été réquisitionnés, dirons-nous aujourd’hui, par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques pour une mission précise : dresser en sus de leurs travaux de cartographie, un inventaire aussi précis que possible des richesses archéologiques de cette Afrique du Nord. Quel contraste ! Après les imprécisions, voici venus les opérations mathématiques, les levers rigoureux. Après les phrases sans campagnes archéologiques, les explorations sans phrases, et l’époque héroïque des découvertes historiques.

Le résultat final est connu, ce sont ces cartes d’état-major de Tunisie et d’Algérie. Ce sont ces cartes au 1/50.000e et au 1/100.000e sur lesquelles sont notées avec précision toutes les ruines anciennes dignes de ce nom. Ce sont ces rapports manuscrits, couverts de croquis à la plume et d’épigraphie, envoyés régulièrement aux autorités archéologiques. Ils alimenteront anonymement le Corpus, cette œuvre gigantesque et remarquable de Mommsen ou encore de Cagnat. De ces archives, de ses vestiges pourrait-on dire, une copie envoyée au Dépôt de la Guerre est retombée à l’Institut Géographique de France, son digne successeur. Soulevons le couvercle du carton où reposent depuis près d’un siècle les écrits de ces officiers-géographes, vous y trouverez la véritable "guerre de Jugurtha". Vous retrouverez la réponse à l’énigme du castellum de Jugurtha dans le rapport du capitaine de Vauvineux. Vous identifierez les éléments topographiques rapportés si précisément par Salluste sur les minutes du capitaine Désiré. Vous reconnaîtrez dans le répertoire de ces topographes, les bornes gromatiques des centurions-triangulateurs qui établissaient leur propre carte d’état-major. Ces officiers n’en sont-ils pas les dignes successeurs ! Mais le capitaine de Vauvineux a été négligé : son rapport inédit vient juste d’être publié [xxv] , le Capitaine Désiré oublié : ses travaux sur la Table viennent juste d’être cité [xxvi] , pillé le Capitaine Donau avant d’être finalement reconnu [xxvii] .

Où tout ne serait qu’affaire d’anachronisme !

Pourtant de Vauvineux rapporte la tradition orale concernant la Table de Jugurtha. Il décrit en termes identiques à ceux de Salluste cette "montagne rocheuse d’une hauteur immense, assez étendue pour porter un fortin". Le castellum de Salluste était déjà identifié en 1896 et le fleuve frontière Muluccha- Melleg connu des anciens. Et de là, placer Cirta au Kef il n’y avait qu’un pas à faire, puisque Constantine se situait bien au-delà de la frontière numide. Mais le ver était déjà dans le fruit.

En effet, par instructions spéciales, on demandait à ces officiers de reconnaître les cités et les voies romaines à partir de deux documents anciens : la Table de Peutinger et l’Itinéraire d’Antonin. Ces documents géographiques, outre qu’ils comportaient de graves erreurs, étaient surtout tardifs (IIIe et IVe siècle pour la Table, IIIe siècle pour l’Itinéraire). Il ne viendrait à l’esprit de personne, en matière de géographie politique, de confondre aujourd’hui les frontières de ces pays, issues de la colonisation, avec celles existantes quatre siècles avant l’arrivée des Français. A fortiori s’appuyer sur des documents si tardifs pour retrouver les frontières d’une confédération de tribus, mouvantes par excellence, quatre siècles plutôt, serait d’un anachronisme évident. Pourtant, c’est ce qui fut fait.

Pour ses recherches archéologiques, le Comité s’appuyait à cette époque, dans un soucis de simplification, sur une Afrique totalement romanisée et tardive. La carte de l’Afrique romaine annexée aux instructions, la Table de Peutinger et l’Itinéraire d’Antonin servant de référence souffraient déjà de cette simplification abusive et de ce métachronisme. "Cet anachronisme est la rançon de la cartographie historique dés que celle-ci se réfère à une période de trop longue durée" fait remarquer Salama. Que penser alors d’une période débordant de la conquête romaine ? On peut se demander, comme le souligne Berthier, si la confusion dans la dénomination de Sicca et Cirta Regia ne procèderait pas d’un tel anachronisme ?

Qu’au IIIe siècle Cirta soit à Constantine, personne n’en disconviendra. Mais de là à placer Cirta à Constantine et appeler Muthul l’oued Mellègue dans sa "carte pour servir à l’étude de la guerre de Jugurtha" comme le fit Stéphane Gsell [xxviii] , il y a, dirons-nous, déjà de la conclusion dans la démonstration. Par contre, Salluste est contemporain de ces événements, il connaissait le pays. Les faits rapportés et les descriptions des lieux évoqués le prouvent suffisamment. On ne peut pas toujours le soupçonner d’erreurs ou de confusions.

Il suffit simplement de monter aujourd’hui sur les remparts de la citadelle (byzantine) du Kef pour observer au loin" tranchant sur le reste de la plaine, cette montagne rocheuse d’une hauteur immense, assez étendue pour porter un fortin". Cette Table de Jugurtha, reconnue par les officiers-géographes et identifiée par notre équipe, détermine le fleuve frontière Melleg-Muluccha, confirmant ainsi la thèse d’André Berthier.

Vers une reconnaissance posthume

Une reconnaissance évidente a été exprimée par l’Institut pour les travaux d’André Berthier à Tiddis, mais bien tardive : son ouvrage a été publié quelques mois avant sa disparition. Reste que l’hypothèse provisoire de Stéphane Gsell sur une Numidie démesurée, étendue depuis les Syrtes jusqu’à la Moulouya marocaine, est la seule enseignée dans nos universités et continue d’abuser nos chercheurs. Le salut viendra, puisque justice il faudra, par une reconnaissance de sa thèse. Cette reconnaissance formelle viendra probablement un jour de Tunisie. Déjà une analyse remarquable du problème de la Muluccha et des travaux d’André Berthier vient d’être présentée dans une revue [xxix] francophone et arabophone de Tunis. Les recherches archéologiques timidement démarrées sur et autour de la Table de Jugurtha commencent à porter leurs fruits [xxx] . On évoque maintenant Salluste et la prise de la forteresse à propos de cette Table [xxxi] . Les officiers topographes ont montré la voie à suivre. Il faut prospecter pour apporter des nouveautés. La découverte récente dans la région de Thala d’une borne des Musulames [xxxii] apporte ainsi un éclairage nouveau sur les frontières de ces tribus numides liées à Jugurtha. La porte de leur propre histoire s’entrouvrirait-elle enfin devant ces chercheurs tunisiens ?

Mais quelle plus belle reconnaissance pour André Berthier que cette journée du 2 juin 2001 sur la Table de Jugurtha ! Une première reconstitution historique, devant les autorités et le corps diplomatique de ces événements mémorables, faite par la population locale dans les pures traditions du pays. Ce n’était pas du folklore.

C’était la représentation d’une tragédie antique qui se renouvelait pour la première fois sur le site même du drame. Les indigènes se réappropriaient enfin leur propre histoire.

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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 00:00

Dihya "El kahina" Reine berbère
décédée en 704/05


Au commencement du "Maghreb" arabisé était LA KAHINA. Une femme berbère, dite reine, polarise la résistance à l’envahisseur arabe après la mort de Kusayla en 686, qui avait, le premier, tenu tête aux orientaux déferlant sur " le lointain perfide ", selon l’image attribuée au calife Omar. Toute les dates sont incertaines, sauf celle de 697 (reprise de Carthage par les Byzantins avant de perdre la ville en 698, définitivement), comme le note Charles Diehl. En outre, nous sommes aussi bien dans l’histoire que dans le mythe. Très nombreux sont ceux qui ont écrit sur l’héroïne berbère. On a parlé d’elle comme de la Déborah berbère, de la Jeanne d’arc du Maghreb. Les écrivains arabes, eux, ont voulu montrer que Berbères et Arabes se sont vite mis d’accord et que l’union est parfaite ; mais la vérité est tout autre. Tandis que, dans l’Algérie occidentale, se reconstituaient de grandes confédérations berbères, les Arabes venus d’Égypte pénétrèrent, dès 647, dans le Maghreb. Mais ce fut seulement en 683 que la grande armée de Sidi ’Oqba en entreprit la conquête. Byzantins et Berbères, souvent alliés, résistèrent de leur mieux. L’histoire a conservé le nom de deux de leurs chefs : Kosayla qui reprit même aux Arabes la citadelle de Kairouan et la Kahina qui défendit l’Aurès. Vainqueurs, les Arabes réussirent à installer leur autorité sur l’ensemble du pays et se constituèrent en caste aristocratique dominante. En outre, ils surent détourner l’ardeur belliqueuse des Berbères en les entraînant à la conquête de l’Espagne. Une vigoureuse campagne de propagande religieuse provoqua l’adhésion des populations à l’islam, mais les conversions ne furent pas toujours très sincères : un texte célèbre d’Ibn Khaldoun n’affirme-t-il pas que les Berbères apostasièrent douze fois ? Il est vrai que, même convertis, ils étaient traités par leurs vainqueurs comme des infidèles : à partir du VIIIe siècle ils furent assujettis aux mêmes impôts que ceux-ci. Les Berbères s’opposèrent à cette domination étrangère, et recoururent notamment à la protestation religieuse. Ils se jetèrent d’abord dans le kharijisme, hérésie musulmane à tendance puritaine et égalitariste qui prétendait faire désigner par le peuple le chef de la Communauté islamique. Les kharijites expulsèrent les Arabes du Maghreb central et constituèrent de véritables théocraties indépendantes. Tel fut le petit royaume ibadite de Tahert (Tagdempt près de Tiaret) fondé par Ibn Roustem à la fin du VIIIe siècle et qui ne fut détruit qu’en 911 par l’armée fatimide, alors maîtresse de Kairouan. (LA KAHINA) Surnom de la "reine des Aurès" signifiant "la Prophétesse". Al-Kahina régna sur plusieurs tribus de Berbères de l’Aurès, dont la sienne propre, celle des Djarawa, de 685 environ à 704 ou 705. À la fin du VIIe siècle, l’Afrique du Nord voit s’affronter trois forces : les Byzantins d’abord, solidement implantés sur les côtes, avec Carthage surtout et Septem (Ceuta) comme points d’appui ; les Arabes, ensuite, qui arrivent de l’est et tentent de pénétrer en Ifriqiyya (actuelle Tunisie) et, de là, dans tout le Maghreb (Occident) ; les Berbères habitants des lieux, groupe homogène du point de vue ethnique mais profondément divisé selon qu’ils sont nomades ou sédentaires, agriculteurs ou citadins commerçants. Carthage tombe (695) devant Hasan ibn al-Nu’man al-Ghassani, nouveau gouverneur de l’Ifriqiyya. L’empereur Léontios réussit à reprendre la ville, mais seulement pour trois ans. De son côté la Kahina parvient à refaire l’unité berbère autour de sa personne et de sa tribu. Elle écrase l’armée d’Ibn al-Nu’mân, sur les bords de la Miskiyâna (près de Tébessa) dans le Constantinois et la repousse en Tripolitaine. En 798, Ibn al-Nu’man reporte ses efforts sur Carthage qu’il enlève, mettant les Byzantins en déroute : la maîtrise des mers dans le bassin occidental de la Méditerranée passe aux Arabes. Ibn al-Nu’man fonde Tunis. Un seul obstacle se dresse encore devant l’avance des Arabes vers l’ouest : la Kahina et le royaume qu’elle a constitué au Maghreb. Âme d’une résistance intransigeante, elle aurait pratiqué la politique désespérée de la terre brûlée, saccageant le pays, détruisant les villes et brûlant les plantations pour en détourner les Arabes et les décourager. Cette politique lui aliène la population sédentaire, tant citadine (grecque et berbère) que campagnarde. Ibn al-Nu’man tire parti de cette situation, réclame et reçoit des renforts armés que le calife ’Abd al-Malik vient de lui envoyer (702) et reprend l’offensive ; Certaines sources le prétendent. La bataille eut lieu à Tabarqa. La Kahina y fut vaincue et décapitée (en 704/05) au lieu dit depuis Bir al-Kahina (le puits de la Kahina). La voie vers l’Atlantique était ouverte aux Arabes. L’histoire de cette femme fougueuse et indomptable est en grande partie légendaire : les romanciers s’en sont emparés.

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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 00:00

Mohand Said Lechani (1893-1985),

Figure historique de la Kabylie contemporaine, il est le pionnier de l'enseignement indigène en Algérie, berbérisant précurseur et militant socialiste de la première heure de tendance Jauréssienne.

Diplômé de berbère de l'Institut des Hautes études de Rabat en 1919 et de la Faculté des lettres d'Alger en 1948, il fut notamment l'élève de Boulifa et d'Emile Laoust puis plus tard compagnon de recherches d'André Picard. Lechani est fondateur en 1922 de la revue "La Voix des humbles" puis participe à la naissance d'"Alger Républicain" en 1938. Pionnier de la pédagogie nouvelle dans les années 33-34 (pédagogie Freinet) , il représente la Kabylie au Conseil général, à l'Assemblée financière et à la Commission supérieure des réformes musulmanes. Il est l'auteur de deux grandes réformes: la naissance des centres municipaux en Kabylie à son initiative en 1946 et la fusion des enseignements en 1948 réalisant ainsi l'école unique pour tous sans distinction de race et de religion ou d'origine. Proche des figures anti-colonialistes comme Alain Savary et Charles André Julien du côté français; d'Abderrahmane Farès et d'Ahmed Boumendjel du côté algérien. Il rejoint le FLN et le GPRA à partir de fin 1955 lors de la Guerre d'Algérie. Décèdé le 25 mai 1985, il est inhumé dans son village natal d'Ait Halli (Irjen : Ait Iraten). Il laisse de nombreux écrits notamment sur la langue kabyle. Son œuvre est partiellement publiée en 1996 à titre posthume.

Encyclopédie Wikipedia


Un défenseur méconnu de la langue berbère

C’est le 25 mai de l’année 1985 que disparaît Lechani Mohand Saïd après avoir lutté toute sa vie durant pour le triomphe de certaines nobles idées qui ont pour noms : Berbérité, modernité, et laïcité.

Faisant partie des premiers instituteurs indigènes sortis de l’école de la France coloniale, il ne tardera pas à faire parler de lui en activant sur tous les fronts. La pédagogie, la politique et le journalisme sont les principales activités de cet intellectuel qui fait feu de tout bois. En 1912 à peine âgé de 19 ans, le voilà intégrant le section française de l’International Ouvrière (SFIO), qu’il ne quittera que deux années après le déclenchement de la guerre d’indépendance pour rejoindre le FLN. Mais entre temps, il a déjà fait ses preuves en matière de militantisme dans les rangs de la SFIO et aura accumulé plusieurs postes de responsabilité politique. Il a été tour à tour représentant de la Kabylie au conseil général d’Alger, membre de l’assemblée financière d’Algérie, maire de la commune d’Irjen, Grande Kabylie...... etc. Ses activités politiques aussi intenses soient-elles ne l’ont pas complètement détaché de son autre pôle d’intérêt : la pédagogie. Elément actif du corps des Instituteurs "indigènes", il fonde avec quelques uns de ses camarades, en 1922, “La voix des humbles” une revue qui sert en quelque sorte de porte-voix aux instituteurs "indigènes". Cette revue permettra à Lechani d’exposer ses théories didactiques et d’évoquer les sujets de l’heure intéressant la politique scolaire. Mais, peut être, la chose, qui l’a entièrement comblé dans ce domaine, c’est la suppression en 1948 de l’enseignement "indigène", chose pour laquelle il a ardemment lutté. « L’école ne doit être ni congrégationniste ni ségrégationniste. Elle doit s’ouvrir à tous les enfants et les rassembler en son semi sans regarder à leur appartenance raciale ou religieuse ». Telle est l’école pour laquelle Lechani a milité et le temps lui a donné raison. Plus tard, à l’indépendance de l’Algérie, toujours égal à lui même, il écrira : “L’enseignement sera assuré par l’Etat. Ce service public est si important que l’Etat ne peut l’abandonner aux religions. Cet enseignement sera lui-même laïc, commun à tous les enfants...” Si l’Algérie s’était inspiré des idées de Lechani et de bien d’autres intellectuels progressistes ont aurait évité à notre école et par là à notre pays ses errements. Mais comme le vin est tiré, il faut seulement ne pas le boire ! En sus de la politique et de la pédagogie, Lechani a d’autres centres d’intérêts moins absorbants peut être comme le sont la politique et la pédagogie, mais ils ont quand même leur importance dans la vie de notre instituteur. Il s’agit de l’aventure journalistique et des études berbères. Il fait partie de ceux qui ont crée “Alger républicain” et lui ont donné son esprit. Il est parmi les rares kabyles à obtenir des diplômes de berbère, au Maroc en 1919 et en Algérie en 1948. Emerveillé par sa langue maternelle, il a laissé à son sujet, des textes époustouflants de beauté. « Le vocabulaire kabyle est suffisamment riche pour permettre l’expression de la pensée et des sentiments avec nuance et précision. Il faut entendre les vieux montagnards de chez-nous, ceux en particulier qui ne se son jamais expatriés ou qui s’absentent rarement du pays - pour se rendre compte de la richesse de notre langue, de son élégance remarquable, de la souplesse de sa syntaxe, de la variété de ses formes, de la sagesse et de la poésie de ses expressions. Mais seule une langue pratique et un usage constant permettent d’en saisir les finesses et le génie, d’en goûter l’esprit. Ceux qui n’ont pas suivi les réunions de djemaâ, qui n’ont pas souvent assisté aux rencontres où se règlent les différends, aux conciliabules où se tranchent les affaires de famille, d’intérêt ou d’honneur, ne peuvent se faire une idée de la qualité des ressources verbales qu’elle met à la disposition des hommes qui participent aux discussions. Les séances de cette matière où s’affrontent des orateurs de classe maître de leur langue et de leur pensée, constituent un véritable régal qui charme et contente l’oreille », écrit-il pour dire tout l’amour qu’il porte à la langue kabyle. Son œuvre éditée en France, à titre posthume, en 1996, nous permet de saisir la finesse et la profondeur de ses analyses. Intellectuel kabyle, en avance sur son temps, Lechani mérite que l’on s’intéresse un peu plus à son œuvre.

Boualem B - La dépêche de Kabylie du 01 Juin 2005

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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 00:00

AURES : Révolte de 1916 Par : Ammar NEGADI A titre indicatif : Le Centre Mac—Mahon / Aïn Touta créé en 1872 avait une superficie de 922 hectares répartis en 20 lots agricoles de 24 ha, soit 480 ha. Reste 442 ha divisés en deux lots industriels. Quant à la commune proprement de Mac-Mahon elle avait une superficie de 283 852 ha occupée par 391 français et 34 066 «indigènes». Sur ces bases, on peut faire un calcul simple qui démontre que la colonisation avait divisée en deux un territoire, refouler la population locale sur une moitié (la moins bonne …) et distribuer l’autre aux colons. Dans le cas de Mac-Mahon / Aïn Touta 34 000 «indigènes» sur 18 000 ha et 400 français sur 16 000 ha. Bibliographie : Ageron Ch.-R. : «Les troubles insurrectionnels du sud Constantinois Novembre 1916. - Janvier 1917» in «L’Algérie Algérienne de Napoléon III a de Gaulle». Paris, 1980, DEJEUX (Jean) : «Le bandit d’honneur en Algérie : de la réalité et de l’oralité à la fiction», Paris, Awal, La Boîte à Documents, Etudes et Documents Berbères, Volume 4, 1988, pp. 39-60, 63 notes, ill., ann. Depont O. : «Les troubles insurrectionnels dans l’arrondissement de Batna en 1916. 1917», Alger, Depont O. : «Pages d’histoire, une insurrection en Algérie 1916-1921», Revue de l’Afrique du nord. LETAN (Robert : «La révolte des Aurès de 1916 dans les Aurès», 572 pages, nombreuse photos d’époque. Table des index de nom propres et de lieux. Est disponible chez l’auteur R. Letan 36, rue de l’Isère 20100 Casablanca SOUGUENET (L.) : «Mission dans l’Aurès (1915-1916)», Paris, La Renaissance du livre, 1928, St Arnaud : «Lettres du Maréchal St Arnaud sur ses compagnes dans l’Aurès», Abdelhamid ZOUZOU : «L’Aurès au temps de la France coloniale. Evolution politique, économique et sociale (1837-1939)». Alger, Ed. Houma, 2001, 1 996 p. en 2 volumes. (L’auteur, professeur en histoire contemporaine à l’université d’Alger, a passé quinze années de recherche et de documentation pour présenter une thèse de doctorat d’Etat à l’université Paris XII, 1992, sous le titre : «L’EVOLUTION POLITIQUE, ECONOMIQUE ET SOCIALE DE LA REGION DE L’AURES (1837-1939)». Dans sa préface, Charles-Robert Ageron, professeur à l’université Paris XII, écrit que la thèse de Zouzou est une encyclopédie de savoir et de connaissances, mais aussi une histoire construite et expliquée où les Algériens retrouveront, présentés dans une problématique post coloniale, tous les traits caractéristiques de la domination coloniale. «Au total, cette thèse écrite directement en français par un universitaire de langue arabe retient l’attention par l’ampleur de son information, le classicisme de sa facture et la solidité de ses démonstrations». Quant à l’auteur, il souligne que le fait d’être originaire des Aurès n’explique en rien son choix, la raison la plus simple, c’est que cette partie de l’Algérie n’a fait l’objet d’aucune étude académique. Le choix chronologique n’est pas non plus fortuit : il marque la chute du Beylik Echark, l’année 1837 a été prise comme point de départ parce qu’elle coïncide avec le déclenchement de la résistance auressienne ; laquelle n’avait pas attendu l’arrivée de l’armée à Batna, en 1843, pour se manifester. Quant à 1939, cette date correspond au commencement du conflit mondial, «En ce sens elle trace une limite séparant nettement l’ancienne époque d’une nouvelle phase caractérisée par une entière prise de conscience politique tout à fait apte à agir contre le système colonial». Cette étude, riche et massive, et parfois «confuse» en son déroulement, est centrée la région auressienne : la colonisation française n’a engendrée que régression. Liste des extraits : A - Causes de la résistance des Aurès B - Révolte des Aurès de 1916 (Rapport Depont) C - Charles-Robert AGERON : LES ALGÉRIENS MUSULMANS ET LA France (1871-1919) D - Gilbert MEYNIER : «L’Algérie révélée», Genève-Paris, Lib. Droz, 1981, pp. 591-598 E / Les troupes coloniales dans la Grande Guerre, (Jauffret) F / Abdelhamid ZOUZOU : «L’AURES au temps de la France coloniale. EVOLUTION POLITIQUE, ECONOMIQUE ET SOCIALE (1837-1939)» ********* A / Causes de la résistance des Aurès Les causes de l’insurrection relèvent de plusieurs facteurs parmi lesquels la dégradation des conditions sociales, politiques et économiques qui eurent des incidences directes sur les Algériens lesquels vivaient une situation dramatique en raison de la famine, des épidémies et des lois scélérates dont le Code de l’indigénat, parallèlement à la propagation de la misère et la cherté de la vie. La conjugaison de tous ces facteurs suffisait à elle seule pour déclencher l’insurrection bien que certains historiens aient évoqué également le rôle joué par les confréries soufies dans l’incitation des Algériens à la révolte et la rébellion. Par-dessus tout, le mécontentement qui s’est répandu chez les Algériens en raison de la promulgation de la loi sur la conscription obligatoire en 1912 est considéré comme l’étincelle qui a entraîné l’explosion de la situation. En dépit du fait que cette loi avait suscité l’adhésion de certains lettrés du mouvement des jeunes algériens à tendance libérale, qui y voyaient un moyen d’intégration selon eux, elle rencontra néanmoins une violente opposition de la part du public. Le rejet de la conscription obligatoire par les Algériens s’est amplifié après l’arrivée de nouvelles inquiétantes sur la mort par milliers de jeunes conscrits au cours des batailles terribles qui se déroulaient en Europe, puisque le ministère de la guerre français avait enregistré en octobre 1916, 7822 tués, 30.354 blessés et 2611 prisonniers. En 1916, la France avait un besoin pressant de troupes supplémentaires et pour cela, elle décida d’enrôler les jeunes ayant atteint l’âge de 17 ans pour les envoyer au front dans les plus brefs délais. Par ailleurs, la mise sous séquestre à l’orée du vingtième siècle des terres appartenant aux habitants de Aïn Touta, Merouana et Sériana dans la région des Aurès afin d’établir des centres d’implantation pour les émigrés européens et créer des communes mixtes dont la commune de Belezma en 1904, fut à l’origine du déclenchement de troubles dans la région et amena la cour d’assises de Batna à prononcer diverses peines de prison à l’encontre des accusés. En guise de représailles, les Algériens refusèrent de se soumettre aux lois du colonisateur. Les adversaires de la loi sur la conscription obligatoire déclarèrent en décembre 1914 qu’ils bénéficiaient du soutien des Turcs et des Allemands pour la libération de l’Algérie. A l’instar de la résistance de Béni Chougrane en 1914, celle des Aurès en 1916 différait des insurrections du 19ème siècle sur divers points dont les plus importants sont: - L’insurrection n’avait aucune relation avec les confréries et les zaouias - Elle ne s’est pas déclenchée en raison de l’opposition des grandes familles et des notables au colonialisme. - Elle n’a pas eu lieu en raison de la faible présence de troupes militaires françaises comme ce fut le cas en 1870 et 1871. Cette insurrection fut une forte réaction collective contre la politique militaire coloniale représentée par les lois de 1907 et 1912 portant sur la conscription obligatoire des jeunes ainsi que le service du travail obligatoire dans les fermes et les usines en France. Les étapes de la résistance des Aurès L’insurrection des Aurès débuta effectivement le 11 novembre 1916 lorsque les populations de Aïn Touta et Barika se rassemblèrent au village de Boumaza et s’accordèrent à déclarer la guerre sainte aux impies. Cette nouvelle se propagea rapidement dans les villages et des centaines d’hommes répondirent à l’appel sacré. Ceci poussa les Français à couper toutes les communications entre la région et le monde extérieur en interdisant les déplacements et les voyages de et vers les Aurès. Les insurgés réagirent en détruisant les câbles du téléphone, du télégraphe et les ponts. Par ailleurs, ils attaquèrent les domiciles et les biens des Européens, visant particulièrement les agents de l’administration coloniale dans tous les villages et hameaux. Les opérations des résistants contre les intérêts français s’intensifièrent, touchant le fort administratif «Mac Mahon», ce qui se solda par la mort du sous-préfet de Batna et la destruction du fort après que la garde militaire française se fut enfuie en l’abandonnant. Tandis que l’administration coloniale sous-estimait ces événements, les insurgés entreprirent d’encercler la ville de Barika le 13 novembre 1916 pour attaquer un convoi français le lendemain. Devant l’aggravation de la situation et l’extension de l’insurrection, le gouverneur général d’Algérie demanda des renforts militaires supplémentaires, en insistant sur la nécessité de recourir à l’aviation pour terroriser les populations, notamment après que 10 soldats français furent tués lors des accrochages du 5 décembre 1916 lorsque les troupes françaises avaient attaqué les rebelles qui s’étaient réfugiés dans les monts Mestaoua. A cet effet, la France retira le bataillon 250 du front en Europe pour l’envoyer en Algérie, le nombre de soldats français dans les Aurès ayant atteint ainsi 6000 hommes commandés par le général «Monnier». Le commandement militaire fit venir les avions de guerre du type de ceux qui étaient en Tunisie pour les envoyer vers la région des Aurès. Au début de Janvier 1917, on dénombrait plus de 14000 soldats basés dans les Aurès, équipés d’armes des plus modernes en vue de liquider définitivement l’insurrection et réprimer ses animateurs. Entre novembre 1916 et la fin du mois de mai 1917, les troupes coloniales ont commis les pires crimes contre les populations désarmées en représailles contre la poursuite de la résistance. La preuve la plus édifiante de ce qui fut commis par les Français durant cette période est le rapport établi par la commission parlementaire française qui s’est penchée sur la politique pratiquée par les Français, basée sur les assassinats par toutes sortes d’armes, la terre brûlée et la saisie des biens des populations. Ne se contentant pas de cela, la France emprisonna plus de 2904 révoltés, accusés de rébellion et de provocation de troubles. 825 Algériens furent présentés devant les tribunaux et 805 d’entre eux furent condamnés à environ 715 ans de prison au total tandis que 165 furent dirigés vers les tribunaux arabes à Constantine et 45 vers le tribunal de Batna qui prononça à leur encontre 70 ans de prison. Les condamnés furent soumis à des amendes totalisant 706656 francs français et l’administration coloniale saisit environ 3759 fusils de chasse anciens, 7.929 ovins, 4511 caprins et 266 bovins. Compte tenu de la gravité de la situation, le gouvernement français s’empressa de placer l’ensemble de la région sous administration militaire aux termes du décret du 22/11/1916. En dépit du fait que les espoirs fondés par les Algériens, à travers la résistance des Aurès en 1916, de se débarrasser du colonialisme et de sa tyrannie, ne se soient pas concrétisés, les conséquences de cette insurrection et les drames qu’elle engendra demeurèrent gravés dans les esprits des habitants de la région, dans les écrits des historiens et les œuvres des poètes jusqu’au déclenchement de la Révolution du premier novembre. -------------------- B / REVOLTE DES AURES DE 1916 (contre la conscription) Rapport de Monsieur l’Inspecteur général des Communes Mixtes, Directeur intérimaire des Territoires du Sud, concernant les troubles insurrectionnels de l’arrondissement de BATNA en 1916 Par Octave Depont, en date du 1er septembre 1917 Chapitre I Le pays et ses habitants Tribus ayant pris part en totalité ou en partie à l’insurrection Organisation administrative L’arrondissement de BATNA est la plus grande circonscription administrative du Département de CONSTANTINE Sa superficie est de 1.518.172 hectares. A part SETIF, celles des quatre autres arrondissements est à peu près le tiers de ce chiffre Par contre, sa population européenne est la plus faible. 7102 français et 1093 étrangers, contre 289.898 indigènes divisés eux-mêmes en 141.359 arabes et 99.209 berbères. L’arrondissement compte quatre communes de plein exercice et cinq communes mixtes. Communes de plein exercice : BATNA, BISKRA, LAMBESE, KHENCHELA. Communes mixtes : AURES, KHENCHELA, AIN TOUTA, BARIKA, BELEZMA, AIN-ELKSAR. Il y a peu de colonisation. Dans son enquête sur les résultats de la colonisation officielle de 1871 – 1895, Monsieur DE PEYERIMOFF, parlant les HAUTS-PLATEAUX, s’exprime ainsi : «Plus fâcheux encore (que pour le plateau de CONSTANTINE) apparaît à l’état de la colonisation dans la région de la BATNA où l’on a hasardé une douzaine de périmètres. Terres souvent maigres, climat sec, emplacements parfois médiocrement sains, peuplement faible, et, pour les lots de ferme, vente sans obligation de résidence ni limitation de la faculté d’achat, bien des causes ont agi, on le voit, pour préparer un échec qui, dans l’ensemble, est visible. Dans les groupes de fermes, la population française a pratiquement disparu. Au contact de cette population faible, les indigènes ne progressent pas non plus, et leur situation économique reste, elle aussi, médiocre»…. Quelques nouveaux centres : BAGHAI (KHENCHELA) CORNEILLE et BERNELLE (BELEZMA) ont cependant mieux réussi que les anciens. CORNEILLE compte 265 européens, BERNELLE, 254. La population indigène habite les massifs montagneux principaux de l’AURÈS, du BELEZMA, du METLILI, et les plaines environnants. L’AURES est compris dans le quadrilatère BATNA, BISKRA, KHANGA SIDI NADJI, KHENCHELA. Sa longueur de l’Est à l’Ouest, est d’environ 100 Kilomètres ; sa largeur est à peu près la même du Nord au Sud. Il renferme, on le sait, la plus haute cime de l’ALGÉRIE, le CHELIA (2328m.) Comme l’AURÈS, le BELEZMA qui s’étend à l’Ouest de la route de CONSTANTINE à BATNA jusqu’aux N’GAOUS et jusqu’aux plaines du Sud de SAINT-ARNAUD, est un massif difficile est compliqué, ses plus hauts sommets ne dépassent pas 200 mètres. Dans le sens se la longueur, il a environ 80 kilomètres alors que sa plus grande largeur n’est que de 25 kilomètres. L’AURES sera bientôt traversé par deux routes principaux : MENAA et ARRIS. Bientôt, les touristes pourront visiter, en pleine sécurité, les gorges de TIGHANIMINE, de BANIANE, de MCHOUNECHE, la curieuse DJEMINA, et d’autres sites également pittoresques et beaux. Le BELEZMA n’est guère percé que par des chemins muletiers. Seulement, une route en fait le circuit qui comporte plus de 200 kilomètres de développement. Il renferme le massif célèbre de la MESTAOUA, une grande forteresse naturelle, formé par des escarpement à pic qui, depuis des siècles, a été l’oppidum de tous les révoltés et de tous les mécontents du pays en 1771, contre SALAH Bey ; en 1974 contre MOSTEFA Bey BEN OUZNADJI, en 1811 contre HAMANE Bey ; en 1818, contre MOHAMMED TCHAKER Bey ; en 1871, (1) et en 1816 contre nous. Dans son histoire des Beys de CONSTANTINE, Monsieur .VAYSETTES (2) parlant de l’expédition du Bey BEN OUZNADJI, dit que celui-ci ne put forcer le repaire de la MESTAOUA qu’en y faisant mettre le feu et tuer tout ce qui s’y trouvait. «Son infanterie et ses goums furent décimés… on était obligé d’emporter chaque jour les morts avec des filets, pour ne pas livrer leurs cadavres à la férocité de l’ennemi.» Nous dirons plus loin, ce que furent notamment les résistances de 1871 et de 1916, dans la MESTAOUA. Le METLILI Le METLILI, massif isolé, s’élève au-dessus de la plaine de SEGGANA-SEFIANE au Nord- Ouest, de la plaine d’EL OUTAYA au Sud-Est et de L’oasis d’EL KANTARA au Nord Est. Il est constitué par une série de rides parallèles orientées Nord-Est et dont les plis ont serrés comme les fronces d’une étoffe. Sa longueur est de 45 Kilomètres environ, et sa largeur est, en moyenne, de 15 Kilomètres. Le point culminant est le DJEBEL-METLILI à 1495 mètres, où se trouve un poste optique communiquant avec AUMALE Dans la partie Nord du Massif et sur le versant d’EL KANTARA, on rencontre de nombreuses excavations naturelles dans les rochers. Les indigènes en ont aménagé quelques unes pour y habiter l’hiver. Le METLILI, et surtout le poste optique, sont très appréciés des touristes qui se rendent volontiers d’EL KANTARA dans cette montagne aride et imposante. Sans remonter jusqu’à un lointain passé historique, qui peuple le pays des Libyens et de Gétules, de Juifs, de Mazyques et de Marmarides (3) nous arrivons, tout de suite, au berbère qui est le fond de la race nord africaine, et que les ethnologues modernes divisent en cinq groupement principaux : Au Nord, le groupe Kabyle, A l’Ouest, le groupe Berbère de l’Atlas marocain, Au Sud, le groupe des Touaregs, A l’Est, le groupe des Chaouias, de l’AURÈS et du BELEZMA, Au centre, le groupe des Mozabites. Tous ces groupes sont plus ou moins caractérisés, en ce sens qu’ils ont, plus au moins, été pénétrés par les Arabes, sauf pour ce qui est des Touaregs et des Mozabites. Cette pénétration favorisée par les invasions et les circonstances, n’a cependant guère atteint les Chaouis de l’AURÈS et du BELEZMA, race invinciblement rétive. Fermée, ou à peu près, par ses défenses naturelles, à toute invasion, race qui a vu passer tous les conquérants sans se laisser pénétrer par aucun. Constamment en guerre entre elles, comme toutes les tribus de L’AFRIQUE DU NORD, ces populations, à part les apports des vaincus auxquels elles accordaient asile, ont gardé, dans chaque canton, dans chaque village même, juxtaposés, mais non confondus, vivant sur un même sang, tous leurs caractères sociologiques spéciaux. Bien entendu, il faut faire exception pour les plaines où, plus abordables, les Chaouis sont plus ou moins arabisés. Des remaniements de territoires ayant, à diverses reprises, notamment depuis 1904, été opérés dans les communes mixtes d’AIN TOUTA, du BELEZMA et de BARIKA, du fait de la création du BELEZMA, de la suppression de l’ancienne commune mixte des OULED SOLTANE, et de la remise au territoire civil de l’annexe de BARIKA, il en est résulté que des tribus ont été disloquées pour passer, par parties, dans l’une ou dans l’autre des trois circonscriptions subsistantes. Nous les présenterons donc, au fur et à mesure que le récit nous y conduira, sans tenir compte des divisions administratives actuelles. Au surplus, le tableau ci-dessous nous indiquera le partage des tribus que nous avons à étudier comme ayant pris part, en totalité ou en partie, au soulèvement : Nom des Tribus Douars ayant pris part à l’insurrection Territoires auxquels ces Douars ont été incorporés Arrondissements L a k h d a r Halfaouias Ouled Soltane --- --- --- --- --- Ouled Bou Aoun --- --- Ouled Chelih Hodna Oriental --- --- --- --- Saharis Beni Bou Slimane Djebel Chechar --- Segnias --- --- --- Maadid Les Lakhdar Halfaouia BRIKET TILATOU SEGGANA OULED AOUF MARKOUNDA OULED SLIMANE SEFIANE N’GAOUS OULED FATMA MEROUANA OUED EL MA OULED CHELIH DJEZZAR BARIKA METKAOUAK NAGRA AIN KELBA BITAM ZELLATOU OULDJA CHECHAR OULED SEBAA OULED MESSAAD OULED ACHOUR OULED GACEM MAADID AIN TOUTA AIN TOUTA BARIKA AIN TOUTA BELEZMA BARIKA BARIKA BARIKA BELEZMA BELEZMA BELEZMA A I N T O U T A & BELEZMA BARIKA BARIKA BARIKA BARIKA BARIKA BARIKA AURES KHENCHELA --- AIN MLILA CONSTANTINE AIN MLILA CONSTANTINE AIN MLILA CONSTANTINE AIN MLILA CONSTANTINE MAADID SETIF BRIKET……………………2303 habitants TILATOU……….…….……2281 habitants Les indigènes de cette tribu proviennent, pour son noyau principal, qui a donné son nom à la confédération, des Lakhdar, arabes émigrés du Sud. La seconde qualification Halfaouia viendrait de la grande quantité d’alfa qu’on rencontre dans cette région. D’autres habitants sont issus d’émigrés partis de divers points de l’AFRIQUE, entre autres du MAROC, et de l’ALGÉRIE (BOU THALEB et SETIF). Les Briket, de race arabe, renferment une sous fraction (les Ouchechna) d’origine zénatienne. Ces Lakhdar Halfaouia (4) avaient reconnu l’autorité des Turcs ; ils payaient l’impôt entre les mains du cheikh de BELEZMA. Ils se soumirent à la FRANCE en 1844. Au moment du siège de ZAATCHA (1849), ils se jetèrent dans l’insurrection, et s’y firent remarquer par d’audacieuses attaques contre nos convois ; mais la prise de cette oasis les ramena promptement dans le devoir. Le vaste territoire détenu par les Lakhdar Halfaouia s’étend, du Nord Est au Sud Ouest, depuis BATNA jusqu’aux plaines du HODNA. Le douar BRIKET, le moins étendu de la tribu, a une superficie de 8897 hectares, dans lesquels sont englobées les terres de colonisation du centre de MAC MAHON. Les terres y sont melks. Ses habitants sont sédentaires ; ils se livrent à la culture de céréales et à l’élevage du mouton, lequel constitue leur principale ressource. Les céréales rapportent peu, en effet, excepté dans les terres avoisinant l’Oued El KSOUR, qui peuvent recevoir des irrigations. D’ailleurs, le douar BRIKET est soumis aux mêmes influences climatériques que MAC MAHON ; la sécheresse s’y fait durement sentir dans toute la zone située entre EL BIAR (LAMBIRIDI) au Nord, et les TAMARINS au Sud, et l’on ne peut guère compter sur une récolte moyenne que tous les dix ou douze ans. C’est dire que la population est loin d’être aisée. Aussi bien, chaque année, la société de prévoyance lui vient-elle en aide par des secours en grains. Des épidémies (typhus de misère et variole) y ont causé plusieurs fois des ravages et fait d’assez nombreuses victimes, notamment en 1900. Les gens de BRIKET passaient pour être dociles, encore que, depuis longtemps, ils aient eu comme cheikhs, des hommes de peu d’autorité et de prestige. Le dernier LOUCHENE Rahmani, s’est, nous l’avons vu, prudemment enfui de MAC MAHON dès les premiers coups de feu de la rébellion. Le douar limite le territoire de colonisation de MAC MAHON dans la partie Nord-Ouest. Pour arriver à MAC MAHON, les bandes armées de SEGGANA, SEFIANE, OULED AOUF et TILATOU ont été obligées de traverser le territoire de BRIKET. Il aurait donc été facile aux gens du douar de franchir les 4 ou 5 kilomètres qui les séparent du village pour y donner l’alarme. Or, non seulement ils ne l’ont point fait, mais encore ils se sont joints aux rebelles. Ce qui le prouve c’est la découverte dans plusieurs mechtas, d’étoffes volées à MAC MAHON, et celle du cadavre d’un indigène de ce douar, percé de balles Lebel, dans la nuit du 11 au 12 novembre. La compromission des indigènes de BRIKET est donc bien établie. Constamment au village, ils étaient au courant de la disposition des locaux, et même, dans l’incursion faite au bordj, on peut y voir la main de deux anciens cavaliers de la commune mixte que nous avons 5 Voir le chapitre Maraboutisme déjà présentés, les sieurs «LOUCHENE» MOKHTAR et «LOUCHENE» HAFSI, devenus depuis l’abandon forcé de leur emploi, des religieux fanatiques. D’autre part, l’affaire des TAMARINS est presque exclusivement l’oeuvre des gens de BRIKET. Nous ne trouvons pas à BRIKET d’indigènes appartenant à de vieilles familles marquantes. Le personnage le plus influent est le nommé «SAHRAOUI « MOHAMMED BEN AMAR, moqaddem des RAHMANIA et serviteur du marabout de TOLGA. Si SAHRAOUI possède 150 khouanes. C’est lui on le sait qui a sauvé Mme MARSEILLE et ses fillettes. Son geste évidemment très beau, à premier vue, n’est peut être pas à la réflexion, une preuve convaincante de son loyalisme. Il a fait, à propos de sa présence à MAC MAHON dans la nuit du crime, une déposition si invraisemblable que nous sommes amenés à suspecter sa bonne foi.(5) Douar TILATOU Le douar TILATOU, quatre fois plus étendu que BRIKET, est peuplé également par des sédentaires qui l’hiver, habitent, en partie, les grottes du METLILI. Comme leurs coreligionnaires de BRIKET, ils s’adonnent à la culture des céréales et à l’élevage de mouton. Leurs terres sont melks. Cependant les superficies cultivées y sont moindres qu’à BRIKET, bien que TILATOU soit soumis à des pluies plus régulières que son voisin. La misère physiologique y sévit comme à BRIKET. L’autre misère aussi. Avant la conquête, les TILATOU y remédiaient temporairement, en se faisant les gardiens pillards des portes et des passages du Sud. Ils semblent qu’ils aient gardé de ce passé une certaine indépendance que favorise leur territoire accidenté et leur genre de vie même. La légende (est-ce bien une légende ?) leur prête une origine juive. La voici à peu près telle qu’on nous l’a rapportée. TILATOU (autrefois EL KHAMMES) était, dit-on, habité par des israélites qui faisaient du commerce avec le Sud, surtout avec la ville de BISKRA. Lorsque SIDI OKBA, retour du MAROC, vint s’installer dans la région, il voulut débarrasser le pays de ses habitants non musulmans. Profitant de ce que les juifs de TILATOU s’étaient rendus, certain jour, à BISKRA, il posta ses gens auprès d’un col qui traversait la route à deux kilomètres S.E environ de MAC MAHON. Quand les juifs revinrent, ils furent tous massacrés à cet endroit connu depuis sous le nom de «col des Juifs». Il existe encore des tombes que les gens du pays montrent comme étant celles des victimes de ce guet-apens. Après l’assassinat, les gens de SIDI OKBA prirent, comme épouses, les femmes des TILATOU, et, par la suite, reconstituèrent la nouvelle population de sang mêlé, du douar. Nombre de gens de TILATOU ont, en tous cas, le faciès israélite, et, de plus, la bosse du commerce. En ce qui concerne les troubles de novembre 1916, leur participation est nettement établie. Le 18 novembre, au cours d’une opération, on a retrouvé, dans la région de l’Oued BERRICHE, un des fusils modèle 1874 et 42 cartouches provenant du Bordj administratif. D’autre part, des perquisitions faites dans les mechtas GHASSEROU. BERRICHE et METLILI, amenèrent la découverte d’une partie des étoffes volées au village. L’opération militaire du 18 novembre, fut marquée par la résistance des habitants des mechtas précitées qui, réfugiés sur les hauteurs dominant leurs groupements, faisaient feu sur la troupe. Un tirailleur sénégalais fut tué. Une deuxième démonstration faite, fin janvier, dans le METLILI, ne donna lieu à aucun incident. Cependant, l’autorité militaire découvrit un réduit défensif solidement établi en un point si escarpé qu’il fallut l’aide du canon pour le détruire. En outre, des militaires ayant mis le feu à un gourbi isolé et abandonné, une très forte explosion se produisit, décelant un approvisionnement de poudre. C’est dans le METLILI, que le bandit «BENALI» MOHAMMED BEN NOUI, se réfugiait avec ses compagnons, déserteurs pour la plupart. Le réduit défensif est très vraisemblablement l’oeuvre de ceux-ci. A part deux moqaddems de RAHMANIA, n’ayant qu’une influence locale, il n’y a pas de personnages marquants dans le douar TILATOU. Au miment où les évènements se sont produits ; le cheikh du douar était le kabyle «BEN YOUCEF» SMAIL, ancien Khodja de commune mixte, qui n’avait aucune autorité dans son territoire où il ne se rendait qu’avec appréhension. Les propos tenus par lui suffisent à édifier sur sa valeur morale et professionnelle. «Où étiez-vous, lui demandait-on, quand les rebelles assassinaient le brigadier forestier des TAMARINS à proximité de votre bordj ?» Je me tirais des pieds, répondit-il» (6) Douar OULED AOUF Les OULED AOUF (2859 habitants) appartiennent à la tribu des OULED SOLTANE, qui comprenait aussi les Douars OULED SI SLIMANE, SEFIANE, MARKOUNDA, N’GAOUS, et qui fut soumise à l’application du Sénatus-consulte en 1890. Les OULED SOLTANE dépendaient autrefois de la commune mixte du même nom dont le siège était N’GAOUZ. La suppression de cette unité administrative a entraîné le rattachement des OULED AOUF à la commune mixte d’AIN TOUTA. Les Douars MARKOUNDA et OULED FATMA entrèrent dans les composition de la commune mixte du BELEZMA (1904) et les OULED SI SLIMANE, ainsi que SEFIANE, furent plus tard, (1907) placés sous l’autorité de l’administrateur de BARIKA. Les OULED SOLTANE, à l’exception d’une partie de SEFIANE, sont berbères. Nous voyons mêlé aux grandes luttes qui marquèrent l’occupation arabe, un nommé AISSA BEN SOLTANE, originaire des OULED AOUF. Les habitants de la tribu et, notamment de la faction des OULED AOUF, ont toujours passé, pour être belliqueux. On les a trouvés dans la guerre contre BEN YAHIA BEN GHANIA et les ALMOHADES, et ils prétendent n’avoir pas été soumis aux Romains ni aux Turcs. Il y a, sans doute, beaucoup de vantardise dans cette affirmation des OULED SOLTANE. En tous cas ils faisaient aux BENI-IFRENE (N’GAOUS) une guerre acharnée qui se terminait régulièrement par le pillage de N’GAOUS. Une nouvelle razzia était faite dès que les BENI-IFRENE avaient reconstitué leur fortune. Ces pillages systématiques cessèrent avec l’occupation française qui eut lieu sans combat. On procéda simplement à quelques razzias dans la tribu, et celle ci fit sa soumission, en 1844, au Général SILLEGUE. Pendant 27 ans, la paix n’a cessé de régner, mais en 1871, les instincts de brigandage de cette population de montagnards, la jetèrent activement dans l’insurrection. Dans le courant d’Avril, ils se joignaient aux contingents rebelles des OULED CHELIH et de TLET, et participaient aux assassinats de trois enfants et de douze européens de la scierie SALLERIN, à OULED HAMLA ; au pillage des fermes du RAVIN BLEU à l’affaire de la scierie PRUD’HOMME à OUED EL MA Le 22 Avril, ces contingents tentaient un coup de main sur BATNA, mais, dispersés à coups de canon, ils se portaient sur FESDIS et EL MADHER. Poursuivis par les colonnes MARIE ET ADLER, ils se réfugiaient dans les montagnes du BELEZMA où ils se faisaient remarquer par l’incendie du Bordj du Caïd SAID BEN CHERIF qui nous était resté fidèle. Le 8 juillet, les OULED SOLTANE attaquaient N’GAOUS. Après plusieurs tentatives infructueuses contre les BENI IFRENE, ils entreprenaient le siège du village. Ce siège dura 40 jours au bout desquels les habitants (BENI IFRENE) furent délivrés, le 7 septembre, par la colonne SAUSSIER Malheureusement, les rebelles les plus compromis réussirent à s’enfuir dans la MESTAOUA où ils continuèrent leurs exploit pendant quelques mois encore Le séquestre fut appliqué sur les biens de la tribu rebelle et celle ci obtint, par la suite, l’autorisation de se libérer des effets de la mesure répressive en payant une soulte de rachat. A part les BENI IFRENE, qui sont de moeurs plus douces, les OULED SOLTANE sont grossiers et d’une grande brutalité, voleurs, pillards et fanatiques. Pour la plupart, ils appartiennent à la confrérie des RAHMANIA. En novembre 1916, les OULED AOUF, indépendamment de leur participation à l’affaire du village de MAC MAHON, se firent remarquer par leur ténacité à maintenir l’état de rébellion dans le douar. Seul, de toute la commune mixte, celui-ci fit complètement défaut aux opérations de la conscription. Une mechta, celle de KHENZARIA, fut particulièrement hostile. Après avoir éconduit, et même menacé de mort, dans la journée du 11 novembre, l’administrateur adjoint CARLI, qui s’était rendu chez eux pour tenter de les faire revenir sur leur refus de se conformer à la loi militaire, les gens de cette mechta se réfugièrent dans le Djebel RAFAA et demeurèrent réfractaires à l’autorité jusqu’au 18 décembre. A cette date, une opération militaire énergique amenait l’arrestation d’une cinquantaine de rebelles parmi lesquels l’instigateur de la révolte le sieur «RAHMANI» Mohammed ben SAID, moqaddem des RAHMANIA 7Cette dernière arrestation eut pour résultat sur l’intervention du même moquaddem la soumission immédiate de toute sa mechta y compris les inscrits d’office, insoumis et déserteurs. Les opérations militaires aux OULED AOUF furent marquées le 28 Décembre au «Chabet ENNEMEUR» par la mort de deux zouaves. S’étant imprudemment éloignés de la colonne, ces deux militaires furent assassinés par des gens de la mechta TAMAZRIT. Une enquête rapide permit d’obtenir les aveux de deux des coupables (?) qui restituèrent les deux Lebel enlevés aux zouaves. Parmi les personnages marquants de la tribu dont le souvenir se rattache aux évènements présents, citons SI EL HADJ AHMED MAHFOUD, décédé en 1883, descendant direct de SI AHMED BEN AOUF, réputé comme ayant propagé l’islamisme chez les OULED SOLTANE. Si EL HADJ AHMED BEN MHFOUD fut cadi de N’GAOUS pendant 20 ans. On prétend qu’il a défendu ce village en 1871 contre les rebelles, mais cette attitude se concilie mal avec la mesure d’internement en Corse dont SI EL HADJ AHMED et son fils SEDDIK furent frappés ensuite, pendant huit mois. Quelques descendants de cette famille habitent encore N’GAOUS. Une des filles de SI EL HADJ AHMED est mariée au fils du marabout «AMIRA» ALI BEN AMOR BEN ATHMANE de la Zaouia de TOLGA, dont nous aurons occasion de parler en étudiant le rôle de la Khouannerie dans l’insurrection. Aux OULED AOUF, il n’y a actuellement aucun personnage marquant, en dehors de quelques moqaddems dont l’influence ne dépasse guère leurs mechtas respectives. Le sieur BOUHENTALLAH Mohammed, cheikh du douar s’est rendu complice des rebelles en conservant un mutisme absolu. Révoqué, puis arrêté, pour être traduit devant la commission disciplinaire, il est mort en prison. Les OULED AOUF cherchent, aujourd’hui qu’il n’est plus là pour se défendre, à faire retomber sur lui toute la responsabilité de l’affaire en prétendant qu’il est a poussé à la résistance dont il leur a donnée l’exemple en cachant chez lui, pendant plus de six mois, un de ses neveux, un déserteur. Tout en faisant, dans ces allégations, la part de l’exagération, il faut retenir que le cheikh des OULED AOUF ne nous a jamais prêté, avant comme après les événements, le concours qu’il nous devait. Il n’avait d’ailleurs ni capacités, ni énergie. Sans tempérament, il se laissait mener par son fils «BOUHENTALLAH» Ahmed, khodja du douar, individu sans moralité et dangereux C’est lui qui, en réalité, commandait les OULED AOUF. Dans les douars MARCOUNDA et OULED FATMA (BELEZMA) de la même tribu des OULED SOLTANE, nous trouverons un cheikh, le nommé BOURADI Mohammed, personnage religieux, employant son influence à la résistance contre la conscription, présidant à TAKSELENT une réunion de conjurés. Tribu des Ouled Bou AOUN C’est la plus importante des tribus de la commune mixte du BELEZMA. Elle comprend neuf Douars : BOUGHEZEL OULED MOHAMMED BEN FERROUDJ, ZANA, OULED MEHENNA, CHEDDI, EL SAR et les trois Douars plus hauts cités : OULED EL MA, MEROUANA et OULED FATHMA, population : 10 000 habitants. On raconte qu’à une époque reculée et assez difficile à préciser, un nommé AOUN originaire de SEGUIA EL HAMRA (MAROC) arriva à N’GAOUS où, grâce à son intelligence, il acquit rapidement une assez grande influence. Il exerçait la profession de gassab, joueur de flûte. Entreprenant et audacieux, il profita du mécontentement qui se manifestait contre la garnison turque, pour se mettre à la tête de ses partisans, massacrer la garnison, s’emparer de N’GAOUS et proclamer l’indépendance des tribus voisines qui avaient fait leur soumission aux turcs. Le Bey de CONSTANTINE ayant pris en personne la direction d’une colonne pour venir venger la mort de ses soldats, AOUN ne se sentant pas assez fort, se réfugia chez les HIDOUSSA (MEROUANA) dans les montagnes du BELEZMA. Arrivée à N’GAOUS, la colonne turque châtia les rebelles et les frappa d’une forte amende, mais plusieurs fractions réussirent à aller rejoindre AOUN, et le Bey, reconnaissant la grande influence de celui-ci jugea plus politique de s’en faire un ami. Il lui donna le titre de cheikh du BELEZMA. A sa mort, AOUN laissa un fils, EL GUIDOUM, qui fut à son tour remplacé par son fils ALI. Celui-ci s’allia aux TELEGHMA, aux OULED ABDELNOUR et aux EULMAS, puis il s’insurgea contre le Bey de CONSTANTINE. Après une rencontre entre les contingents armés du Bey et les siens, rencontre dont les résultats ne sont pas connus, ALI BEN EL GUIDOUM fut confirmé et agrandi dans ses pouvoirs par le Bey, HASSAN BOU HANEK remplaçant de ce Bey (1736-1753) résolut de se débarrasser d’ALI BEN EL GUIDOUM dont l’influence grandissante gênait sa popularité. Après lui avoir demandé sa fille en mariage, il lui tendit un piège, le fit égorger, se saisit de ses deux fils FERHAT et HAMOU, et donna son commandement à un nommé BOU AOUN, des OULED BOU ZIAN. Celui ci fut à son tour trahi par le Bey au profit de FERHAT BEN ALI BEN GUIDOUM que BOU HANEK avait fait élever dans sa famille et pris en affection au point que, peu de temps après, le Bey lui avait confié l’administration de toute la région comprise entre AIN AZEL au Sud de SETIF, et le TARF au nord de KHENCHELA. En 1804, il fut tué à la tête de son goum dans les contingents du Bey OSMAN près de l’embouchure de l’OUED EL KEBIR (EL MILIA) selon les uns, chez les FLISSAS sous le règne D’AHMED BEY EL COLI(1756-1771) selon les autres. On est ici autant dans le domaine de la légende que dans celui de l’histoire. Les récits continuent, sans grand intérêt, par la succession du cheikhat et les disputes, les combats, auxquels cette succession donna lieu jusqu’en 1844, année de la soumission des OULED BOU AOUN à notre domination. Dans tout cela, comme l’observe très bien M. J.D.LUCIANI deux points paraissent indiscutables : les hommes de valeur, entre autres FERHAT BEN ALI BEN GUIDOUM, fournis par les gens du BELEZMA ; en second lieu, le tempérament guerrier et pillard de ces indigènes qui ont toujours trouvé dans leurs montagnes, en particulier dans le Djebel MESTAOUA, un refuge difficile à atteindre. Tribu des Ouled Chelih Les OULED CHELIH (3333 habitants) appartiennent pour partie au BELEZMA et pour partie AIN TOUTA. Ils firent leur soumission à la France en 1844, en même temps que les Lakhdar halfaouia et dans les mêmes conditions que cette tribu, c’est-à-dire sans combat et grâce à l’influence de SI AHMED BEN CADI, Caïd de BATNA. L’histoire des OULED CHELIH n’offre rien de particulier en dehors du groupe des OULED MEHENNA qui, ayant cherché à se rendre indépendant, au temps d’ALI BEN AOUN, fut razzié et emmené dans le BELEZMA qu’il n’a plus quitté depuis. Les OULED CHELIH demeurèrent en paix jusqu’à l’insurrection de 1871 à laquelle ils prirent une part très active. En ce qui concerne particulièrement le douar OULED CHELIH nous le voyons mêlé, en Avril 1871 à l’attaque d’ouvriers forestiers dans le BELEZMA ; au pillage de la scierie SELLERIN, (depuis la ferme PETITJEAN) où furent assassinés 3 enfants et 12 ouvriers ; à l’assassinat d’un certain nombre de colons du «RAVIN BLEU» et au pillage de leurs fermes ; à l’affaire de la scierie PRUD’HOMME, à OUED EL MA qui coûta la vie de 13 Européens ; aux coups de main sur BATNA, FESDIS et EL MADHER. A la suite de ces actes insurrectionnels, les biens des OULED CHELIH furent séquestrés. La compromission des habitants de ce douar dans les évènements de 1916 est bien moins grave. Il n’y a eu que le pillage de la ferme RAYNAL, et encore convient-il d’ajouter qu’il a été l’oeuvre de deux mechtas seulement, AIN DRIN et BRAKA. On ne trouve aux OULED CHELIH aucune personnalité importante par ses origines. Faute de candidats dans le douar, le cheikh a été recruté en dehors. C’est un nommé DOUMANDJI Salah, originaire de BATNA. Si ses collègues des OULED AOUF, de TILATOU et de BRIKET, ont fait preuve d’une négligence si grave qu’elle peut être interprétée, tout au moins en ce qui concerne les OULED AOUF, et BRIKET, pour de la compromission dans les troubles, le cheikh DOUMANDJI, par contre, nous a témoigné un dévouement qu’il y a lieu de relater. Etant couché à MAC MAHON dans la nuit des évènements, et toutes les communications électriques ayant été coupées, il s’est rendu, seul, au galop de son cheval, à BATNA, pour prévenir les autorités des graves évènements qui se passaient. A signaler, dans le douar OUED EL MA, (BELEZMA) un personnage rahmanien d’assez grande envergure «BOUZIDI» Mohammed ben TAIEB, connus sous l’appellation de «MOUL GUERGOUR». Nous le trouverons au chapitre des causes du soulèvement, en même temps que trois fractions religieuses du douar MEROUANA (BELEZMA). Territoire de BARIKA A la date du 15 août 1914, la tribu des OULED SOLTANE, en particulier les Beni Ifrène , avaient présenté une centaine d’engages volontaires. Les Ouled Si Sliman et les Sefiane étaient plutôt tièdes. En 1916, à l’exception des Beni Ifrène qui demeurèrent fidèles, les Ouled Si Slimane et les Sefiane se solidarisèrent dans la résistance avec les gens du HODNA. Nombre de leurs cavaliers suivaient la colonne de BARIKA. D’autre part, ils soudaient leurs projets de résistance avec les gens du BELEZMA leurs voisins de la même tribu. Le HODNA ORIENTAL Les ruines que l’on rencontre partout et qui, souvent enfouies, ne demanderaient qu’un peu d’argent pour être mises à jour et nous livrer leur secret, prouvent combien les Romains s’étaient établis fortement dans le pays ; notamment à Tobna, ville importante, siège d’un évêché, située à trois kilomètres de BARIKA. La tradition fait remonter au XIe siècle l’établissement des Arabes dans le HODNA. S’il faut en croire IBN KHALDOUN, le pays fut très prospère pendant leur occupation, puisque cet historien dit que le nomade qui remontait l’été vers le Tell marchait à l’ombre des superbes jardins qui couvraient la plaine jusqu’au pied du BOU TALEB. Les turcs vinent vers la fin du XVIe siècle. L’occupation semble s’être opérée sans résistance ; elle donna lieu, par la suite, à des luttes très vives et très sanglantes entre les Ouled Derradj et les Ouled Mahdi qui occupaient la partie occidentale du HODNA. Les indigènes du HODNA oriental forment six groupes qui font remonter leur arrivée dans le pays aux XVIe et XVIIe siècles. 1 - Ouled Sanoune Les Ouled Sanoune disent avoir pour grand ancêtre SAHNOUNE BEN CHINOUNE, qui vint au commencement du XVII siècle, des environs de TOUGGOURT, se placer comme berger chez SI BARKAT, marabout du BOU TALEB ; il y prit deux femmes dont il eut neuf fils. Il s’installe alors au douar MAGRA, chez les Ouled Zemira. 2 - Selalhas Les ancêtres de cette tribu s’établirent près du Djebel DJEZZAR, dès le XVII siècle. 3 - Ouled Amor et Ouled Nedjaa Ce sont les descendants de DERRADJ qui vint se fixer dans le HODNA ORIENTAL vers la fin du XVIe siècle et fonda la puissante et redoutable tribu des Ouled Derradj, gens de sac et de corde, pillards et bandits, ayant conservé, depuis plus de trois siècles, la pire des réputations. (9) DERRADJ venait de MILIANA avec de nombreux compagnons qui donnèrent leur nom aux différentes fractions de la tribu. Les Ouled Amor prirent MAGRA, les Ouled Nadjaa, s’emparèrent des terrains arrosés par l’Oued BERHOUM, les Souamas s’installèrent dans la partie occidentale du HODNA. Vers la fin du XVIIe siècle, deux familles de marabouts vinrent se fixer : les Ouled Abdlekader à MAGRA et les Ouled Sidi Yahia, à BERHOUM 4 - Ouled Sidi Ghanem Le marabout SIDI GHANEM quitta ORAN vers le milieu du XVIIe pour planter sa tente dans les environs d’AIN KELBA. Les Ouled Derradj qui étaient déjà dans le pays les laissèrent cultiver en paix les terres dont ils avaient besoin. Devenus plus nombreux, les descendantes de SIDI GHANEM firent le partage des terres : les fils de SIDI YAHIA et de SIDI GUENDOUZ, prirent celles arrosées par l’oued MENAIFA, tandis que les fils de BELKACEM : SEKKAI et KHADED s’installèrent près d’AIN NAKKAR. Les Ouled Sidi Ghanem ne prirent aucune part dans les luttes de leurs voisins. Actuellement ils sont disséminés chez les Ouled Nedjaa ou les Ouled Sahnoune. 5 - Zoui Les Ouled Zoui sont d’origine maraboutique ; leurs descendants n’ont aucune souvenance des évènements qui se sont déroulés chez eux depuis l’arrivée de leurs ancêtres ; ils comprennent quatre fractions : Les Ouled Sidi Othmane, Les Ouled ben Dahoua, Les Ouled Khadra, Les Ouled Sidi Ahmed ben Kassem. Tels sont les cinq principaux groupes qui occupaient le HODNA ORIENTAL à l’arrivée des Français en ALGÉRIE. Ces différents groupes ne vivaient pas toujours en bonne intelligence, mais les Beys n’intervenaient que pour lever des impôts et les laissaient libres de vider leurs querelles comme ils l’entendaient. Le HODNA depuis la prise de CONSTANTINE jusqu’en 1849 L’arrêté du 30 septembre 1838, qui institue les cinq khalifats, est le premier acte officiel qui consacre l’autorité de la FRANCE dans le HODNA. Le territoire qui forme actuellement la commune mixte de BARIKA, était partagé entre Ahmed BEN MOKRANI, khalifat de la MEDJANA, et Ferhat BENSAID BEN BOU AKKAZ, cheikh El Arab. Au mois de janvier 1840, BOUAZIZ BEN GANA succéda à Ferhat BENSAID comme khalifat du SAHARA, et il avait autorité sur la tribu du HODNA ORIENTAL comme sur tout le territoire de la commune mixte actuelle. Les khalifats ne purent maintenir la paix sur leur immense territoire. L’arrivée de nos troupes augmenta les dissensions et provoqua la formation des «çofs». Dans la région de BARIKA, les tribus n’avaient aucun lien commun. Elles formaient une sorte de confédération, plutôt de nom que de fait, comprenant différents groupes, toujours en lutte entre eux. En 1844, il parut opportun de diminuer l’autorité des Ben Ghana et on créa le Caïdat du HODNA à la tête duquel on place un marabout vénéré des M’Doukal, SI MOHAND BEN SI MOHAMMED EL HADJ, avec résidence à BARIKA. Ce Caïdat formé dans un but politique ne constituait ni une unité politique ni une unité géographique, puisque le bassin du HODNA était divisé ainsi en deux : la partie occidentale sous le commandement de khalifat MOKRANI, tandis que les vallées supérieures des Ouled Barika et BITAM formaient, en dehors du Caïdat, les Ouled Soltane, et les Lakhdar Halfaouia, de SEGGANA, qui dépendaient du Caïdat de BATNA. SI MOKRAN ne put maintenir l’ordre et la paix dans un pays où l’état d’anarchie régnait depuis si longtemps. Cependant un mouvement d’accalmie se produisit en 1845 à la suite de la tournée de police effectuée par le Général LEVASSEUR dans le HODNA. Mais en 1849 toutes les tribus s’insurgèrent pour aller au secours de ZAATCHA. Les rassemblements se dispersèrent à la nouvelle de la défaite de SERIANA. Le Caïd SI MOKRAN fut renvoyé, et les tribus qu’il administrait prirent place dans le commandement de SI MOKHTAR BEN DAIKHA, Caïd des Ouled Soltane et des Ouled Sellem. A cette époque, l’administration n’est plus, comme au début de la conquête, confiée entièrement aux grands chefs indigènes. Déjà, nous nous sentons de force à gouverner nous mêmes et les bureaux arabes institués par le Maréchal BUGEAUD, le 1er mars 1844, commencent à administrer directement les indigènes, dont les grands chefs sont sous les ordres des commandants de Cercles, conformément à l’ordonnance du 15 Avril 1845. Le HODNA depuis 1871 Lorsque l’insurrection éclata, l’officier commandant le poste de BARIKA fut rappelé à BATNA, et le Caïd SI SMAIL convoqua les goums du HODNA. Les malfaiteurs, les mécontents et les ambitieux furent ainsi livrés à eux mêmes. Les Ouled Sahnoune et les Selalhas se soulevèrent à l’appel de AHMED BEY BEN CHEIKH MESSAOUD. Au mois de juin 1871, le frère d’AHMED BEY se rendit chez le moqaddem des Rahmania, SI EL HADJ MOHAMMED BEN ABDALLAH BEN BOUCETTA, des Selalhas, et lui demanda de décider les tribus du HODNA à se joindre aux révoltés. Le marabout refusa, car son fils et non neveu combattaient à nos côtés. Mais ZOUAOUI alla trouver les frères du marabout, et, en une nuit, les tribus s’insurgèrent. A BARIKA, le cheikh MIHOUB BEN SEGHIR, gardait la maison de Commandement, et le cheikh BIBI BEN MOHAMMED, avec 200 tentes fidèles, en surveillait les abords. Le 25 juillet, Les Ouled Sahnoune obligèrent le cheikh MIHOUB à quitter le bordj de BARIKA et à cesser toutes relations avec les Français. Le cheikh fut fait prisonnier ; mais les tentes fidèles s’étaient repliées sur SEGGANA où elles rallièrent le goum des Lakhdar Halfaouia qui maintenait le calme dans la région sous le commandement du cheikh MESSAOUD BEN NCIB. Le bordj fut respecté grâce au marabout BOUCETTA qui voulant se garder une porte de sortie en cas d’échec des insurgés, était venu à BARIKA. Les Ouled Nadjaa, conduits par DJENAN BEN DERRI, qui nous avions nommé cheikh en 1864, le seul agent qui fut ouvertement contre nous, aidés des bandes de SAID BEN BOUDAOUD, Caïd du HODNA occidental, cousin du bachagha MOKRANI, vinrent razzier les Ouled Amor demeurés fidèles. Dans la nuit de 26 au 27 août, ils attaquèrent le bordj de BIBI BEN MOHAMED. Le fils de ce dernier fut tué, et les Ouled Amor raziés. Le bordj de MAGRA devint alors le quartier général des insurgés du HODNA oriental. BIBI BEN MOHAMMED fut fait prisonnier ; le cadavre de son fils fut déterré et brûlé. Les Ouled Amor, effrayés, prirent la fuite et vinrent à SEGGANA se placer sous la protection du cheikh MESSAOUD BEN NCIB. Au mois de septembre, le Général SOUSSIER se mit en marche pour rejoindre BARIKA. Il passa par le Sud des montagnes des Ouled Soltane, faisant de petites étapes et pacifiant le pays. A l’annonce de son arrivée, les Ouled Sahnoune, les Selalhas et les Zoui, venus à BARIKA, envoyaient au Caïd SI SMAIL des députations pour lui demander d’intervenir en leur faveur ? seul, DJEMAN BEN DERRI resta avec les Ouled Mokrane. Le 19 septembre, le Général arriva à BARIKA où le marabout BOUCETTA lui remit le bordj qui avait été préservé du pillage. Les Ouled Derradj furent vite soumis. Aux pertes qu’ils avaient subies, aux razzias, aux pillages s’ajoutèrent les amendes d’abord, la contribution de guerre ensuite. Le Caïd SI SMAIL qui était à SEGGANA vint à BARIKA reprendre son commandement. DJENAN BEN DERRI fut révoqué et son commandement ajouté à celui de BIBI BEN MOHAMMED qui devint ainsi cheikh des Ouled Amor et des Ouled Nadjaa. En 1873 on créa l’annexe de BARIKA. Rien ne vint plus troubler la paix dans le HODNA ORIENTAL. Des modifications territoriales furent apportées en 1874, 1875, 1881, 1885 et 1890. Les chefs d’annexe purent entreprendre des travaux de longue haleine et lorsqu’en 1907, l’annexe fut érigée en commune mixte, on pensait que les Ouled Derradj étaient pour toujours fidèles et soumis. Il n’en était rien. SI MOHAMMED BEN EL HADJ BEN GANA, Caïd du HODNA oriental depuis 1901, avait demandé et obtenu que la jouissance des terrains que les djemaa lui avaient consentie dans les quatre Douars dont il gardait le commandement (DJEZZAR, METKOUAK, BARIKA et MAGRA) lui fut maintenue avec les autorisations d’irrigations utiles. Quelques temps après de vives réclamations surgirent : on accusait l’agha BEN GANA d’abuser des irrigations en prélevant plus que sa part. Un ancien cheikh révoqué par l’autorité militaire, KHELLAF BEN SAAD, prit la tête du mouvement d’hostilité contre l’agha. L’autorité locale, compromise à l’endroit de BEN GANA, persista à nier ce mouvement qui reprit avec plus de violence et se traduisit, en 1911, par une émigration nombreuse vers la SYRIE. La plupart des caravanes furent cependant arrêtées en TUNISIE. L’autorité locale nia encore cette émigration. Alors se produisit le serment du Matmor de SIDI ABDELKADER liant les conjurés pour une lutte à outrance devant aboutir à la déchéance de l’agha. L’administrateur eut la malencontreuse faiblesse de proposer aux perturbateurs une trêve de deuil (l’agha venait de perdre son frère le bachagha des Zibans. Cet acte de puissance à puissance n’arrêta nullement les protestations. Une enquête fut décidée ; 2000 indigènes, hurlant, trépignant, vinrent se masser devant le bordj administratif et deux brigades de gendarmerie durent charger pour dégager le bordj et ouvrir un passage de l’agha BEN GANA. L’agitation, par la suite, prit des allures encore plus graves : des rassemblements tumultueux eurent lieu à BARIKA. On y venait en armes et on y discutait publiquement le départ de l’agha ; puis on incendiait sa récolte. Les troubles tournaient à la rébellion ouverte et il fallut en arriver à l’envoi d’une force de gendarmerie et à l’internement de seize meneurs pour ramener dans le pays une tranquillité relative. Tout cela était, en grande partie, l’oeuvre des Ouled Sahnoune. En 1916, les mêmes Ouled Sahnoune et Ouled Derradj de MAGRA, refusèrent de présenter leurs conscrits, mettant ainsi en échec l’autorité locale Un autre échec plus grave encore fut celui de la colonne envoyé dans le HODNA qui reçut des coups de fusil sans les rendre, chez les Zoui, d’AIN KEBLA (10). Le 12 novembre, après le sac de la ferme GRANGIER, la veille, des bandes hostiles de SEGGANA, des Sahari et autres gens du HODNA entouraient BARIKA ainsi que nous l’avons relaté. Rappelons que le 14, un convoi fut attaqué entre BARIKA et SEGGANA. Le seul chef indigène marquant, dans la commune mixte, était le cheikh moqaddem de SEGGANA qui fera l’objet d’une note spéciale (11). Un personnage religieux dévoué, est le moqaddem des Rahmania de MAGRA, HASSANI CHERIF TOUHAMI, dont nous dirons l’action bienfaisante au chapitre des marabouts. Les Ouled Ziane et les Saharis Ces deux tribus qui appartiennent la première à AIN TOUTA, la deuxième à BARIKA, on presque toujours été divisées par des haines terribles. Lors du soulèvement de 1916 les Ouled Ziane sont demeurés dans l’expectative mais le douar BITAM des Saharis a marqué un assez sérieux mouvement de révolte. Il est opportun d’en dire quelques mots, au moins pour ceux qui ont la garde de la sécurité dans l’arrondissement de BATNA. L’importance tribu des Ouled Ziane comprend quatre Douars : GUEDDILA (4891 habitants), DJEMORAH (1509 habitants), BRANIS (1794 habitants), BENI SOUIK (443 habitants), tous quatre dépendant de la commune mixte d’AIN TOUTA. Originaire du MAROC, qu’ils auraient quitté au début du 16éme siècle, les Ouled Ziane vinrent, tout d’abord, se fixer à EL ALIA (30 kilomètres au Nord de BARIKA), puis arrivèrent dans la région des Palmeraies de GUEDDILA, DJEMORAH, BENI SOUIK et BRANIS, dont ils chassèrent ou massacrèrent les habitants pour prendre leur place, vers le milieu de XVIème siècle. Ne disposant, dans la région des palmeraies, d’aucun terrain de labour ou de parcours, les Ouled Ziane essayèrent bientôt de s’étendre au détriment de leurs voisins. Après des luttes longues et sanglantes, ils parvinrent a acquérir à OUED TAGA (AURES) et plus tard, à DRAUH et à CHETMA, des droits de propriété que le Sénatus-consulte leur a reconnus. La nécessité dans laquelle ils étaient de trouver, en dehors de leurs territoires arides, et brûlants l’été, des pâturages pour leurs troupeaux rapidement accrus, fit estiver les Ouled Ziane d’abord, sur les contreforts du TELL, puis dans le TELL même ; le Sénatus-consulte leur a reconnu des droits de parcours très importants : dans la commune mixte d’AIN EL KSAR, aux Douars Ouled Moussa, Ouled Si Belkheir, Ouled Si Menacer Achemer, Ouled Ammar, Ouled Makhlouf, dans la commune mixte de BARIKA, au douar BITAM et dans celle d’AIN TOUTA, au douar EL KANTARA. Les Saharis La tribu des Saharis comprend actuellement trois Douars : BITAM (4309 habitants), EL OUTAYA (1457 habitants et EL KANTARA (3326 habitants), le premier, rattaché à la commune mixte de BARIKA, Les deux autres à celle d’AIN TOUTA. Pendant la première phase du soulèvement de 1916, le douar BITAM a fait cause commune avec les rebelles. Le mouvement sur BARIKA ayant échoué les BITAMI qui avaient envoyé des contingents de cavaliers aux insurgés vinrent offrir leurs services pour la constitution d’un goum contre les OULED SOLTANE. Politique arabe tissée de mensonge et de duplicité. D’origine arabe pure, les Saharis seraient venus du HEDJAZ vers le milieu du 11éme siècle, mais ne se seraient établis que bien plus tard dans la région Sud de BARIKA où ils sont actuellement fixés, et dont les Ouled Sahnoun leur ont, pendant longue temps, disputé la possession. De sanglants combats, dont le souvenir n’est pas encore effacé, furent livrés entre ces deux tribus qui restèrent ennemies. Sous les Turcs, leurs habitudes de pillage en avaient fait la terreur de leurs voisins. Les Beys de CONSTANTINE, pour consolider leur autorité dans les ZIBANE, avaient constitués les Saharis en une sorte de maghzen. Deux grandes familles que nous étudierons eu titre des chefs indigènes, les BOUAKKAZ et les BEN GANA se disputèrent longtemps la suprématie chez les Saharis (12). La recherche du pâturage d’été fut, pour les Saharis une nécessité vitale et c’est ainsi qu’ils furent en compétition d’intérêt, avec les Ouled Ziane, au DAYA. Causes de l’inimitié entre les Saharis et les Ouled Ziane Une origine différente, des besoins identiques, furent les principales causes d’inimitié entre ces deux tribus, toutes deux guerrière et combatives. L’animosité s’accentua sous l’influence des çofs. Tandis que les Saharis se rangèrent sous la bannière des Ben Gana, les Ouled Ziane prirent fait et cause pour les Bouakkaz Les chefs de partis eurent toujours soin d’entretenir, sinon d’attiser, cette inimitié, d’abord, pour flatter leur clientèle et en augmenter l’importance, puis, pour servir leurs intérêts personnels. En 1871, les Saharis étaient réunis sous l’autorité d’un seul Caïd, SI MOHAMMED BENHENNI, du çof Bouakkaz , en résidence à EL OUTAYA ; poussés par les Ben Gana, ils assiégèrent, le 30 mars, le bordj du Caïd qui résista à l’assaut, mais ils pillèrent le caravansérail. Dès le 3 avril suivant, une petite colonne de 1000 hommes fut formée à BATNA et dirigée sur EL OUTAYA : elle reçut l’appui d’un goum important des Ouled Ziane qui razzièrent les Saharis. Le Daya Le Sénatus-consulte fut appliqué en 1866 aux Ouled Ziane et aux Saharis ; aux premiers, il reconnut des droits de parcours au DAYA, dans le douar BITAM, la fraction la plus remuante des Saharis. Même après que se fut effacé le souvenir des évène

ments de 1871, la communauté des droits des Saharis et des Ouled Ziane, sur le DAYA, resta une cause latente d’inimitié utilisée par les chefs de çofs pour les besoins de leur cause. Compris entre le Djebel AHMAR et le Djebel MEKHRIZANE, le DAYA est une sorte de haute plaine ou de cuvette d’altitude moyenne de 450 à 500 mètres, orientée sensiblement de l’Est à l’Ouest, sur les derniers contre forts de l’ATLAS. Sa largeur est d’environ 14 kilomètres, sa longueur de 20. Abrité des vents par les montagnes qui l’entourent, le DAYA fournit un excellent pâturage aux troupeaux de Sud. Cette région était primitivement réservée au parcours, mais les usagers mirent, peu à peu, quelques parcelles en culture, et, comme les années à printemps pluvieux, la récolte était abondante sur ce sol encore vierge, la pratique des labours illicites ne fit qu’augmenter d’importance. Les parcours furent réduits d’autant. Ce furent certainement les Zianis qui eurent le plus à pâtir de ce nouvel état de choses, parce qu’à cause de l’éloignement de leur village il leur était beaucoup plus difficile de labourer qu’aux BITAM, qui étaient pour ainsi dire chez eux. Cependant quelques Ouled Ziane pratiquèrent, eux aussi, des labours illicites. Mais lorsque les bergers venaient avec leurs troupeaux ils se faisaient un malin plaisir de faire manger la récolte de la tribu opposée. Il s’ensuivit de nombreuses discussions, coups de feu, vols, procès, qui ne firent qu’augmenter l’inimitié réciproque. Les crimes de 1916 En 1916, en Mars et Mai, les Ouled Ziane et les Saharis se tuèrent chacun deux fellahs dans les circonstances suivantes : le 22 Mars, les troupeaux des Ouled Ziane ayant commis quelques déprédations dans les récoltes provenant de labours illicites des BITAM au DAYA, les propriétaires lésés firent courir le bruit que leurs ennemis séculaires venaient de s’emparer de 1200 moutons. A cette nouvelle, un grand nombre d’indigènes des BITAM s’assemblèrent pour courir sus aux prétendus voleurs ; leur Caïd arriva à temps pour calmer les esprits ; il fit une enquête et constata qu’il n’y avait pas eu de vol, mais simplement des dégâts peu importants. A la vue des Saharis assemblées, les Ouled Ziane campés dans le DAYA, eurent peur et s’enfuirent hâtivement vers le Sud. Le bruit courut parmi les fuyards que plusieurs des leurs avaient été tués par les Saharis ; il n’en fallut pas davantage pour que, rencontrant une caravane de cinq personnes dont une femme d’EL OUTAYA (la soeur du cheikh actuel), deux hommes de M’DOUKAL et deux de BITAM, ces deux derniers furent tués par les Ouled Ziane en fuite. L’adjoint indigène de GUEDDILA dénonça, quinze jours après, douze indigènes de son douar comme ayant pris part à ce crime, mais aucune charge ne put être relevée contre les inculpés, et une ordonnance de non lieu intervint en Décembre 1916. En juin 1916, huit indigènes de GUEDDILA campaient sous deux tentes, aux environs de FONTAINE DES GAZELLES, pour y moissonner leurs récoltes. Les Saharis désireux de venger leurs morts de Mars, firent prévenir les gendarmes d’EL KANTARA que des perquisitions dans les tentes de ces indigènes seraient fructueuses. En effet, plusieurs armes furent saisies ; deux jours après, un groupe de huit Saharis tombait sur les GUEDDILA désarmés et leur tuait deux hommes qu’ils décapitaient ; les têtes des victimes furent emportées par les assaillants et n’ont pas été retrouvées, à ce jour. L’enquête à laquelle il fut procédé ne donna aucun résultat et l’affaire fut classée. Réconciliation Une vingtaine de jours s’étaient à peine écoulés depuis ce dernier crime, que les kebars des Saharis, jugeant sans doute l’honneur satisfait, demandèrent, par lettre, aux Ouled Ziane, qu’un accord intervint entre eux. Comme à cette époque la plupart des intéressés étaient absents de leurs Douars, l’arrangement fut remis au mois d’Octobre suivant. Les évènements du 12 novembre reléguèrent cette question au second plan ; elle ne pu être utilement reprise que fin 1916. Après divers pourparlers entre les tribus intéressées, le Sous-Préfet de BATNA assisté des administrateurs de BARIKA et d’AIN TOUTA réunissait à EL KANTARA, le 12 janvier 1917, les notables de BITAM, DJEMORAH, GUEDDILA, BRANIS et BENI SOUIK. A cette occasion le sous préfet jeta les bases de la réconciliation en insistant sur

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23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 00:00

Chronologie du mouvement berbère d'avant 1980
L'avant guerre 23 Janvier 1945 :

Mohand Idir Ait Amrane, étudiant au lycée de Ben-Aknoun, compose le premier chant patriotique en berbère moderne, intitulé "Ekker a mmis umazigh" (debout fils d'Amazigh). Le compositeur y évoque les illustres fondateurs de la nation algérienne : Massinissa, Jugurtha, Kahina, et Messali. Il termine son chant par un appel à la jeunesse en vue du combat pour la libération de l'Algérie. Ce chant, considéré à l'époque comme hymne, connaîtra un léger mais très significatif remaniement en 1949, suite à la crise dite berbériste. Son auteur y éliminera le nom de Messali.
Même mois :
Ouali Bennai, membre de la Direction de la Grande-Kabylie du PPA, est désigné agent de liaison du Parti avec les étudiants du lycée de Ben-Aknoun, à majorité berbérophone, originaires de Grande-Kabylie. Il jouera un rôle très important dans leur sensibilisation au patriotisme et à la prise en charge de leur identité amazigh.
Au Comité d'organisation du PPA, Ouali Bennai; responsable du PPA en Kabylie, demande l'unification en une seule région des deux Kabylies (la Grande-Kabylie et la Petite-Kabylie ), qui constituent, pour lui, une même et seule région naturelle que le colonialisme avait artificiellement scindée pour des raisons politiques, le fameux principe de diviser pour régner. La direction du Parti refuse. Ce problème resurgira plusieurs fois au sein du PPA/MTLD puis du CRUA (Comité Révolutionnaire d'Unité et d'Action).

Mai 1945 : Ali Halit, chef du district de la Kabylie, n'échappe pas lui aussi à la vague d'arrestations enregistrée en Kabylie. Il est remplacé par Ouali Bennaï à la tête du district kabyle.
Mars 1946 : Amar Kilellil ( ancien militant du PPA et membre de la direction du Parti entre 1939 et 1943 ), chargé de la liaison entre la direction et la Kabylie, effectue une tournée dans le district de Grande-Kabylie. Lors d'une réunion de district, les militants dont Amar Ould-Hamouda, Mohand Amokrane Khelifati, Ali Laimèche et Hocine Aït Ahmed, exposent le problème identitaire berbère. Ils demandent, selon Aït Ahmed, qu'un débat soit entamé sur la question et que celle-ci ne reste plus un tabou. Ils chargent Khellil de transmettre à la Direction leur demande d'avoir" voix aux délibérations et aux décisions du Parti". Contrairement à Aït Ahmed, Khelifati Mohand Amokrane, cité par Ouerdane, parle lui de la" mise entre parenthèses de la question de la langue berbère" au cours de la même réunion.

6 Août 1946 : Ali Laimèche, membre du groupe des lycéens berbéro-nationalistes de Ben-Aknoun et un des responsables des Scouts Musulmans d'Algérie (SMA) en Kabylie, meurt de la typhoïde. Plusieurs milliers de personnes assistent à ses funérailles dans son village natal d'Icheraiouène près de Tizi-Rached.

Février/Mars 1947 : A l'issue du premier congrès du PPA/MTLD, quatre cadres de la Kabylie, animateurs du mouvement dit berbériste, font leur entrée au Comité central du Parti : Omar Oussedik devient adjoint d'Ahmed Bouda, Amar Ould-Hamouda devient haut cadre de l'0.S., Hocine Aït-Ahmed devient chef national de l'0.S., et Ouali Bennai responsable du parti en Kabylie.
"Le message de Yougourtha", ouvrage de Mohand-Chérif Sahli est diffusé par l'Union Démocratique du Manifeste algérien (UDMA) de Ferhat Abbas. Il est en même temps saboté par le MTLD.
Novembre 1947 : Ouali Bennai convoque quatre berbéro-nationalistes dont : Amar Ould-Hamouda, président de la séance, Sadek Hadjeres et Mohand Idir Ait Amrane pour une réunion dans une salle de l'Association des Étudiants, Bd Baudin (Bd Amirouche) à Alger, pour constituer une cellule de réflexion et procéder à une étude comparative de la doctrine révolutionnaire du PPA, face à la politique réformiste du MTLD.
Juillet 1948 : Ouali Bennai invite, en secret de la direction du PPA/MTLD et de l'administration coloniale, une quin­zaine de militants berbéristes et militants du PPA/MTLD à un séminaire bloqué qui dure trois ou quatre jours au village "Arous" près de Fort-National (Larbaa-Nath-Irathen) en Kabylie. Sont présents entre autres : Ouali Bennai, Amar Ould-Hamouda, Mohand Idir Ait Amrane, Said Ali Yahia, Said Oubouzar, Mohand Cid Ali Yahia dit Rachid, Sadek Hadjeres... Deux points essentiels sont à l'ordre du jour :
1- Condamner la politique réformiste du MTLD et appuyer l'idée du passage à la lutte armée.
2- Introduire la dimension berbère dans l'organisation de la future Algérie indépendante.
Un rapport est écrit et remis à Ouali Bennai pour l'exposer devant le Comité central du Parti.
Mohand Idir Ait-Amrane est chargé par ses camarades, à la fin de la réunion, de rencontrer Mouloud Mammeri pour un éventuel travail sur la langue berbère.

Novembre 1948 : Ali Yahia Mohand Cid dit Rachid, étudiant à Paris, ami très attaché à Bennai et membre très actif du groupe berbériste, est élu au Comité fédéral par le congrès fédéral de la Fédération de France du MTLD.

Fin de l'année 1948 : Le MTLD diffuse une brochure de 50 pages intitulée : "Mémorandum à l'0.N.U.", qui s'ouvre par : " La nation algérienne, arabe et musulmane, existe depuis le VIIeme siècle". Il occulte, de ce fait, la composante berbère de l'Algérie. Ce document a soulevé, à l'époque, une indignation et un climat de mécontentement, de méfiance et de rejet chez les militants berbéristes. Il alimente les contradictions et élargit le fossé entre les tenants de l'arabisme et les tenants du berbérisme.

La crise berbèriste Mars 1949 :

Ali Yahia Cid dit Rachid, étudiant en droit à Paris et membre du Comité directeur de la Fédération de France du PPA/MTLD, réussit à faire voter une motion dénonçant le mythe d'une Algérie arabo-islamique et défend la thèse de l'Algérie algérienne. Elle est acceptée à une majorité écrasante : 28 voix sur 32. Pour certains responsables du Parti, le concept de "l'Algérie algérienne" est un concept colonialiste et donc anti-nationaliste.

15 Avril 1949 : Juste après ce vote, la Direction du PPA/MTLD, sentant une prise en main de la Fédération de France par les militants de l'Algérie algérienne, donne l'instruction à Embarek Fillali, représentant à Paris, d'organiser un commando pour reprendre de force les locaux de la Fédération, et diffuse un tract pour condamner le berbérisme.
Au même moment, Radjeff Belkacem, ancien de l'ENA et membre du conseil de la Fédération de France, originaire de Kabylie, réunit le Comité fédéral constitué de 25 membres et fait voter une motion : " Condamnation de la déviation politique du Comité Fédéral". Elle recueille 12 voix pour et 13 voix contre. Suite à ce résultat, Radjeff se réunit avec quelques militants dont le Dr Chawki Mostefai et Sadok Saidi, originaires de Kabylie eux aussi, dépêchés par la Direction d'Alger pour régler le problème et "récupérer" la Fédération des mains des "scissionnistes". Ils décident ensemble d'organiser des groupes d'autodéfense contre les berbéristes. L'effectif, selon Radjeff, atteint 70 hommes. Des bagarres éclatent entre ces groupes et les tenants de l'Algérie algérienne pour la récupération des locaux du Parti, notamment dans les 18e et 19e arrondissements de Paris.

Même mois : De Paris, Ali Yahia Rachid, sentant le danger, suite à l'intervention de la Direction d'Alger, lance un appel à Ouali Bennai pour l'aider. Ce dernier, en voulant se rendre à Marseille, est arrêté au port d'Oran par la police.
L'arrestation de Bennai par la police est suivie par celles de plusieurs cadres de la Kabylie. Omar Boudaoud, responsable de l'O.S en Basse Kabylie, est arrêté à Rebeval (Baghlia), Said Oubouzar, responsable politique de la région de Tizi-Ouzou est arrêté à Alger; Amar Ould­ Hamouda, un des responsables de l'O.S et membre du Comité central est arrêté à Alger, Omar Oussedik, membre du Comité central et adjoint d'Ahmed Bouda est arrêté à Alger. Ils sont tous torturés puis incarcérés. "Ces arrestations créent un profond malaise au sein des militants kabyles qui accusent les dirigeants du Parti de "complicité" avec l'administration coloniale".
Ces hauts responsables et permanents du Parti sont accusés, alors qu'ils se trouvent en prison, de berbérisme, de régionalisme et d'anti-nationalisme par la Direction du PPA/MTLD. Ils seront tous exclus du Parti. Ait Amrane leur dédie en septembre 1949 un chant : "Si Lezzayer ar Tizi-Wezzu" (d’Alger à Tizi-Ouzou).

Juillet 1949 : Vingt-deux (22) responsables de la Kabylie (chefs de zones) se réunissent dans la région d'Azazga; toute la Kabylie, semble-t-il, y est représentée pour discuter du problème du berbérisme et essayer de débloquer la situation. Le Parti, dans cette région d’Algérie, enregistre des démissions collectives importantes. Un rapport rédigé par Saïd Ali Yahia (étudiant) devait être remis à Messali Hadj par une délégation composée de trois membres Abdelkader Ait Sidi Aissa, Cheikh Mohand Ouameur et Messaoud Oulamara. Ils sont aussitôt reçus par Messali qui les félicite d'avoir entrepris une telle initiative. Il promet de les convoquer bientôt pour étudier le problème avec le Comité central. L'attente de la réponse du président du Parti fut longue.
Sous le pseudonyme d'Idir El-Watani, trois étudiants : Sadek Hadjeres, étudiant en médecine, Mabrouk Belhocine et Yahia Henine, étudiants en droit et membres de la commission de rédaction du journal El-Maghreb El-Arabi, diffusent une brochure intitulée "L'Algérie Libre vivra" au sein du PPA/MTLD. Ce, pour "faire connaître les conceptions du courant de rénovation et réfuter l'accusation de berbérisme". Ils y développent notamment le concept de "nation".
Pour les auteurs de la brochure, "la nation ne suppose obligatoirement ni communauté de race, ni de religion, ni de langue". Elle est basée sur quatre éléments indispensables : "le territoire, l'économie, le caractère national qui se traduit dans le mode de vie, la mentalité et la culture, le culte d'un même passé et le souci d'un même avenir". En réponse aux tenants de l'arabisme, ils expliquent que "l'existence en Algérie de deux langues parlées (référence aux langues arabes et berbère) n'empêche pas du tout la compréhension mutuelle des éléments qui les parlent". Au contraire "la diversité, loin de nuire, est (...) complémentaire et une source de richesses". Ils montrent l'existence d'une Algérie antérieure à l'Islam et plusieurs fois millénaire et complètent l'hypothèse de Messali qui limite l'histoire de l'Algérie au VIIeme siècle.
 
18 Août 1949 : Ferhat Ali, vieux militant de l'ENA, ancien opposant à Messali, militant du PPA/MTLD à Tizi-Rached et ami de Laimèche et des étudiants berbéro-nationalistes est atteint d'une balle de pistolet, tirée par Krim Belkacem accompagné de Hanafi Fernane et de Akli Djeffel, restés solidaires de la direction du Parti, après la crise de la Fédération de France. Ferhat "refuse, selon Aït-Ahmed, de se soumettre au diktat des chefs écartant l'ancienne équipe dirigeante en Kabylie". Peut-on voir ici une tentative de récupération de la Fédération de la Kabylie tenue par les berbéro-nationalistes, après celle de la Fédération de France?C'est l'avis des victimes. Le lendemain, l"'Echo d'Alger", quotidien colonialiste, profitant de l'incident, publie un article sous le titre "Des membres dissidents du PPA veulent créer le P.P.Kabyle...", déclaration présumée de Ferhat Ali.

20 Août 1949 : Après la lecture de l'article cité plus haut, le groupe des étudiants berbéro-nationalistes décide de dépêcher Ali Yahia Saïd et un autre militant auprès de Ferhat Ali pour lui faire signer une mise au point infirmant la déclaration de "l'Echo d'Alger'. Cette mise au point est publiée par "Alger Républicain" après le refus de "l'Echo d'Alger" de la publier. Il y est déclaré qu'il n'a jamais existé et il n'existera jamais de "P. P. Kabyle", pour la bonne raison qu'il n'y a qu'un peuple algérien dont les éléments, quoique d'origine ou de langues différentes, vivent fraternellement unis dans une même volonté de libération nationale".
Après la récupération des locaux du Parti à Paris par Chawki Mostefai, Belkacem Radjeff, Sadok Saidi et Embarek Fillali, "une explication générale eut lieu à Alger à la Medersa "Er-Rached" en présence de tous les responsables du Parti. Les principaux dirigeants du Mouvement berbère, à l'exception d'Ait Ahmed, parce qu'il était recherché par la police, furent exclus du PPA".

Septembre 1949 : De prison, Ouali Bennai, voulant connaître la façon dont se déroulaient les événements politiques, envoie une lettre à Said Ali Yahia, que Maître Abderrahmane Kiouane, avocat du parti, devait lui remettre. Il lui demande : "que devient le M.R.B ?". Cette lettre, lue et photographiée par la direction du Parti, est distribuée à toutes les kasmates du PPA/MTLD. Elle est, pour la direction, une preuve irréfutable de la présence d'une organisation secrète, dite "Mouvement révolutionnaire berbère "mise sur pied par Bennai". Elle déclenche en fait une campagne anti-berbère. Elle sert à condamner le berbérisme avec une ardeur et un acharnement jamais connus.


Des délégués itinérants sont envoyés par la Direction du (PPA/MTLD) à toutes les kasmates d'Algérie. Leur mission est de faire condamner le "berbérisme". Leur preuve, la lettre envoyée de prison par Bennai. Les moyens : tous les moyens d'explication et de condamnation, y compris insultes et intimidations. Pour l'envoyé à Tiaret, les "berbéristes" "étaient des alliés objectifs du colonialisme". A Alger et notamment à Belcourt, des bagarres et des matraquages entre les arabo-islamistes et les berbéro-nationalistes ont éclaté. Ces incidents n'ont pas touché seulement les berbéro­nationalistes mais aussi les militants arabophones qui soutenaient le concept de l'Algérie algérienne et qui sont en majorité originaires de l'Oranie.
Belaid Ait Medri, agent de liaison de Kabylie est remplacé par Fernane Hanafi

Octobre 1949 : Le Comité Central du MTLD convoque Messaoud Oulara à Alger pour discuter du problème "berbériste". Il est accompagné de Laifa Ait Waban et Salem Ait Mohand. Ils sont reçus par Mustapha Ferroukhi, Rabah Bitat, Ahmed Bouda et Hocine Lahouel (secrétaire général du MTLD). Ce dernier accuse "à tort et à travers les ennemis du pays, sans les nommer, les agitateurs et les malhonnêtes". Messaoud Oulamara répond que Messali s'avère "le principal responsable de la pagaille" que vit le Parti.

1952 : Liquidation physique de Ali Rabia alias Azzoug (Le sourd), chef de zone du MTLD à Makouda en Kabylie, pour "berbérisme" sur ordre de Belkacem Krim, sous prétexte de relations douteuses avec la femme qui l'hébergeait.
Le spectre des liquidations des berbéristes est ainsi inauguré. Plusieurs militants de la cause nationale seront assassinés par les leurs.

04 Décembre 1953 : Le PPA/MTLD, par le biais de son organe de presse "L'Algérie libre", dénonce la pièce de théâtre de Abdellah Nakil intitulée "El-Kahina". La pièce mise en scène le 27 novembre 1953 par Mustapha Kateb, retrace l'histoire de l’invasion arabe et la résistance des Berbères sous la conduite de Kahina, reine des Aurès.

Mars 1954 : Une association culturelle dénommée 'Tiwizi I Tmazight" (entraide pour tamazight) est fondée à Paris Par un groupe de militants berbéro-nationalistes dont Ali Boudaoud, Hocine Heroui, Mohand Amokrane Haddag, Mohand Amokrane Khelifati... Son objectif est le développement de la langue berbère. Une revue qui porte le même nom est éditée par l'association. Mohand Idir Ait Amrane leur rend hommage par un poème en kabyle intitulé "A kra wer neggan udan".

Cette association s’autodissout après le déclenchement du ler novembre 1954, ses membres rejoindront en bloc le Front de Libération Nationale.
Août-Septembre 1954 : Lors des discussions sur la constitution du FLN, Mourad Didouche propose de diviser la Kabylie en deux. L'une sera rattachée à l'algérois et l'autre au Constantinois. Belkacem Krim s'oppose et obtient l'aval au cours d'une réunion avec Mohammed Boudiaf et Mostefa Ben Boulaid.
Les séquelles de la crise dite "berbériste" de 1949 sont toujours présentes dans l'esprit des militants nationalistes.





La guerre d'Algérie

1956 : Amar Ould-Hammouda, ancien responsable de l’O.S et responsable numéro deux du mouvement berbère dans les années quarante, est assassiné avec Mbarek Ait Menguellet, lui aussi militant berbéro-nationaliste, par les responsables de la wilaya III pour berbérisme. Pour les responsables de base ces deux militants sont accusés d'avoir constitué un groupe qui prônait le communisme au sein du FLN en Kabylie.
 Sur ordre de Belkacem Krim, Ouali Bennai, ancien chef du PPA en Kabylie et principal chef du mouvement berbère exclu du PPA/MTLD en 1949, est assassiné à Djemaa Saharidj dans la wilaya III pour ses positions berbéristes. Selon M. Harbi : "Le Colonel Ouamrane l'avait fait avertir par Rabah Bouaziz de ne pas se rendre dans sa région et de rejoindre les maquis de la wilaya IV. Il savait qu'en Kabylie son sort était scellé".
 
27 Décembre 1957 : Ramdane Abane est assassiné par les siens au Maroc en présence de Belkacem Krim dans des conditions obscures.

L'Algérie indépendante

Après sa libération, Ahmed Ben Bella lance de Tunis : "Nous sommes des Arabes, des Arabes, dix millions d'Arabes. !"

5 Juillet 1962 : Dans son discours, le président Ahmed Ben Bella, accentue sa politique arabiste. Pour lui, "l'arabisation est nécessaire, car il n'y a pas de socialisme sans arabisation..., il n'y a d'avenir pour ce pays que dans l'arabisation."

Septembre 1962 : L'écrivain Mouloud Mammeri tente de raisonner Said Mohammedi Premier ministre de l'Éducation de l'Algérie indépendante (1er gouvernement Ben Bella). Il lui propose en effet de réouvrir la chaire de berbère de l'université d'Alger abandonnée par A. Picard. S. Mohammedi répond en substance "mais, voyons, le berbère, tout le monde sait que c'est les pères Blancs qui l'ont inventé !...".
La Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK) renaît après un arrêt d’activité de 1956 à l’indépendance.

19 Septembre 1963 : Dans un discours devant l'assemblée nationale Ahmed Ben Bella lance : "La nation algérienne s'est déterminée fermement comme nation maghrébine, ne ménageant aucun effort pour aboutir à l'édification du Maghreb arabe.. L'Algérie s'est aussi définie comme nation arabe, recherchant par tous les moyens le resserrement des liens avec les pays frères en vue d'aboutir à l'unité arabe..."
 

21 Août 1963 : Au cinquième congrès de l'UGEMA (Union générale des étudiants musulmans algériens) devenue UNEA, et en présence du président Ahmed Ben-Bella, les congressistes soulèvent la question de l'arabisation et le statut de la langue berbère, particulièrement" la nécessité du développement de la langue kabyle et la création d'un institut d'enseignement du berbère".

29 Septembre 1963 : Des militants créent le Front des Forces Socialistes (FFS). Ce parti d'opposition regroupe en majorité des militants kabyles. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est taxé de régionaliste. Le FFS prône, dès Sa création, une opposition armée contre le régime du Président Ahmed Ben Bella. La Kabylie est le théâtre principal d’opérations militaires.

1963-64 : Une petite cellule comprenant trois universitaires d'origine kabyle : Amar Abada, Mouloud Mammeri et M'barek Redjala est mise en place à Alger. L'arrestation de Redjala et son emprisonnement de mai à août 1965 ainsi que les divergences d'ordre politique et idéologique qui ont surgi par suite, ont mis fin à l'existence de ce premier groupe qui a commencé à réfléchir sur le devenir de la langue berbère après l'indépendance de l'Algérie.
Le chanteur Slimane Azem est interdit d'antenne (et ses disques interdits d'importation) à la chaîne kabyle de Radio-Alger. Quelques présentateurs non conformistes sont limogés (ex. Ahmed Aimene).
Réduction des horaires de la chaîne kabyle. Celle-ci émettait auparavant au rythme d'une vacation continue quotidienne, de seize heures de durée environ. On ramène le tout à moins des neuf heures trente découpées en trois tranches quotidiennes (2 x 2h30 + une fois 4h30).

1964-65 : Sur le plan scolaire, il était possible de présenter aux épreuves du baccalauréat français le berbère comme épreuve facultative. L'examinateur était alors Mammeri.









L'Académie Berbère

10 Août 1966 : Un groupe de militants berbéristes dépose à la préfecture de Paris les statuts de l'Association berbère d'échanges et de recherches culturels (A.B.E.R.C) qui s'est fixé pour but "de faire connaître la culture spécifiquement berbère, l'étude de la langue et de la civilisation berbères". Elle se propose "d'étudier l'histoire berbère et de dresser la fresque de cette grande et antique civilisation encore méconnue du grand public".
L' A.B.E.R.C. s'interdit "toutes discussions politiques ou religieuses". Son bureau est constitué de Abdelkader Rahmani (ingénieur), Amar Naroun (homme de lettres), Mohand Amokrane Khelifati (manœuvre), Said Hanouz (pharmacien), Mohand Arab Bessaoud (instituteur), Djaffar Oulahbib (chef électricien).
L'A.B.E.R.C. est enregistrée à la préfecture de police de Paris le 3 février 1967. L'ABERC ou Académie Berbère connaîtra un essor remarquable. Elle diffusera un bulletin en Kabylie, dans l'algérois et dans les Aurès pour sensibiliser le plus grand nombre de personnes, surtout la jeunesse, autour de leur identité. Elle drainera plusieurs milliers de jeunes. Mais son militantisme politique excessif voire raciste, la répression et son statut mal défini, feront éloigner d'elle les intellectuels et les compétences scientifiques berbères.

Rentrée Universitaire 1967 : M. Mammeri ayant rencontré Ahmed Taleb alors ministre de 1' Éducation (anciennement opposant à Ben Bella) reçut l'ordre verbal de celui-ci pour réouvrir de façon informelle la chaire de berbère à l'université d'Alger.

07 Juillet 1967 : M'barek Redjala adresse une lettre à Hocine Ait Ahmed, leader du Front des Forces Socialistes (FFS), sur la question berbère. Il écrit notamment : "Je signale à l'intention de tous que l'idée d'une réhabilitation de la culture et de la langue berbère fait du chemin en Algérie, et que tout parti qui n'en tiendrait pas compte ne saurait bénéficier des masses de la Kabylie. Les plus avancés songent même à la création de la nation berbère. Les jeunes intellectuels berbères y voient la seule issue à la longue et douloureuse tragédie que nous vivons. Nous sommes obligés de les freiner dans leur zèle de vouloir dès maintenant poser le problème de la nation berbère. Ils expliquent leur attitude par la crainte qu'ils ressentent de voir l'arabe éliminer les dialectes berbères. L'argument est de valeur. Quoi qu'il en soit, ce problème doit nous préoccuper Si nous voulons canaliser, impulser au lieu de suivre lorsqu'il sera trop tard".
Un groupe de lycéens du Lycée Amirouche de Tizi-Ouzou sont exclus du lycée lorsqu'ils se proposent de jouer une pièce de théâtre en langue tamazight.
 

26 Avril 1968 : Houari Boumediene signe une ordonnance rendant obligatoire pour les fonctionnaires et assimilés de nationalité algérienne d'origine, "la connaissance suffisante de la langue nationale" au moment de leur recrutement.
Création du premier cercle culturel berbère à la cité universitaire de Ben-Aknoun (Alger). Ses activités sont axées sur le renouveau culturel : théâtre, émissions radio­phoniques, cours de berbère animés par Mouloud Mammeri, cycles de conférences, premiers galas de la chanson kabyle, bibliothèque, création de journaux parmi lesquels la première revue berbère ''Taftilt".
Mohamed Sedik Benyahia, ministre de l'information, organise une conférence où il reçoit une pétition de protestation lancée par des étudiants berbérophones contre la "destruction de la radio kabyle".

1967- 1968 : Les mesures d'économie prises par le pouvoir français ont progressivement réduit la chaîne kabyle de Radio-Paris à sa plus simple expression puisqu'en 1967168 elle ne disposait que de 15 mn d'émission quotidienne sur la même longueur d'onde que la chaîne arabe.
Néanmoins, on y passait souvent Slimane Azem. L'animateur de cette chaîne, Hamid, a même assuré en quelque sorte une certaine publicité à la récente "Académie berbère" dont il était membre.

02 Mai 1969 : Saïd Hanouz et Mohand Arab Bessaoud déclarent à la Préfecture de police de Paris la création de l'Académie "Agraw Imazighen". Son but est l'étude et la sauvegarde de la culture berbère. Elle diffuse un journal mensuel "Imazighen". En réalité cette Académie n'est que l'ABERC qui a changé de nom.

22 Juillet 1969 : A l'ouverture du premier Festival culturel panafricain à Alger, le président Houari Boumediene dans son discours rappelle aux Africains que "longtemps contraints de nous taire ou de parler la langue du colonisateur, c'était un devoir essentiel et premier que de retrouver nos langues nationales, les mots hérités de nos pères et appris dès l'enfance." Il reconnaît "qu'il n'y a pas de langue qui, au départ, soit plus apte qu'une autre à être le support de la science et du savoir..."
Le pouvoir de Boumediene interdit à la chanteuse et romancière berbérophone Taos Amrouche ainsi qu'à d'autres chanteurs berbérophones de représenter l'Algérie à ce même festival.
Amère, Taos Amrouche écrira une tribune "en marge du festival" dans le journal le Monde (ce qui vaudra à celui-ci avec les articles sur le procès de Krim Belkacem, près d'une année d'interdiction !). Néanmoins, Taos Amrouche se produira au moins une fois à la fin juin 69 à la Cité Universitaire de Ben Aknoun grâce à l'invitation du "cercle d'études berbères" qui y fonctionna avec plus ou moins de bonheur entre 68 et 70, appuyé par le comité de gestion de la cité.
Rentrée Universitaire 1969 : M. Mammeri prend la succession de G. Camps à la direction du CRAPE (Centre de Recherche en Anthropologie, Préhistoire et Ethnographie). Il est appelé à se "retirer" quelque peu de l'Université, sans pour autant mettre sérieusement à profit les structures de recherche (pourtant intéressantes) du CRAPE.

Les Années Boumediene
1970 : Les pressions du gouvernement algérien aboutiront à faire supprimer complètement l'émission en kabyle de Radio-Paris, alors qu'historiquement il n'y a jamais eu autant de berbérophones en France!

A la chaîne kabyle de Radio-Alger, on notera que les reportages sportifs réalisés en direct des stades jusque-là en kabyle seront supprimés et assurés désormais par un relais de la chaîne en arabe. De la même façon on assiste unilatéralement au passage fréquent de disques en arabe sur la chaîne kabyle, alors que la réciproque sur la chaîne arabe ou mieux à la télévision n'est pas assurée (une chanson tous les trois à six mois au plus à la TV!).

15 Janvier 1971 : Le cercle d'études berbères et l'UNEA (Union Nationale des Étudiants Algériens) sont dissous par le pouvoir de Boumediene après de nombreuses manifestations, grèves et l'arrestation de plusieurs étudiants pour "menées subversives".
 
1972 : La célèbre chorale féminine kabyle du lycée Amirouche de Tizi-Ouzou (ayant obtenu les premiers prix au Festival de la chanson populaire), se verra contrainte par le proviseur et les autorités locales à chanter une grande partie de son répertoire en langue arabe.

Si Mohamed Baghdadi (directeur des sports) propose une réforme du sport mettant en place "la commune sportive de base" et il prétend aussi lutter contre le régionalisme et pour l'arabisation : il obtient ainsi la transformation de la JSK (Jeunesse Sportive de Kabylie) en JSK (Jamai Sarrii al Kawkabi).

Mai-Juin 1972 : Un groupe de militants de la cause berbère suggère la création d'un enseignement de la langue berbère à l'Université Paris VIII (Vincennes). Cette initiative donne naissance au Groupe d'Études Berbères (G.E.B). L'enseignement de la langue berbère ne sera effectif qu'à partir du 29 janvier 1973 quand l'Université Paris VIII décide sa création.

1973 - 1974 : On assiste à la suppression définitive de la chaire de l'université d'Alger. Mammeri ne semble alors mener qu'un vague combat d'arrière-garde. En tout cas, la suppression s'est passée "en douceur". La discipline "ethnologie" disparaît de l'Université dans le cadre de la RES de 71 mise progressivement en application et l'enseignement du berbère n'est prévu dans le cadre d'aucun des modules des nouvelles licences de lettres ou de langues.
La chanson kabyle connaît un essor qualitatif très important et une production intense. Face aux multiples interdictions de l'enseignement et de l'écriture du berbère, il ne reste plus que la chanson comme moyen d'expression et de revendication. Durant cette année des étudiants comme Ferhat Mehenni et tant d'autres créent le groupe "Imazighen Imoula" (Les berbères du nord). A l'initiative d'Amar Mezdad, d'autres étudiants kabyles créent à leur tour le groupe "Lazouq" où se retrouvent Sid Ahmed Abderrahmane, Mokrane Ghozlane, Ali Ouabadi et Idir. Mais c'est ce dernier qui, à travers sa chanson "baba Inouba", donnera un nouveau souffle à la chanson kabyle et lui permettra de s'internationaliser.
Les thèmes de la chanson kabyle de ces débuts des années 1970, sont essentiellement axés sur la revendication identitaire et culturelle berbère, la liberté d'expression et la situation de la femme. On ne chante plus seulement les thèmes de l'amour, l'émigration et la religion. La chanson kabyle désormais "interroge, démontre, critique, propose, dénonce, loue, affronte, polémique et provoque". La politique d'oppression est le plus important leitmotiv.
Face à son engagement, cette chanson, qui véhicule un discours radical et parfois virulent envers le pouvoir en place, connaîtra la répression et vivra dans la clandestinité. Ses interprètes seront successivement arrêtés ou marginalisés.

Juin 1974 : La fête des cerises à Larbaa Nait Irathen se termine très mal puisque la police et les gendarmes n'ayant pas suffi à contenir les manifestants, on fera appel à l'armée pour les réprimer durement. La foule était mécontente en raison du remplacement de plusieurs chanteurs kabyles par des improvisations de chanteurs en arabe.
Cette même fête des cerises sera d'ailleurs interdite l'année suivante

Novembre 1974 : Amar Ouerdane fonde l'Association socio-culturelle berbère de Montréal (Canada) dans le but de faciliter l'adaptation des immigrants algériens berbérophones en milieu québécois et canadien et aussi de diffuser le patrimoine berbère

1974-1975 : L'interdiction est faite à l'état civil d'enregistrer les prénoms autres que musulmans, ceux-ci faisant l'objet d'une liste exhaustive. C'est toute une série de prénoms berbères qui en fait les frais.

5 Janvier 1976 : Mohamed Haroun, militant berbériste et fils de chahid est arrêté par la Sécurité militaire à Alger pour avoir posé une bombe au tribunal militaire de Constantine. Cette bombe a été désamorcée à temps.


C'est aussi le cas de Lounès Kaci et de Hocine Cheradi qui ont posé une bombe au siège du quotidien "El-Moudjahid" à Alger et de Mohamed Smaïl Medjeber qui a posé une bombe au tribunal militaire d'Oran le 3 janvier avec la complicité de Daniel Paul, de Salby Jay et d'André Noël Cherid. Le choix des cibles est très significatif : El-Moudjahid connu pour son aversion pour la question de tamazight, les tribunaux militaires où la répression est assez symbolique, (...) la chaîne de télévision un des outils les plus monstrueux de la répression".
Ces poseurs de bombes sont accusés de trahison, d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de complicité, de trafic de devises et de jets d'explosifs. Ils sont condamnés par le tribunal de Médéa le 2 mars 1976. Trois peines capitales, deux condamnations à perpétuité et d'autres peines allant de dix à Vingt ans de prison.

16 Avril 1976 : "Journée du savoir" - Yaoum El-Ilm. Journée commémorative de la mort en 1940 du cheikh Abdel-hamid Ben-Badis président de l'Association des Oulémas Algériens. Le chef de l'État dans une ordonnance, publiée au JORA le 23 avril 1976, définit l'organisation de l'éducation et de la formation.
Après avoir défini la mission du système éducatif qui s'inscrit dans le cadre "des valeurs arabo-islamiques et de la conscience socialiste", l'enseignement est assuré en langue nationale à tous les niveaux d'éducation et de formation et dans toutes les disciplines.


La mission de l'école fondamentale est de dispenser aux élèves "un enseignement de langue arabe leur permettant une maîtrise totale de l'expression écrite et orale; cet enseignement, qui est un facteur important de développement de leur personnalité, doit les doter d'un instrument de travail et d'échange pour se pénétrer des différentes disciplines et pour communiquer avec leur milieu".
L'arabisation porte aussi sur l'enseignement préparatoire qui est dispensé "exclusivement en langue arabe".
Cette ordonnance met fin d'une manière très claire aux espoirs et aux attentes des berbéristes et des berbérophones. Tamazight est ainsi mise à l'écart et exclue de l'école. Le choix de l'État algérien est désormais fait. L'arabisation est décrétée.
Cette décision des plus hautes instances de l'État engendre un mépris jamais égalé dans les milieux berbérophones et surtout en Kabylie. La revendication se radicalise. Les contestations s'enveniment après la promulgation de la Constitution et de la Charte nationale qui renforcent l'arabisation et la définition de l'Algérie comme nation arabo-islamique. La répression s'abattra aussi sur les berbéristes.
 
Mai - Juin 1976 : Lors des débats sur la Charte nationale les étudiants militants berbéristes diffusent un document de 50 pages.
A ces débats, les jeunes militants berbéristes ont pris part en masse. Sept cent vingt (720) prises de parole sont semble-t-il décomptées dans Alger. Ainsi la revendication culturelle et identitaire berbère connaît une ampleur importante. Elle se pose désormais dans des débats publics. Malgré cette "tolérance" le pouvoir utilise la répression.
Après une intervention dans une salle de cinéma à Alger, l'étudiant et chanteur kabyle Ferhat Mehenni est arrêté pour la première fois par la Sécurité militaire. Ces interventions ont sans doute permis aux services de sécurité de mettre à jour leurs fichiers concernant les berbéristes et opposants à la politique culturelle du pouvoir.

27 Juin 1976 : La Charte nationale est adoptée par référendum. Ce document qui est un texte national fondamental définit l'Algérie comme étant une partie intégrante de la nation arabe.
"Le peuple algérien se rattache à la patrie arabe, dont il est un élément indissociable" (...)" L'Algérie n'est pas une création récente. Déjà sous Massinissa, fondateur du premier État numide, et de Jugurtha, initiateur de la résistance à l'impérialisme romain, s'était dessiné le cadre géographique et commençait à se forger le caractère national". (...) "A ces deux caractéristiques principales se sont ajoutés progressivement à partir du 7e siècle les autres éléments constitutifs de la Nation Algérienne, à savoir son unité culturelle, linguistique et spirituelle (...)". On peut affirmer, ajoute le texte de la Charte nationale, "que ces différentes périodes de notre histoire ont constitué un creuset où se sont fondus intimement les brassages ethniques, les apports de toutes sortes, comme les créations nouvelles du génie national, tout cela pour aboutir à une expression originale de la personnalité arabo-musulmane de notre peuple...".
La politique culturelle s'attellera, selon la Charte, à concrétiser un projet des plus urgents : la généralisation de l'utilisation de la langue arabe qui "est un élément essentiel de l'identité culturelle du peuple algérien. On ne saurait séparer notre personnalité de la langue nationale qui l'exprime. Aussi, l'usage généralisé de la langue arabe, et sa maîtrise en tant qu'instrument fonctionnel, est une des tâches primordiales de la société algérienne au plan de toutes les manifestations de la culture et à celui de l'idéologie socialiste".
Le choix de la langue arabe est fait. Il est irréversible. "Il ne s'agit nullement de choisir entre la langue nationale et une langue étrangère. Le problème du choix étant dépassé et irréversible, le débat sur l'arabisation ne peut porter, désormais, que sur le contenu, les moyens, les méthodes, les étapes, la conception générale d'une langue".
Tout en dénonçant l'étouffement de la culture algérienne, l'uniformisation, le totalitarisme culturel, le PRS (Parti de la Révolution Socialiste), pour qui la langue arabe doit être la langue nationale, critique sévèrement le pouvoir algérien qui reste silencieux sur la question berbère dans les textes de la Charte nationale de 1976.
"Sur la question berbère, la Charte ne dit pas un mot. Voila donc un texte qui se présente comme national et qui évacue complètement un problème auquel sont sensibles des millions d'Algériens. (...) Or la langue berbère existe. C'est la langue maternelle d'une partie des Algériens. Elle doit être reconnue, préservée et développée comme partie intégrante de notre patrimoine national. Son enrichissement, son passage à la forme écrite, son enseignement, sa diffusion doivent être garantis.".
Ainsi le PRS, avec à sa tête Mohamed Boudiaf, est le premier parti politique algérien à se prononcer en faveur de la question berbère.

27 Juin 1976 : Mohand Cid Ali-Yahia dit Rachid, ancien acteur important dans la crise dite berbériste de 1949, lance le Front Uni de l'Algérie Algérienne (F.U.A.A.) en France. Fidèle à son combat des années 1940 pour l'Algérie algérienne, Rachid Ali-Yahia, par son mouvement d'opposition au régime de Boumediene, renouvelle son combat pour l'identité algérienne et la question linguistique et culturelle.
Ce front n'aura qu'une faible influence en Algérie. Quelques-uns de ses militants seront arrêtés en mars 1980.

Été 1976 : Pour avoir tiré des textes littéraires en Tifinagh sur ronéo et aussi pour avoir été abonnés au bulletin de l'Académie berbère (Agraw imazighen) de Paris, deux cents (200) jeunes de la région de Larbaa Nath Irathen sont arrêtés et emprisonnés. Ils seront, pour quelques-uns, condamnés jusqu'à 18 et 24 mois de prison.
Afin de porter le coup de grâce à l'édition berbère en Algérie, le Fichier de Documentation Berbère (F.D.B) tenu depuis 1946 par le Père Jean Marie Dallet est mis sous scellés par le pouvoir de Boumediene.
Ce Fichier est considéré comme source exceptionnelle de documents concernant l'étude de l'histoire, de l'ethnographie, de la littérature, de la linguistique des communautés berbérophones de Kabylie, du Mzab et de Ouargla. Ce fichier était au début un périodique mensuel, puis bimestriel, pour devenir à partir de 1955 trimestriel. On y trouve des monographies de villages de Kabylie, des études sur l'Islam, les croyances et superstitions, la sagesse populaire, la vie quotidienne, la zoologie, la botanique et la culture matérielle..


19 Juin 1977 : Lors du match final de la coupe d'Algérie de football opposant la Jeunesse Sportive de Kabylie (JSK) et le Nasr de Hussein-Dey (NAHD), les spectateurs kabyles scandent des slogans hostiles au président Boumediene, présent dans la tribune officielle, et au régime tels que : "JSK imazighen", "la langue berbère vivra", "à bas la dictature", "vive la démocratie"...

La retransmission en direct de cette rencontre à des milliers de téléspectateurs révèle au peuple algérien l'expression d'un mécontentement et d'une contestation ouverte et radicale d'une population d'une région du pays, qui souffre d'une marginalisation identitaire et culturelle...

Septembre 1977 : A la suite de la manifestation en juin 77 à la finale (remportée par la JSK) de la coupe d'Algérie, une nouvelle réforme du sport est adoptée consacrant définitivement les ASP, c'est-à-dire le sport corporatif avec des joueurs semi-professionnels d'entreprises. La JSK devient Jamaia Electronic Tizi-Ouzou, JET intégrée à la Sonelec.
Le ministère de l'Enseignement supérieur décide de l'ouverture du centre universitaire de Tizi-Ouzou (C.U.T.O.) où se retrouvent les cadres de la région et qui se mêlent au mouvement estudiantin pour la prise en charge de la revendication identitaire. Le C.U.T.O. verra le regroupement des étudiants kabyles jusque là éparpillés sur divers instituts de la capitale.
Ce centre universitaire connaîtra des mouvements de grève non connus à l'époque en Algérie.
L'ouverture du CUTO permettra aussi la circulation d'une documentation dite clandestine tels que les ouvrages de l'historien algérien Mohamed Harbi, les revues berbères de l'ACB et de l'Académie berbère, édités en France et diffusés sous le manteau en Algérie.
On assiste à l'interdiction par le Wali de plusieurs chanteurs comme Idir, à Tizi-Ouzou sous prétexte d'absence de salle suffisante pour contenir les spectateurs et garantir la sécurité.

Novembre 1977 : La direction du PRS met en place une cellule de réflexion pour étudier le dossier berbère et élaborer des propositions concrètes en direction des groupes berbéristes.
 
28 Novembre 1978 : Ait Ahmed, secrétaire général du FFS, dans une déclaration, demande la reconnaissance de la "langue berbère comme langue nationale au même titre que la langue arabe".

10 Décembre 1978 : Des armes en provenance du Maroc sont parachutées à Cap-Sigli dans la wilaya de Béjaia en Kabylie, pour un éventuel soulèvement armé contre le régime de Boumediene, dix sept jours avant sa mort. Le groupe initiateur est arrêté par la sécurité militaire, "prouvant" et montrant ainsi l'échec d'une "tentative kabyle" de renversement du régime.
En réalité cette affaire est connue dès le départ par la Sécurité militaire qui avait infiltré le groupe contestataire composé de personnalités historiques, comme Mohamed Benyahia, Ferhat Abbas, Belarbi, Boudjeloud, Ahmed Kadri. Ils seront traduits en justice à l'exception de Ferhat Abbas. Ils seront condamnés par le tribunal militaire de Blida à des peines allant jusqu'à 12 ans de prison.
Cette affaire est exploitée par le pouvoir pour discréditer les berbéristes, qui n'avaient aucune relation avec celle-ci. Il montre du doigt le "danger berbériste" en des termes à peine voilés, ces "anti-nationalistes, soutiens du Maroc et du néo­colonialisme".

25 Décembre 1978 : Ait Ahmed dira à propos de la question berbère, qu' "il s'agit d'un problème de survie, pour une langue, une culture combattues par le colonialisme et auxquelles l'indépendance n'a pas offert de chance. Ce n'est pas en ignorant le problème qui concerne un Algérien sur trois qu'on le résoudra. Il faut le prendre en charge dans l'intérêt de la collectivité nationale et de son unité".
Le chanteur populaire kabyle Lounis Ait Menguellet est interdit de se produire à l'Université.

Mars 1979 : Dans son "Avant-projet de plate-forme politique le FFS se prononce sur la question berbère. Il y est notamment écrit : La langue berbère a droit de cité dans la cité berbère, droit inaliénable que le colonialisme intérieur, pas plus que le colonialisme étranger, ne peut proscrire. Elle doit être officialisée et développée comme langue nationale, elle doit bénéficier de la part de l’état de l’égalité de traitement qui lui permette de rattraper le temps et le terrain perdus depuis l’indépendance.(...) Seuls les apprentis obscurantistes et les larbins mercenaires voudraient encore opposer la langue arabe et la langue berbère.
Interdiction au Centre universitaire de Tizi-Ouzou d'une pièce de théâtre, adaptation en kabyle de la guerre de 2000 ans de Kateb Yacine.
Des demandes successives d'enseignement du berbère à Alger, puis à Tizi-Ouzou, tour à tour, sont rejetées sans aucun motif explicite.

17 Octobre - 13 Novembre 1979 : Troisième grève des étudiants du CUTO depuis l'inauguration du centre universitaire en 1977. Ils posent notamment le problème de la représentation des étudiants dans l'instance universitaire.

 Extraits de "Chronologie du mouvement berbère, un combat et des hommes" de Ali Guenoun paru aux éditions Casbah Alger, 1999

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23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 00:00


Les Kabyles sont un peuple berbère habitants la Kabylie, région montagneuse à l'est d'Alger en Algérie. Les habitants de cette région densément peuplée ont massivement émigré vers différentes parties du pays (notamment Alger) et vers la France. Depuis 1871, ce groupe sociolinguistique tente de faire face à une assimilation culturelle, linguistique (arabe dialectal et français) et à une mutation de son organisation sociale.
 
Sommaire
1 Étymologie et différents noms
2 Langue
3 Société ancienne
4 Voir aussi
5 Figures
5.1 Historique
5.1.1 Antiquité
5.1.2 Temps modernes
5.1.2.1 Période coloniale
5.1.2.2 Guerre Indépendance
5.2 Politiques
5.3 Chercheurs
5.4 Artistes
5.4.1 Peintres et graphistes
5.4.2 Comédiens
5.4.3 Chanteurs et musiciens
5.4.3.1 Chaâbi
5.4.3.2 Musique kabyle
5.4.3.3 Musique arabo-andalouse
5.4.3.4 Musique Raï
5.4.3.5 Rap/Rock
5.4.3.6 Varietés occidentales
5.4.4 Écrivains et cinéastes
5.5 Journalistes
5.6 Sport
5.7 Liens externes

Étymologie et différents noms
Le mot « Kabyle » vient de l'arabe Qabila (pl. Qbaïl), « tribu ». C'est le terme que les Européens ont utilisé au XVIIIe siècle pour désigner ces montagnards qui portaient des noms différents en fonction des tribus auxquelles ils appartenaient.
Les arabophones, quant à eux, utilisaient le mot Zwawa, déformation du berbère Agawa, un massif au coeur de la Grande Kabylie, dont le pluriel Igawawen était le nom d'une tribu très puissante et ancienne confédération composée de huit tribus organisées en deux confédérations : At Betrun (At Yanni, At Budrar, At Bu Akkach, At Wasio) et At Mengellat (At Mengellat, At Bu Yusef, At Weqbil, At Attu).
Il semblerait que dans l'Antiquité, les Igawawen aient porté le nom de Quiquegentiani, appelation administrative désignant cinq tribus (quinque gente). Une vieille légende rapporte en effet que les montagnards descendent d'un géant qui eut cinq fils, lesquels formaient les cinq tribus antiques (Boulifa, 1925), les fameux Quinquegentiani qui donnèrent tant de mal aux Romains.
Zwawa a donné en français zouave, puisque les premiers fantassins indigènes étaient originaires de cette confédération.
Langue
Le kabyle (taqbaylit) se rattache au groupe berbère. La Kabylie représente la deuxième concentration de berbérophones après le Souss (Sud du Maroc). Estimée à 4 millions de locuteurs (la moitié des berbérophones algériens), cette langue est très proche du chenoui (parlé à l'ouest d'Alger et du chaoui (tachaouit) parlé à l'est de la Kabylie. Très attachés à leur identité berbère, les Kabyles revendiquent la reconnaissance du pluralisme linguistique dans la Constitution algérienne.
 


Société ancienne
L'organisation sociale des Kabyles, autrefois éleveurs et agriculteurs a été abondamment étudié, notamment par Pierre Bourdieu. Ce modèle a été largement modifié par la forte émigration qui a bouleversé les rapports sociaux, l'urbanisation, mais on peut tracer les grands traits de la société traditionnelle.
Chaque village formait la tajmaât (de l'arabe djemaâ, assemblée), une petite organisation semblable à la république. Elle était composée de tous les hommes ayant atteint la majorité, et n'y prenaient la parole que les notables, les vieillards et les chefs de famille. On y nommait l'amin (chef), mandataire toujours révocable.
La démocratie n'y était que de principe car deux ou trois familles, un çoff, emportaient toujours la décision.
Conseil municipal, cour de justice et cour souveraine, la tajmaât se référait, en cas de litige ou de problème, à des textes de lois, les « qanouns kabyles » qui définissaient le moindre manquement et sa sanction.
Le code de l'honneur protégeait « la maison, les femmes, les fusils », et stipulait que le meurtre devait vengée par les liens du sang. La filiation est patrilinéaire. Le patronyme de l'ancêtre commun se transmettait.
La tajmaât vivait sous l'autorité du groupe, où l'esprit de solidarité était fort développé. Pour exemple le terme tiwizi (« solidarité ») désignait l'activité collective consistant à aider un villageois dans une de ses tâches comme le ramassage des olives, à laquelle il contribuait directement ou en nourrisant les participants.
 
Figures

Antiquité
Kahena, de son vrai nom Dihya est la principale figure de la résistance berbère à l'avancée des troupes arabo- musulmanes entre 695 à 705. À la tête de la tribu juive des Djerouas implantée dans les Aurès (à l'est de l'actuelle Algérie) elle parvint à associer plusieurs tribus indigènes juives et chrétiennes.
Massinissa (238 - 148 av. J.-C.) est le premier roi de Numidie. Il commença son règne en tant que chef tribal, et combattit la première fois au côté de Carthage en Espagne ; sa cavalerie contribua en 211 à la défaite des deux armées romaines d'Espagne sous les ordres de Publius Cornelius Scipio et Gnaeus Cornelius Scipion Calvus.
Jugurtha est un roi de Numidie né vers 160 av. J.-C., mort vers 104 avant J.-C. Il est connu pour avoir lutté contre Rome entre 111 et 105.

Temps modernes

Période coloniale
Lalla Fatma N'Soumer, résistante contre l'armée coloniale française à l'ouest de la Kabylie, décédée en 1863.
Cheikh Mohamed El Mokrani, chef de la "révolte des Mokrani" en 1871.
Cheikh El Haddad, soutient la résistance de Cheikh El Mokrani, mort en 1873.
Abdelhamid Ben Badis, Président de l'Association des Oulémas musulmans algériens.

Guerre Indépendance
Ferhat Abbas, auteur du Manifeste du peuple algérien, président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Hocine Aït Ahmed, un des neuf chefs historiques de la révolution.
Colonel Amirouche, militant nationaliste algérien, tué par les troupes françaises en 1959.
Larbi Ben M'hidi, un des neuf chefs historiques de la révolution, assassiné en 1957.
Krim Belkacem, un des neuf chefs historiques de la révolution, assassiné en 1970.
Ahmed Boumendjel, militant nationaliste algérien.
Saïd Mohammedi, chef militaire de la wilaya III Kabylie.
Didouche Mourad, un des neuf chefs historiques de la révolution, mort au combat en 1955.
Amar Ouamrane, chef militaire de la wilaya IV Algérois (1967).
Abane Ramdane, militant nationaliste algérien, assassiné en 1957.
Slimane Dehiles "Colonel SADEK", chef militaire de la wilaya IV Algérois (1957-1959).



Politiques
Hocine Aït Ahmed, secrétaire général du parti FFS (Front des Forces Socialistes).
Sidi Saïd, président du syndicat algérien des travailleurs: UGTA
Khalida Toumi, femme politique algérienne, actuellement porte-parole du gouvernement.
Ahmed Ouyahia, Chef du gouvernement algérien
Ferhat Mehenni, homme politique et chanteur, porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie MAK.
Nordine Ait Hamouda, homme politique et fils du colonel Amirouche.
Kasdi Merbah, ancien chef des renseignements et ancien Premier Minsitre
Rachid Kaci, candidat à la présidence de l'UMP, France
Saïd Saadi, secrétaire général du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD)
Krim Belkacem, Vice président du GPRA
Saïd Mohammedi, homme politique.

Chercheurs
Souad Abbas, sociologue-anthropologue, spécialiste des Aurès.
Salem Chaker, professeur de berbère à l'INALCO
Idir Cherief, chercheur en Économie
Daho Djerbal, historien et écrivain
Abdelmalek Sayad, sociologue, directeur de recherche au CNRS.

Artistes
Peintres et graphistes
Marzouk Amechtouhnagh, artiste
Baya, peintre
Ali Dilem, caricaturiste, TV5, la Liberté.
M'hamed Issiakhem, peintre
Hamid Tibouchi, peintre et poète

Comédiens
Mohand Said Fellag, comique, acteur et écrivain
Daniel Prévost, acteur et comédien.
Isabelle Adjani, actrice.
Dany Boon, acteur, comédien.
Isild Le Besco, comédienne
Maïwen Le Besco, comédienne
Malik Zidi, comédien

Chanteurs et musiciens

Chaâbi
Hadj M’hamed El Anka, le grand maître du chaâbi.
Dahmane El Harrachi, chanteur.
Cheikh El-Hasnaoui, chanteur.
Lounès Khaloui, chanteur de chaâbi kabyle.

Musique kabyle
Abdelli, auteur chanteur compositeur.
Said Afaroudj, chanteur.
Lounis Aït Menguellet, chanteur.
Djamel Allam, chanteur et musicien.
Rabah Asma, chanteur.
Slimane Azem, chanteur.
Massa Bouchafa, chanteuse.
Cherifa, chanteuse et poète.
Akli Dehlis, chanteur.
Djurdjura, groupe de musique traditionnelle (Djouhra Abouda, Fatima et Malha).
Farid Gaya, chanteur.
Idir, chanteur, de son vrai nom Hamid Cheriet. Connu pour Avava Inouva.
Brahim Izri, chanteur.
Cherif Kheddam, chanteur et musicien.
Matoub Lounès, chanteur, revendiquant son identité kabyle, auteur de 120 chansons. Assassiné le 25 juin 1998. A écrit Le Rebelle.
Ferhat Mehenni, musicien.
Noureddine Meziane, dit Cheikh Noureddine, acteur, chanteur.
Amirouche Nait-Chabane, chanteur.
Takfarinas, chanteur.
Akli Yahiatène, chanteur.
 
Musique arabo-andalouse
Souad Massi, chanteuse.
 
Musique Raï
Houari Dauphin, chanteur
 
Rap/Rock
Les Abranis, groupe de rock (Karim Abranis, Sid Mohand Tahar, Shamy Elbaz, Chemini Abdelkader).
K-mel, chanteur de rap du groupe Alliance ethnique.
LIM, rappeur.
Rim-K, chanteur de rap du groupe 113.
Sinik, rappeur.
 
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Juliette, chanteuse.
Marcel Mouloudji, poète et chanteur.
Edith Piaf, chanteuse.
 
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Jean Amrouche, écrivain, poète, chanteur.
Taos Amrouche, poétesse, chanteuse.
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Ali Dilem, Caricaturiste au journal liberté
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21 septembre 2008 7 21 /09 /septembre /2008 00:00

Jugurtha : un roi berbère en guerre contre Rome

Par Mounir Bouchenaki conservateur en chef au Service des Antiquités, Tipasa (Algérie) (dans « Les Africains », Tome 4, sous la direction de Charles-André Julien et Magali Morsy, Catherine Coquery-Vidrovitch, Yves Person, Éditions J.A, Paris, 1977.

La figure de Jugurtha rappelle à tout Africain la lutte d’un chef numide contre la pénétration romaine à la fin du IIe siècle avant l’ère chrétienne. Mais qu’est-ce que l’Afrique pour Rome, à cette période ? S’il est assez facile de parler de Rome à la fin du IIe siècle avant Jésus-Christ, il est beaucoup plus compliqué, en revanche, de fournir des renseignements sur l’Afrique où pourtant Rome avait eu des visées expansionnistes dès le début de cette guerre de cent ans de l’Antiquité, plus connue sous le nom des « trois Guerres puniques ». Entre la date de 146 avant Jésus-Christ qui marque la fin de Carthage et les différents épisodes de la guerre dite de Jugurtha, entre 111 et 105 avant Jésus-Christ, s’ouvre une nouvelle phase de l’histoire de l’Afrique ou la figure dominante, succédant au célèbre Massinissa, est sans conteste celle de Jugurtha.

Pourtant, et comme pour une grande partie de l’histoire de cette période, les données manquent et si ce n’était l’oeuvre de l’historien latin Salluste [1], connue sous le nom de « Guerre de Jugurtha », nous n’aurions que très peu de choses à en dire. Les sources de notre connaissance du personnage sont en effet très limitées. L’oeuvre maîtresse dans laquelle tous les historiens puisent des renseignements sur Jugurtha reste donc le Bellum Jugurthinum. À côté de cet ouvrage ne subsistent que quelques fragments, notamment dans Diodore de Sicile ou dans l’Histoire romaine de Tite-Live, dans laquelle les événements ayant trait à la guerre de Jugurtha se trouvent réduits à de simples et brèves mentions.

Salluste a écrit la « Guerre de Jugurtha » vers les années 42-40 avant Jésus Christ, alors qu’il était âgé de quarante-six ans environ et qu’il s’était retiré de la vie politique après son dernier poste de proconsul dans la toute dernière province que Rome venait d’annexer : l’Africa Nova [2].

Les limites du nouveau territoire, dont la capitale était soit Zama, soit Cirta Nova Sicca (Le Kef), demeuraient imprécises au sud. Du côté est, la limite suivait la frontière de l’Africa Vetus, le fossé de Scipion ou Fossa Regia, depuis l’Oued-el-Kebir, près de Tabarka, jusqu’à l’entrée de la petite Syrte, à côté de la ville de Thaenae (Henchir Thyna près de Sfax).

Du côté occidental la nouvelle province était bordée par un territoire donné à Sittius, un lieutenant de César. Il semble que la limite entre l’Africa Nova et le territoire de Sittius partait d’un point situé sur la côte entre Hippo Regius (Annaba) et Rusicade (Skikda), passait à l’ouest de Calama (Guelma) et se poursuivait vers le sud-ouest.

Salluste a donc eu à exercer une responsabilité sur ce territoire pendant plus d’un an et demi. Lorsqu’il en parle, à propos de la guerre de Jugurtha, on peut supposer qu’il a une certaine familiarité avec le pays, même si ça et là on note quelques erreurs. Cependant un certain nombre de questions se posent à propos du sujet qu’il a choisi de traiter alors que près de soixante-dix ans s’étaient écoulés depuis la fin de la guerre et qu’il n’a pu, par conséquent, utiliser des témoignages oraux.

L’auteur a-t-il étudié consciencieusement son sujet, a-t-il su et voulu dire la vérité ? Pour répondre, il faudrait savoir où Salluste a puisé ses sources et dans quel esprit il a mis en oeuvre les renseignements qu’il avait recueillis.

En ce qui concerne les sources utilisées, Salluste rapporte lui-même qu’il s’était fait traduire les livres du roi numide Hiempsal écrits en punique [3]. Pour les sources grecques ou latines de Salluste, nous n’avons aucune indication. On suppose seulement qu’il a pu s’inspirer de certains annalistes, tels Sempronius Asellio, d’historiens latins, comme Cornelius Sisenna, ou encore d’historiens grecs, tel le célèbre Posidonius d’Apamée.

Le problème, on le voit, est assez complexe quand il s’agit d’étudier un personnage aussi important à son époque que fut Jugurtha, avec pratiquement une seule et unique source. Il est alors permis de se demander quel degré de confiance l’on peut accorder au récit de Salluste sur les événements au cours desquels s’est illustré Jugurtha.

Jugurtha, petit-fils de Massinissa

Salluste entreprend son récit, comme dans une pièce dramatique, en nous présentant les personnages et les protagonistes du drame qui va se jouer en grande partie sur la terre africaine. Il met l’accent, dès le départ, sur le problème fondamental qui est, à ses yeux, la trahison du parti de la noblesse à Rome, qui n’a que « mépris pour la vertu et la chose publique ». Avant d’en arriver au personnage qui s’opposera à Rome, entre 118 et 105 avant Jésus-Christ, Salluste fait un bref rappel de la situation antérieure :

« J’entreprends d’écrire l’histoire de la guerre que le peuple romain a faite à Jugurtha, roi des Numides. D’abord, parce qu’elle a été cruelle, sanglante, marquée par bien des vicissitudes. Ensuite parce qu’elle est devenue le point de départ de la lutte contre la tyrannie des nobles, lutte qui a bouleversé toutes choses divines et humaines et mis un tel délire dans les esprits que seuls la guerre et le ravage de toute l’Italie ont pu mettre fin à ces fureurs civiles. Mais avant d’en aborder le récit, je résumerai en quelques mots les faits antérieurs pour rendre cette histoire plus claire.

Lors de la seconde Guerre punique, dans laquelle le chef des Carthaginois, Hannibal, avait porté à l’Italie le plus rude des coups qu’elle avait eu à subir depuis l’établissement de la puissance romaine, Massinissa, roi des Numides, admis à notre alliance par Publius Scipion que ses exploits avaient fait surnommer l’Africain, s’était signalé par des faits d’armes multiples et brillants. Le peuple romain l’en récompensa après la défaite des Carthaginois et la capture de Syphax, souverain d’un vaste et puissant empire africain, en lui faisant don de toutes les villes et de toutes les terres qu’il avait conquises. Aussi Massinissa nous garda-t-il toujours une amitié fidèle et indéfectible. Mais son règne finit avec sa vie. Son fils Micipsa fut seul à lui succéder, la maladie ayant emporté ses frères Mastanabal et Gulussa. Micipsa fut père d’Adherbal et de Hiempsal. Il recueillit dans son palais le fils de son frère Mastanabal, Jugurtha, laissé par Massinissa dans une condition inférieure parce qu’il était né d’une concubine, et lui donna la même éducation qu’à ses propres enfants. » (Bellum Jugurthinum, V).

En aidant à la reconstitution du grand royaume de Numidie (fig. 2), Scipion l’Africain désirait non seulement récompenser Massinissa pour l’aide qu’il avait apportée à Rome dans sa lutte contre Carthage, mais encore l’entraîner dans une situation de vassalité qu’il lui aurait été difficile de secouer. Massinissa termine sa vie [4] par une sorte d’aveu d’impuissance puisqu’en 148 il fait appeler, pour régler sa succession, le petit-fils adoptif de Scipion l’Africain qui conduit le siège devant Carthage.

Les attributions royales furent partagées entre ses trois fils légitimes : Micipsa reçut l’administration du royaume, Gulussa l’armée, et Mastanabal la justice. Notons à ce sujet qu’une stèle punique datant de 148, découverte à Constantine, dans le quartier d’EI-Hofra, mentionne les trois rois sans différence dans les prérogatives.

Gulussa et Mastanabal moururent peu de temps après leur père et Micipsa resta seul roi (en libyque, on disait aguellid). Son long règne (148-118) ne fut pas marqué par d’importants événements. À l’égard de Rome, il se conduisit en fidèle allié, mettant à sa disposition une aide humaine et matérielle chaque fois qu’elle était demandée, notamment en Espagne contre Viriathe et les Lusitaniens et durant le siège de Numance par Scipion Émilien en 134. Il ne posait donc aucun problème aux Romains qui s’étaient installés, après la destruction de Carthage en 146, sur le territoire de l’ancienne puissance voisine de la Numidie (voir carte).

Il semble même avoir facilité l’implantation de commerçants, mais aussi de trafiquants romains à Cirta (Constantine) et dans la Numidie. À la fin de sa vie, et comme lors de la succession de Massinissa, probablement sous l’influence romaine, il a dû penser à celui qui prendrait la relève et assumerait le pouvoir, tout en restant en bons termes avec les Romains qui administraient la province Africa [5].

Micipsa avait deux fils légitimes, Adherbal et Hiempsal, à qui il aurait souhaité réserver la succession tout entière, écartant ainsi les autres prétendants de la famille de Massinissa (voir le tableau généalogique de la dynastie massyle de Numidie). Mais il dut prendre une autre décision.

Son frère Mastanabal avait eu également deux enfants, Gauda, né d’une épouse légitime, et Jugurtha, issu d’une concubine et normalement « non qualifié pour accéder au trône ». Gauda ne semble avoir été retenu qu’en seconde position pour la succession car « c’était, selon Saluste, un homme rongé de maladies qui avaient quelque peu diminué son intelligence » [6]. Il n’en régna pas moins à partir de 105 avant Jésus-Christ.

Salluste à tenté d’expliquer alors les raisons qui amenèrent Micipsa à adopter Jugurtha. Il lui fait dire, en effet, sur son lit de mort : « Tu n’étais qu’un petit enfant, Jugurtha ; ton père était mort, et t’avait laissé sans avenir et sans ressource. Alors moi, je t’ai reçu dans la famille royale ; j’ai fait cela dans la pensée que ces bienfaits me voudraient de ta part une affection égale à celle qu’auraient pour moi mes propres enfants, si je venais à en avoir ». [7]

Cette légitimation a dû intervenir alors que Jugurtha n’avait qu’une dizaine d’années, vers 143 avant Jésus-Christ, avant même que naissent Adherbal et Hiempsal.

Par quelques phrases suggestives, Salluste nous a dépeint la jeunesse de Jugurtha, et sa rapide ascension au milieu de son entourage. Ses qualités physiques et sa personnalité rappellent celles de son grand-père Massinissa.

« Des sa première jeunesse, Jugurtha s’était fait remarquer par sa vigueur, par sa belle prestance et, surtout, par son intelligence. Il ne se laissait pas corrompre par le luxe et par l’oisiveté, mais comme c’est l’usage dans son pays, montait à cheval, lançait le javelot, disputait le prix de la course aux garçons de son âge et, tout en se montrant supérieur à tous, se faisait aimer de tous. Il consacrait, en outre, une grande partie de son temps à la chasse et était toujours le premier, ou parmi les premiers, à s’attaquer à des lions et autres bêtes féroces. Nul n’agissait plus que lui et nul ne parlait moins de ses propres actions. » (Bellum Jugurthinum, VI).

Il devint populaire parmi les tribus numides ce qui ne manqua pas d’inquiéter le vieux roi Micipsa, enfin père de deux garçons. « Mais n’osant pas le faire périr, par crainte d’une révolte de ses sujets, il l’aurait envoyé devant Numance, avec l’espoir qu’il s’y ferait tuer, victime de sa bravoure. » [8]

Jugurtha a donc quitté la capitale, Cirta, au cours de l’année 134 et s’est rendu en Espagne, à la tête de cavaliers numides, pour aider les troupes romaines qui assiégeaient Numance [9]. Il se fit remarquer aussi bien par les Romains que par les troupes adverses. Salluste lui-même reconnaît « qu’il était à la fois intrépide dans les combats et sage dans le conseil, qualités qui vont rarement de pair... Il en résulta que Scipion prit l’habitude de charger Jugurtha de toutes les entreprises dangereuses » [10]...

Dans son récit, Salluste laisse entendre qu’à ce moment-là déjà Jugurtha aurait été encourage par certains amis romains à revendiquer le trône numide. Dans l’interprétation faite par Charles Saumagne de ce texte assez énigmatique, où l’on annonce déjà « qu’à Rome tout était à vendre », il faudrait voir un avertissement à Jugurtha [11] : « Jugurtha devra savoir que c’est du peuple (romain), et non de la complaisance des nobles, qu’il pourra obtenir la puissance royale... Que Jugurtha ne s’écarte pas de la ligne que lui trace cette sorte d’investiture officieuse ; qu’il se pénètre tout de suite du principe que le peuple romain est bien le maître de disposer du trône de Numidie, et ce trône s’offrira comme de lui-même à ses ambitions. »

Il nous semble que cette vision de la Numidie pratiquement terre romaine est quelque peu extrapolée et qu’une confiance démesurée est accordée au texte de Salluste. N’oublions pas qu’il était romain, qu’il avait été gouverneur d’une province romaine en Afrique, et qu’il n’avait pas le souci d’objectivité d’un historien moderne. Aussi les explications de Salluste sont-elles à prendre avec beaucoup de précaution surtout en ce qui concerne ce problème de succession, « car Micipsa aurait pu, s’il l’avait voulu, se débarrasser facilement de Jugurtha, avant même de l’envoyer à Numance » [12].

Toujours est-il qu’après la prise de Numance, à laquelle les contingents numides contribuèrent grandement, Scipion Émilien fit les louanges de Jugurtha devant toute l’armée et lui remit une lettre pour Micipsa rédigée à peu près dans ces termes : « Ton Jugurtha a fait preuve de la plus grande vaillance dans la guerre de Numance. Je suis sûr que tu t’en réjouiras... Tu as là un homme digne de toi et de son grand-père Massinissa » [13].

Le jeune prince, déjà auréole de gloire, fut alors adopté par Micipsa. Les talents militaires du fils de Mastanabal avaient probablement incité le roi à prévoir une répartition des charges entre ses deux enfants et son neveu, à l’image de ce qui avait été fait entre ses deux frères et lui-même.

Lorsque survint la mort de Micipsa, en 118, les trois héritiers se sont réunis pour établir leur part respective de la royauté. Mais ce fut tout de suite objet de litige et aucun accord ne put être enregistré. Ainsi les précautions prises par Micipsa auront été vaines.

Cette affaire de succession ouverte aux portes de Rome, aux frontières de la province d’Afrique, n’a certainement pas laissé insensibles les dirigeants romains. On peut même supposer, Salluste ne le dit pas, que l’un des deux consuls de l’année 118, M. Porcius Caton, mort la même année en Afrique, a dû être dépêché auprès des trois rois numides pour appuyer une solution favorable à Rome.

Effectivement, Adherbal, Hiempsal et Jugurtha ne pouvant s’entendre, renoncent à toute association et décident de faire le partage du trésor, puis du royaume. Au cours du laps de temps qui sépara la première conférence des trois princes et le moment où ils fixèrent la date pour le partage du trésor et du royaume, Jugurtha allait profiter de la situation. Il fit assassiner Hiempsal, dans une des villes du royaume, Thirmida. Ce geste eut pour conséquence de diviser les Numides en deux camps, l’un pour Adherbal, et le second constitué surtout par l’élite militaire favorable à Jugurtha.

Comme l’on peut s’y attendre, le texte de Salluste flétrit le geste de Jugurtha et favorise, par contre, un sentiment de pitié à l’égard d’Adherbal qui fait d’abord appel au Sénat romain puis « se fiant à la supériorité numérique de ses troupes, va tenter la fortune des armes ».[14] À peine le combat engage, Adherbal fut battu par Jugurtha. Il chercha alors refuge dans la province romaine de l’Africa, et de là partit pour Rome.

À l’incohérence de la conduite d’Adherbal qui, après avoir procédé par la voie juridique avec un appel porté devant le Sénat, a recours aux armes par la suite, s’oppose la fermeté de l’attitude de Jugurtha à qui la division de la Numidie en trois ne pouvait convenir. Le problème qui est soumis à l’attention du Sénat romain va voir se développer les deux thèses en présence. La première, illustrée par le roi Adherbal soulignait le fait que la Numidie était « chose romaine » et que le « roi » (ou aguellid) n’en était que le régisseur. Il se faisait ainsi le porte-parole d’une tendance favorable à l’introduction de la Numidie dans la propriété de Rome.

La seconde était brièvement exposée par les envoyés de Jugurtha qui, selon Salluste, étaient chargés de présents pour les sénateurs : « ...Des problèmes ont surgi dans le royaume numide où Jugurtha doit être jugé selon ses actes. Or, vous l’avez eu comme ami et allié à Numance. » Il n’est pas question ici d’une quelconque allégeance à l’égard de Rome. Jugurtha accepta cependant l’arbitrage d’une commission de dix personnes qui présida au partage du royaume. Toujours selon Salluste, Jugurtha reçut la partie de la Numidie « la plus fertile et la plus peuplée » qui touchait à la Maurétanie, tandis qu’Adherbal « eut celle qui, tout en comptant plus de ports et de belles constructions, avait moins de ressources naturelles que d’apparence. » [15]

Ceci se passait en 117 avant Jésus-Christ, un an à peine après la mort de Micipsa. Dans le récit de Salluste, on assiste alors à une pause. L’auteur esquisse légèrement l’aspect général et la physionomie de l’Afrique. En même temps, il indique quels peuples l’habitaient à l’origine, quelles migrations successives s’y étaient développées, et enfin quel était l’état politique de ce territoire au moment où commence la guerre de Jugurtha :

« Au temps de la guerre de Jugurtha, la plupart des villes puniques étaient administrées au nom du peuple romain, par des magistrats romains. Une grande partie du pays des Gétules et la Numidie jusqu’au fleuve Muluccha étaient sous la domination de Jugurtha. Les Maures obéissaient au roi Bocchus qui ne connaissait des Romains que le nom et qui ne nous était connu ni comme ennemi ni comme allié. » [16]

Ce qui semble sûr, c’est qu’à Rome, l’habitude était prise d’appeler Numidie la vaste contrée qui s’étendait depuis le territoire de Carthage jusqu’au fleuve Muluccha (Moulouya) et Maurétanie, le pays le plus lointain compris entre la Muluccha et l’Atlantique. La Numidie était un peu mieux connue puisqu’on savait qu’elle était partagée entre deux grandes tribus, ou plutôt confédération de tribus, qui dominaient sur toutes les autres : à l’ouest, celle des Masaesyles qui obéirent, entre autres au célèbre roi Syphax et eurent pour capitale Siga, à l’embouchure de la Tafna ; à l’est, celle des Massyles, avec leur chef, célèbre rival de Syphax, l’aguellid Massinissa, autour de la capitale Cirta (actuelle Constantine) (fig. 2).

Après une trêve de quatre années sur laquelle Salluste n’apporte aucune information, Jugurtha, qui ne s’était pas résigné au partage de la Numidie, prit en 113 l’initiative des opérations et s’attaqua au royaume d’Adherbal qui avait Cirta pour capitale.

Bien entendu, Salluste nous présente, dans sa conception manichéenne du monde, le « méchant » Jugurtha face à un Adherbal paisible et pacifique qui ne désirait même pas répondre par la brutalité, sauf s’il y était contraint. Adherbal se contentait d’appeler au secours ses protecteurs romains. Des ambassades furent envoyées, l’une après l’autre, sans succès aucun. Jugurtha tenait ferme et continuait le siège de Cirta.

C’étaient des Romains et des Italiotes (Togati et Italici) pratiquant le commerce dans les États d’Adherbal, et ayant établi leur centre d’affaires à Cirta, qui avaient protégé la retraite du roi et interdit les portes de la ville à ceux qui les talonnaient. Ils avaient monté la garde aux remparts. On imagine bien que cette attitude des Italiens présents à Cirta n’était dictée que par le désir de conserver leurs intérêts avec un roi à leur merci, plutôt que de se livrer à un Jugurtha qui ne leur aurait pas permis les même facilités.

Diodore de Sicile suit, en la dramatisant encore plus, la version de Salluste pour cet épisode qui fut le casus belli qu’attendaient les ennemis de Jugurtha à Rome :

« Dans une bataille que se livrèrent en Libye les deux rois et frères Adherbal et Jugurtha, ce dernier remporta la victoire, et fit mordre la poussière à un grand nombre de Numides. Adherbal, qui s’était réfugié à Cirta, assiégé dans cette place, envoya des députés à Rome pour réclamer son appui, et prier qu’on n’abandonnât pas, dans un péril si pressant, un roi et un allié fidèle. Le Sénat accueillit cette demande et fit partir des commissaires chargés d’ordonner la levée du siège ; mais Jugurtha n’ayant pas obéi à cette première injonction, les Romains envoyèrent de nouveaux députés pris dans un rang plus élevé que les premiers : ils ne réussirent pas mieux, et revinrent à Rome sans avoir rien obtenu. Cependant Jugurtha avait fait entourer la ville d’un fossé et cherchait par tous les moyens de réduire la place. Dans cette extrémité, son frère Adherbal même vint à la rencontre du vainqueur, offrit de lui céder la royauté et se borna à demander la vie ; mais Jugurtha, sans respecter ni les liens du sang, ni les saintes lois qui protègent les suppliants, fit sans pitié égorger Adherbal, et ordonna en même temps le supplice de quelques Italiens qui avaient suivi le parti de son frère, et qu’il fit périr dans les tourments. » (Diodore de Sicile, Fragments).

En prenant Cirta, Jugurtha venait de reconstituer l’unité du royaume de Numidie. Ce faisant, il n’ignorait pas qu’il se heurterait à l’hostilité de Rome, surtout à la suite du massacre des négociants et trafiquants romains. Mais sa volonté d’unifier la Numidie fut telle qu’il n’hésita pas à payer d’audace.

Jugurtha en lutte contre Rome

À Rome, ce fut « l’union sacrée » contre Jugurtha. L’un des tribuns récemment élus au cours de l’année 112, Caius Memmius, enflamma l’assemblée par ses harangues belliqueuses. Il faisait certainement partie d’un groupe de financiers solidaires des négociants d’Afrique.

Talonné par la propagande de Caius Memmius, le Sénat fut contraint de prendre position dès l’automne de l’année 112 en créant une « province de Numidie », désignant ainsi le territoire de Jugurtha comme champ de prochaines batailles. Le sort chargea le nouveau consul pour l’année 111, Lucius Calpurnius Bestia, d’y mener la campagne pour laquelle une armée fut levée et des crédits alloués.

Cette décision surprit fortement Jugurtha, nous rapporte Salluste [17]. Mais « cette guerre, beaucoup de Romains clairvoyants ont voulu et voudraient l’éviter, souligne Gsell ; ils n’ont pas besoin de l’or de Jugurtha pour comprendre qu’elle est inopportune et qu’elle sera très dure... On sait, depuis le temps d’Hannibal, que ces barbares d’Afrique ne sont pas des ennemis à dédaigner. » [18]

Lorsque les armées romaines, sous la direction de Calpurnius Bestia et d’Aemilius Scaurus débarquèrent en Afrique, Jugurtha les laissa pénétrer quelque peu en territoire numide puis il leur proposa une trêve, « en achetant les chefs », nous dit Salluste. Et, poursuit l’auteur, « dans la Numidie, comme dans notre armée, ce fut la paix ». L’année 111 fut donc assez favorable à Jugurtha qui évitait ainsi à son pays les difficultés d’une guerre à outrance. Mais l’opinion publique romaine, manipulée par les financiers, n’acceptait pas ce trop rapide dénouement et exigeait le châtiment des nobles qui s’étaient, parait-il, laissé corrompre par l’or numide.

Encore une fois le tribun Memmius souleva l’indignation du parti populaire et exigea du Sénat de faire témoigner Jugurtha lui-même contre la vénalité des nobles : « Qu’ils soient poursuivis par la justice, dénoncés par Jugurtha lui-même ! » [19]

Pour Jugurtha qui semblait connaître assez bien les méandres de la politique romaine, il n’était plus question de remettre en cause une paix qu’il avait signée avec le consul romain et un prince du Sénat. Aussi accepta-t-il de se rendre à Rome au début du mois de décembre 111.

Les commentateurs de Salluste expliquent différemment l’attitude de Jugurtha au procès des nobles. Pour Saumagne, Jugurtha va nouer des relations avec le parti populaire et, tournant le dos à une noblesse incapable de maîtriser l’irréversible mouvement des forces plébéiennes, il est conduit à devenir l’animateur et l’informateur de cette « conjuration jugurthine »... mais lui-même deviendra à son tour victime de sa propre cabale [20].

C’est ainsi qu’on explique son attitude devant l’Assemblée du peuple où il se tut comme le lui avait demandé le tribun Baebius, acheté lui aussi, selon Salluste, à prix d’or.

Pour Gsell, au contraire, « il n’est pas moins vrai qu’un honnête homme eut pu trouver légitime d’agir comme lui (Baebius) car rien n’était plus humiliant pour la République que cette scène théâtrale où un barbare, qui s’était joué de Rome et souillé de sang italien, était appelé à jeter le déshonneur sur les personnages les plus considérables de l’État. » [21]

En fait, reconnaît Saumagne, le récit de cette première partie de la guerre de Jugurtha sent l’enflure et l’artifice. On y flaire un parti pris d’excitation à froid qui ne parvient pas même à communiquer sa fausse chaleur [22]...

Jugurtha semble avoir séjourné plusieurs semaines à Rome. La fin de l’année 111 marque en effet la désignation de deux nouveaux consuls, tandis que le roi numide est toujours présent à Rome. L’un des deux consuls, Spurius Postumius Albinus, avait tenté d’apporter une solution au problème de la Numidie en suscitant un rival à Jugurtha. L’homme « providentiel » était justement à la disposition des Romains, mais Salluste n’en parle qu’à cette occasion : « Il y avait alors à Rome un Numide du nom de Massiva, fils de Gulussa, et petit-fils de Massinissa. Il s’était déclaré contre Jugurtha lors de la querelle des princes et, après la réddition de Cirta et le meurtre d’Adherbal, avait du quitter en fugitif sa patrie. Spurius Albinus qui, avec Quintus Minucius Rufus, avait succédé à Bestia dans le consulat, s’adressa à cet homme et l’engagea, puisqu’il descendait de Massinissa, à profiter de la haine et de la terreur qu’avaient inspirées les crimes de Jugurtha, pour demander au Sénat de le reconnaître pour roi de Numidie. » [23]

Mais Jugurtha, grâce aux amitiés qu’il avait à Rome, avait été mis au courant de cette nouvelle offensive destinée à le destituer du trône de Numidie. Il eut l’audace, selon Salluste, de faire assassiner Massiva à Rome même. Puis il quitta la ville en prononçant sa fameuse phrase : « Ville à vendre ! Que tu périras vite si tu trouves un acheteur ! »

La guerre va reprendre au début de l’année 110. Jugurtha va tenir tête aux troupes dirigées par le consul Spurius Albinus, en multipliant les manoeuvres de diversion et en appliquant une stratégie qui réussissait d’autant mieux qu’il connaissait parfaitement l’armée adverse. L’aguellid devait savoir également que le consul était pressé et qu’il devait rentrer à Rome avant la fin de l’automne pour des raisons politiques. Spurius Albinus finit par laisser son frère Aulus à la tête de l’armée qui avait pris ses quartiers d’hiver, dans la province Africa, aux frontières de la Numidie. Ce dernier, voyant que son frère tardait à revenir de Rome, et rêvant d’une victoire facile, se mit à menacer Jugurtha de la puissance de son armée.

Il entreprit alors, en plein hiver, le siège de Suthul, lieu nous dit Salluste, où était déposé le trésor du roi numide. On a cherché à identifier, mais sans preuve, Suthul avec Calama (Guelma). Par une habile manœuvre, Jugurtha réussit à l’entraîner, puis à l’encercler avec ses troupes et remporter ainsi une grande victoire sur l’armée romaine.

« Le lendemain, Jugurtha eut une entrevue avec Aulus. Bien qu’il le tienne enfermé avec son armée, bien qu’il ne dépende que de lui de l’exterminer par le fer ou par la faim, il est prêt à prendre en considération l’instabilité des choses humaines. Si Aulus est dispose à traiter il ne fera que le passer sous le joug, lui et les siens, après quoi ils pourront s’en aller où bon leur semble. Mais Aulus aura dix jours pour quitter la Numidie... La nouvelle de ces événements plongea Rome dans la douleur et dans l’angoisse. » [24]

Ainsi Jugurtha prenait-il sa revanche en humiliant Rome et en lui imposant sa paix. C’est alors qu’éclata la suite de cette singulière aventure au cours de laquelle Jugurtha continua à s’illustrer comme le champion d’une Numidie libre.

Ce fut d’abord le frère aîné d’Aulus, Spurius Albinus qui, repoussant le traité signé, et voulant effacer la honte de la défaite, s’embarqua pour l’Afrique, mais devant ses troupes démoralisées et indisciplinées « tira la conclusion qu’il ne lui restait plus rien à faire ».

À ce moment-là, Salluste fait apparaître un nouveau personnage, Quintus Caecilius Metellus, élu consul pour l’année 109 et chargé de conduire la guerrecontre Jugurtha. Il se fait accompagner par deux légats, Publius Rutilius Rufus et Caius Marius que Jugurtha avait rencontrés au cours du siège de Numance, vingt-cinq ans plus tôt. Les adversaires se connaissaient donc bien, et les dispositions prises montrent à quel point les Romains craignaient le roi des Numides :

« Jugurtha était, en effet, si fécond en ruses, il avait une telle connaissance du pays, une expérience militaire si grande, qu’on ne savait ce qu’il fallait redouter le plus : son absence ou sa présence, ses offres de paix ou de combat. » [25]

Les différents épisodes qui ont marqué la lutte que Jugurtha soutint contre Metellus et ses lieutenants sont parmi les plus commentés mais aussi les plus controversés du texte de Salluste. Les historiens modernes ont, en effet, tenté, chaque fois que cela était possible, d’identifier les sites où eurent lieu des combats en suivant le texte de Salluste et, en les plaçant ainsi sur une carte, de reconstituer le déroulement de ce qu’on qualifie communément de campagnes de Metellus.

À suivre de si près le texte de Salluste, qui n’était pas un géographe, loin s’en faut, on risque de tomber dans certaines exagérations, notamment celle des auteurs du « problème de Cirta » qui proposent de revoir toute la géographie politique de l’Afrique ancienne, en remplaçant par exemple Cirta (Constantine), capitale de la Numidie par Cirta Nova Sicca (Le Kef), et en réduisant le théâtre des opérations de la guerre contre Jugurtha à une partie seulement de l’actuelle Tunisie [26]. Or, les distances comme la durée et l’importance des opérations ne sont pas toujours données avec exactitude par Salluste qui se contente souvent d’allusions. Gsell écrivait déjà, dans son Histoire ancienne de l’Afrique du Nord [27] : « En telle matière, Salluste ne se pique pas de la précision et de l’exactitude rigoureuse du grand historien grec Thucydide. Aussi, nous est-il assez malaisé de rétablir la suite chronologique des faits qui nous sont présentes, et impossible de reconstituer l’ensemble des opérations militaires, en les plaçant dans leur milieu géographique. D’autres textes nous permettent de constater l’omission par Salluste d’un événement qui nous parait fort important : la perte de Cirta, dont Metellus s’était emparé en 108, et qui en 106 n’appartenait plus aux Romains. »

Les campagnes de Metellus se sont déroulées au cours des années 109 et 108 avant Jésus-Christ. Encore une fois, Jugurtha va avoir à mobiliser l’énergie et les ressources de la Numidie pour affronter un ennemi dont les troupes ont été grossies et réorganisées. Celles-ci pénètrent en Numidie et occupent la place de Vaga (Beja) qui était un important marché agricole.

La première bataille s’est déroulé, non loin de la, près du fleuve Muthul, dont l’identification a une grande importance (l’Oued Mellegue d’après Gsell, l’Oued Tessa, d’après les travaux de Saumagne).

Jugurtha, sans abandonner les méthodes de guérilla qu’il avait commencé d’appliquer contre l’armée romaine, a tenté cependant, durant l’été 109, une opération de grande envergure au cours de laquelle Salluste nous le montre en train d’exhorter ses troupes et les encourager à défendre leur pays :

« Ensuite, il se mit à parcourir, un à un, escadrons et manipules, les exhortant, les conjurant de se souvenir de leur glorieux passé et de leur récente victoire, et de défendre leur pays et leur roi contre la rapacité des Romains : »Ceux qu’ils vont combattre, une fois déjà ils les ont vaincus et fait passer sous le joug. En changeant de chef ils n’ont pas changé d’âme. Tout ce qu’un général doit faire pour assurer à ses troupes les meilleures conditions de combat, il l’a fait. Ils ont l’avantage du terrain. Ils sont exercés au combat, l’ennemi ne l’est pas ; et ils ne lui sont pas inférieurs en nombre. Qu’ils se tiennent donc prêts et résolus pour fondre sur les Romains au premier signal. Le jour est venu qui va voir soit le couronnement de tous leurs efforts et toutes leurs victoires, soit le commencement de leur ruine.« Il trouve un mot pour chaque combattant. Quand il reconnaît un soldat qui a reçu de lui une récompense, il lui rappelle cette faveur et le donne en exemple aux autres. Selon le caractère de chacun, il promet, menace, supplie, bref, use de tous les moyens pour exciter leur courage. » [28]

Ainsi, en véritable chef militaire, Jugurtha déployait-il une activité inlassable. On retrouvera ce trait de caractère tout au long de sa résistance.

« Jugurtha ne reste pas inactif. On le trouve partout. Partout il exhorte ses soldats. Il recommence le combat. Toujours à la tête des siens, tantôt il vole à leur secours, tantôt il attaque ceux des nôtres qui fléchissent, tantôt il combat de loin ceux qui tiennent ferme. » [29]

Les Romains décidèrent alors d’employer une autre tactique, celle de la terre brûlée, car Jugurtha demeurait irréductible. Mais le roi s’en tenait à la stratégie de la guérilla et du harcèlement des troupes romaines, dont il fit un véritable art militaire :

« Dérobant soigneusement ses déplacements par des marches nocturnes à travers des routes détournées, il surprenait les Romains en train d’errer isoles... Partout où il savait que l’ennemi devait passer, il empoisonnait le fourrage et les rares sources qu’on rencontrait dans la région. Il s’en prenait tantôt à Metellus, tantôt à Marius. Il tombait sur la queue de la colonne et regagnait ensuite précipitamment les hauteurs les plus proches, pour revenir à la charge aussitôt après, harcelant, tantôt l’un, tantôt l’autre. Jamais il n’engageait le combat mais, aussi, jamais il ne laissait un instant de répit à l’ennemi, se contentant de contrarier tous ses desseins. » [30]

La seconde bataille de l’année 109, qui dut se dérouler vers le début de l’automne, jeta une ombre sur les opérations militaires de Metellus, car elle fut un véritable désastre de l’armée romaine devant la ville de Zama assiégée.

Naturellement, le texte de Salluste n’est pas très accablant pour les Romains et, comme pour dédouaner Metellus des résultats limités de sa campagne engagée avec force et éclat, il nous le montre en train de déployer une fébrile activité diplomatique pour capturer Jugurtha par traîtrise. C’est ainsi qu’il entra en contact avec Bomilcar, l’un des lieutenants de Jugurtha, et « le séduisit par les plus magnifiques promesses », à condition qu’il lui livrât Jugurtha, mort ou vivant.

Bomilcar se mit à l’oeuvre et chercha à décourager le roi. Après avoir écouté un moment les mauvais conseils de son collaborateur, Jugurtha ne put supporter l’idée d’un esclavage éventuel et reprit la lutte de plus belle. Profitant d’un relâchement de l’armée romaine, [au cours de l’hiver 109-108] occupée à suivre les intrigues de Marius pour accéder au consulat et remplacer Metellus, le roi numide organisa le soulèvement de la population de Vaga qui massacra la garnison romaine, le jour de la fête des Cereres. Une violente politique de répression suivit ce « coup » de Vaga.

« Cependant Jugurtha, ayant renoncé à se rendre et résolu de recommencer la guerre, s’y préparait avec une ardeur fébrile. Il levait des troupes, cherchait à gagner par la terreur ou par l’appât des récompenses les cités qui s’étaient détachées de lui, fortifiait les places, faisait réparer les armes, en achetait de nouvelles, des traits, des projectiles de toute sorte, pour remplacer ceux qu’il avait livrés dans l’espoir d’une paix. Il attirait à lui les esclaves des Romains, s’efforçait de corrompre les soldats de nos garnisons. Pour tout dire, il n’y avait pas de moyen qu’il ne tentât, d’argument qu’il ne fit valoir, d’occasion qu’il ne négligeât. » [31]

L’échec du complot contre Jugurtha fut également le début d’une nouvelle vie pour le roi dont certains familiers comme Bomilcar ou Nabdalsa avaient trahi la confiance. « À partir de cette époque, il ne connut plus de repos, ni de jour ni de nuit... Au fond ce qu’il craignait, c’était la trahison, et il croyait pouvoir y échapper en multipliant ses déplacements, jugeant que l’exécution de tels desseins nécessite toujours un temps plus ou moins long avant que s’offre un concours de circonstances favorables. » [32]

Pour l’armée romaine également, la campagne de l’année 108 est marquée par un changement dans la stratégie. Metellus, après une attaque surprise au cours de laquelle il ne réussit cependant pas à vaincre Jugurtha, décida de pénétrer au cœur du pays numide et d’engager de longues opérations où il s’attaquerait aux centres qui soutenaient Jugurtha.

À Thala, ville du sud, « dont l’emplacement est discute » [33], la population a résisté quarante jours au siège que lui imposaient les Romains. « Les défenseurs voyant leur ville perdue, transportèrent tous leurs biens, tout l’or et l’argent au palais, et livrèrent tout aux flammes : le palais, les trésors et leurs corps, préférant la mort à la servitude. » [34]

Ainsi, les effets escomptes par les opérations de Metellus se révélaient inefficaces, puisqu’après la perte de Thala, Jugurtha entreprit de former une armée parmi les populations du sud de la Numidie, et renforça ses positions par une alliance avec le roi de Maurétanie, son beau-père, Bocchus.

« Donc, les armées se réunissent en un lieu convenu entre les deux rois. Là, après un échange de serments, Jugurtha cherche par son discours à exciter l’ardeur de Bocchus : les Romains, peuple injuste d’une rapacité sans frein, sont les ennemis de l’humanité. Le motif de leur guerre contre Bocchus est celui-là même qui les arme contre lui, Jugurtha, et contre tant d’autres, c’est leur soif de domination. Ils voient un ennemi dans toute puissance autre que la leur. Aujourd’hui Jugurtha. Hier Carthage, le roi Persée. Demain tout peuple, quel qu’il soit, s’il est trop riche à leur gré. » [35]

Les deux rois s’avancèrent alors vers l’est, en direction de Cirta que Metellus avait occupée et où il avait fait « entreposer son butin, ses prisonniers et ses bagages ». Mais le proconsul romain refusait le combat et se protégeait dans un camp retranché. C’était la fin de l’année 108 et voici que des nouvelles de Rome lui apprirent que son légat Marius venait d’être élu consul chargé de conduire la guerre en Numidie. Marius intriguait depuis longtemps contre Metellus et entretenait des rapports avec un demi-frère de Jugurtha, nomme Gauda.

Comme son prédécesseur, Marius recruta de nouveaux et importants contingents pour rentrer en Numidie. Il y avait déjà une importante armée d’occupation, mais, faute de précisions, il est difficile d’avancer le moindre chiffre. Les combats reprirent au printemps de l’année 107 et Marius, poursuivant la tactique de Metellus, s’efforçait de couper Jugurtha de ses bases d’appui et de ravitaillement. N’ayant enregistré aucun succès, il voulut, à l’exemple de son ancien chef, s’emparer d’une ville du sud. Ce genre d’opérations frappait l’opinion publique à Rome et permettait aux militaires de recevoir une aide accrue.

À la fin de l’été, Marius réussit à occuper Capsa (Gafsa) qui « fut livrée aux flammes. Les Numides adultes furent massacrés ; tous les autres vendus comme esclaves... ». Cet acte, Salluste le reconnaît, était contraire aux lois de la guerre. Le deuil et le carnage se répandaient partout [36]. L’auteur passe ensuite sous silence tout ce qui a pu se produire au cours de l’hiver 107 jusqu’au printemps 106 où une place forte située à la limite de la Numidie et de la Maurétanie, près du fleuve Muluccha (Moulouya), tomba aux mains des Romains qui purent s’emparer du trésor de Jugurtha. Cette longue expédition à travers toute la Numidie, et sur laquelle Salluste ne dit mot, fait l’objet de discussion entre les historiens.

Comment expliquer, en effet, que Salluste ne mentionne pas un trajet aussi long, surtout quand il ajoute que le questeur Lucius Cornelius Sulla (Sylla) a rejoint Marius jusqu’au fortin de la Muluccha ? Sur les invraisemblances du texte de Salluste, est-il utile de répéter qu’il n’existe pas d’autre texte qui permette de le corriger ou de le compléter ? Cependant, il est à constater que la guerre menée par les Romains contre Jugurtha avait pris une tournure particulière et surtout qu’elle se poursuivait depuis plus de quatre ans.

À l’arrivée du questeur Sylla, il n’était pas impossible que, forts d’un gros apport de troupes, le consul Marius puis son questeur cherchèrent à occuper le pays et à risquer de s’enfoncer profondément à travers la Numidie.

« Cependant Jugurtha, qui venait de perdre Capsa et plusieurs autres places importantes, ainsi qu’une grande partie de ses trésors, avait demandé à Bocchus d’amener au plus tôt ses troupes en Numidie : le temps était venu, selon lui, de livrer bataille... Bocchus rejoignit Jugurtha à la tête d’une armée considérable et tous deux, ainsi réunis, marchèrent contre Marius qui était en train de regagner ses quartiers d’hiver. » [37]

Juste avant l’hiver 106, peut-être en octobre, eurent lieu deux batailles, séparées par un intervalle de quelques jours, que se livrèrent les deux armées. Au cours de la première, favorable à l’armée de Jugurtha et de Bocchus, Marius avait réussi à échapper à un désastre et à un massacre de son armée. Jugurtha engagea la seconde bataille près de Cirta :

« Marius se trouvait alors à l’avant-garde où Jugurtha dirigeait en personne la principale attaque. À la nouvelle de l’arrivée de Bocchus, le Numide s’éclipse discrètement et accourt avec précipitation, suivi d’une poignée d’hommes, du côté où combattent les fantassins de son allié. Là, il s’écrie en latin - il avait appris cette langue au siège de Numance - que »toute résistance des Romains est vaine, qu’il vient de tuer Marius de sa propre main « ... Ces paroles jettent l’épouvante dans nos rangs. » [38]

Grâce à cette ruse de Jugurtha, les Romains faillirent connaître une seconde défaite, mais l’intervention de Sylla renversa les chances et la rencontre fut défavorable aux deux rois. Bocchus, décourage, chercha à négocier, tandis que Jugurtha poursuivait, infatigable, la lutte contre Marius. Mais ce dernier, probablement sous l’influence de Sylla, au lieu d’opérations hasardeuses et difficiles dans lesquelles s’enlisait l’armée romaine, préféra la voie des pourparlers avec Bocchus.

Les Romains voulaient amener Bocchus à leur livrer Jugurtha. Hésitant, Bocchus finit par faire croire à Jugurtha que des tractations étaient en cours avec les Romains pour la signature d’un accord.

Jugurtha lui fit répondre qu’il était « prêt à signer et à accepter toutes les conditions mais qu’il n’avait que peu de confiance en Marius. Combien de fois a-t-on déjà signé avec les généraux romains des traités de paix qui sont demeurés sans valeur ! » [39]

Il proposa donc à Bocchus de lui livrer Sylla contraignant ainsi Rome à signer. Le roi maure fit mine d’accepter cette dernière proposition tout en préparant un guet-apens qui lui permit de livrer Jugurtha « chargé de chaînes » à Sylla. Ce dernier le conduisit chez Marius [40], en automne de l’année 105.

Fidèle soutien des Romains, le roi Bocchus fut récompensé en ajoutant à ses États ceux du Numide qu’il avait trahi.

Le récit de Salluste s’arrête presque net à ce point, passant sous silence la fin tragique réservée à l’aguellid numide qui avait âprement défendu l’indépendance de sa patrie. Plusieurs années de guerre avaient été nécessaires pour tenter de venir à bout du redoutable Jugurtha que l’on considérait, en Italie même, comme un second Hannibal. Et encore ne fut-il pris que par traîtrise...

C’est Plutarque qui nous a transmis un récit détaillé de l’exécution de Jugurtha qui eut lieu, le 1er janvier 104, pendant le triomphe de Marius :

« Revenu d’Afrique avec son armée, il (Marius) célébra en même temps son triomphe et offrit aux Romains un spectacle incroyable : Jugurtha prisonnier ! Jamais aucun ennemi de ce prince n’aurait jadis espéré le prendre vivant, tant il était fertile en ressources pour ruser avec le malheur et tant de scélératesse se mêlait à courage !... Après le triomphe, il fut jeté en prison. Parmi ses gardiens, les uns déchirèrent violemment sa chemise, les autres, pressés de lui ôter brutalement ses boucles d’oreilles d’or, lui arrachèrent en même temps les deux lobes des oreilles. Quand il fut tout nu, on le poussa et on le fit tomber dans le cachot souterrain... Il lutta pendant six jours contre la faim et, suspendu jusqu’à sa dernière heure au désir de vivre... », il aurait été étranglé, selon Eutrope, par ordre de Marius [41].

C’est dans la prison du Tullianum, sur le Forum romain, que l’illustre condamné subit ces ultimes supplices. Ses deux fils, qui avaient précédé le char du triomphe, furent envoyés à Venusia, où ils passèrent leur vie dans la captivité.

Le roi du Pont, Mithridate, reprocha aux Romains leur barbarie envers le petit-fils de Massinissa. « Si l’action de Jugurtha fut un essai conscient d’unir tous les Berbères dans une guerre patriotique, c’est en vain qu’on cherchera une preuve dans Salluste, car Jugurtha n’y est que prétexte à un jugement moral sur Rome, et ses chefs » [42], écrit A. Laroui, dans un de ses récents ouvrages, à propos du texte du Bellum Jugurthinum qui constitue pratiquement notre seule source d’étude du roi numide.

Effectivement, toute la première partie de l’oeuvre de Salluste, qui va de la jeunesse de Jugurtha jusqu’à sa résistance à Metellus, a toujours constitué un obstacle pour la recherche d’une histoire impartiale. Les événements de la guerre dite de Jugurtha nous apprennent finalement peu de choses sur ce personnage, hormis quelques détails sur sa jeunesse et sa vie de résistant. Mais que fut le roi ? Comment administrait-il son royaume ? Quelles étaient ses ressources ? Cela Salluste ne le dit pas et aucun auteur ancien ne s’en est soucie, laissant ainsi un aspect important de la vie de cet homme dans l’ombre. C’est ce qui rend d’ailleurs Jugurtha si énigmatique et si attirant à la fois.

Pour la majorité des chercheurs qui se sont intéressés à Salluste et à son oeuvre, la « Guerre de Jugurtha » est considérée plutôt comme une oeuvre de composition harmonieuse où la recherche de l’effet dramatique est prédominant. On peut se demander également dans quelle mesure le séjour de Salluste en Afrique a pu le préparer à raconter la guerre de Jugurtha, car finalement ces événements n’ont été pour lui qu’une occasion pour s’attaquer à la noblesse et montrer les dommages causes à la république romaine par l’aristocratie maîtresse de l’État depuis la chute des Gracques.

C’est sur cette toile de fond qu’apparaît la forte personnalité de Jugurtha, en même temps que tout le tragique de la situation du royaume numide dont l’indépendance va être rendue de plus en plus illusoire au fur et à mesure que Rome s’engage dans sa politique coloniale.
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21 septembre 2008 7 21 /09 /septembre /2008 00:00

Oumeri
Afin que nul n’oublie

Halim AKLI,

La faim fait sortir le loup du bois, l’injustice fait sortir le héros de sa léthargie. Ahmed Oumeri a de tout temps été louangé par les femmes dans leurs chants et glorifié par les plus illustres poètes et artistes contemporains. De Lounis Aït-Menguellat à Lounès Matoub en passant par Menad, les groupes Djurdjura et Afous, tous ont mis en exergue la fin tragique qui a été réservée à ce personnage proverbial de courage, de bravoure et de patriotisme. Une fin qui semble fatalement atavique tant notre histoire est parsemée d’exemples. La mémoire collective garde surtout celle que réserva Bocchus au roi-guerrier Yugurten.

Pour que nul n’oublie...Oumeri Une brève esquisse sur ce que fut Oumeri nous permettra peut-être de saisir les motivations et le "Crédo" de cet "hors-la-loi" (2).

Ahmed BELAID alias Oumeri fut un descendant d’une famille qui a perdu sept hommes durant la résistance des At-Buwaddu à la conquête française en Kabylie. Alors que tout le pays s’était rendu à "l’évidence" et avait "accepté" les auspices de la France protectrice vers 1849, ce Âarch résista sept longues années encore aux assauts répétés et meurtriers des conquérants (1850 - 1857).

Le colonel Robin, écrivait dans la "Revue Africaine" qui relatait alors la chronique de la conquête de la Kabylie : "Les Beni-bou-Addou qui, malgré le sac de leurs principaux villages en 1856, étaient restés insoumis, furent encore les derniers à rentrer dans le devoir en 1857." (3).

Plus tard, ils s’associèrent aux troupes de Fatma n Soumer, puis, prirent part au soulèvement d’El Mokrani... Les sept guerriers des Ath Hammou, ancêtres de Ahmed, qui périrent alors, ont été exécutés par les soldats du général Lerez du 5ème RTA. Depuis, cet adage est né pour traverser les années et les générations dont celle de Ahmed et parvenir jusqu’à nous : "Win yeb$an ad yissin xellu, imuqel s afrag n At ÊÊÊÊêemmu" (4).

Les répercussions psychologiques traumatisantes des rudes épreuves de cette période, particulièrement sanglante de notre histoire, sur les populations, se sont donc transmises - la tradition orale aidant - de génération en génération.

Oumeri voit le jour sur ce hameau suspendu au pied des crêtes du versant nord-ouest de "la montagne de fer" (5). Les Aït-Bouaddou, menaient une vie somme toute identique à celle que menaient leurs compatriotes indigènes. Une vie faite d’indigence et d’injustice. Le petit Oumeri grandit au milieu de cette agressivité constante des milieux social et naturel qui forgera par la suite son amour de la justice, de la liberté, mais surtout son courage. Le mouvement nationaliste commençait à se cristalliser et à prendre racines dans les couches populaires. L’ENA puis le PPA tentaient de se doter d’une base solide pour pouvoir mener leurs actions de sensibilisations aux contrées les plus éloignées et faire vibrer les fibres patriotiques de leurs frères autochtones.

Puis, c’était l’éclatement de la IIème guerre mondiale et tout, désormais, dépendait des tournures qu’allait prendre cette nouvelle tragédie qui venait alors s’ajouter au malheur des algériens.

Pour que la France "protectrice" ne tombe pas entre les griffes du nazisme, les algériens sont mobilisés puis expédiés au front. Les villages de Kabylie ne portaient plus dans leurs ruelles que vieillards, femmes et enfants. Le jeune Ahmed, quant à lui, se retrouva à Sedan, à la frontière franco-belge...Prenant conscience que son combat devrait se faire chez-lui, il déserta en 1941. Arrêté puis emprisonné à la caserne de Belfort (actuelle El Harrach) où il fut réincorporé au régiment de "la marche des Levant", où, après des tractations et après avoir eu le soutien de la direction du PPA, il organisa une mutinerie qui échoua. Sa déception fut des plus vive quand, le jour même de la révolte carcérale, Messali Lhadj appela les mutins au calme... et à se rendre !

Il réussit sa tentative d’évasion et opta aussitôt pour le maquis contre le colonialisme à la manière des ancêtres. Il rançonnait, vengeait, enlevait aux uns et donnait aux autres, terrorisait les nantis, particulièrement ceux qui se rapprochaient du pouvoir colonial... l’aroumi et ses "amis" dont les rançons allaient sans prendre le moindre détour aux plus démunis. Le maquis avait ses informateurs dans tous les villages. Quand la "bande" Ouméri recueillait des rançons, recevait le prix du sang, dévalisait une maison, sanctionnait des personnes, on savait au centime près les sommes collectées. Le maquis recevait à son tour un pourcentage pour survivre, venir au secours des familles de maquisards, alimenter la caisse du PPA-MTLD.

Bien qu’Oumeri refusait toujours "d’exercer" dans le cadre du PPA ; le colonel Ouamrane témoignait avoir envoyé des éléments en mission et recueillait un pourcentage des "collectes" de la "bande" (NDLA : comprendre le "groupe Oumeri"), avec l’œil bienveillant du maquis.

"...il n’arrêtait les cars que pour faire crier à plusieurs dizaines de voyageurs : "... vive l’indépendance...". Un témoin oculaire de ces scènes serait encore en vie. Pendant ce temps là, la propagande colonialiste associée aux différentes pressions de ses ennemis, dans une époque où les seuls canaux d’information "sensés" éclairer des populations, en majorité illettrées, étaient propriété de l’administration coloniale, ont fait que les plus illuminés ont cédé et les diffamations les plus invraisemblables et les plus immorales avaient pris les allures de vérités incontestables.

Mr M.A. Brahimi, dans un travail d’investigation d’envergure, révèle l’existence de contacts entre le groupe d’Oumeri et les responsables du PPA-MTLD. En effet, il s’apprêtait à rejoindre l’O.S., convaincu enfin par Krim Belkacem après des années d’efforts quand Oumeri fut assassiné dans un guet-apens tendu par l’administration au village Iaâzounen, au domicile de son compagnon d’armes Ouacel Ali, le jour même de la création de l’organisation (O.S.) (6).

Plus d’un demi siècle après sa mort, aucune reconnaissance des autorités n’est venue exhumer ce héros mythique que fut Oumeri.

Le roman historique qui lui a été consacré par feu T. Oussedik (7), constitue une initiative louable dans les limites où elle a eu le mérite de lui avoir conféré une réputation plus large et d’avoir surtout contribué à sauver de l’oubli ce justicier du terroir, dans lequel les fossoyeurs de l’histoire de tout bord ont réussi jusqu’ici à le confiner. Cependant, cette œuvre unique manque de rigueur scientifique qu’exige le genre historique d’où les lacunes dans la justesse de certains faits ainsi que dans leur chronologie. Mais c’est surtout son caractère superficiel qui doit être signalé bien que les difficultés qui embûchaient alors, plus que maintenant, la recherche historique en général et plus particulièrement celle ayant trait aux "hors-la-loi" appelés "bandits d’honneur" justifie ce manque, du reste légitime. Aujourd’hui encore, c’est à peine si une mémoire vivante ose délier la langue non sans réticences.

T. Oussedik, disait à Alger : "... je prends Oumeri pour un héros national...". Ce n’est que justice rendue à cet authentique justicier du petit peuple qui ne cesse de hanter notre paresse depuis sa tombe de fortune perdue sous la plate-forme d’une vieille bâtisse abandonnée...

Un symbole, un repaire que seul les héros de légendes en sont capables d’en être. Oumeri n’est aujourd’hui, qu’un nom dans notre mémoire collective. Les épopées de cette victime de sa propre prise de conscience prématurée dans une société qui claquait du bec (qui était en proie à l’austérité du milieu naturel, au ravages du typhus, à l’exode massive de la gent masculine vers une guerre lointaine et vers des mines dévoreuses d’hommes, à l’injustice et aux atteintes aux droits les plus élémentaires de l’être humain, mais surtout en proie à l’ignorance sont aujourd’hui inconnues de la postérité post-indépendance...

"Décoloniser" l’histoire est une entreprise de grande envergure ; c’est une tâche qui incombe à tout le monde, dans les limites des moyens d’en dispose chaque chercheur. C’est aussi, tenter d’apporter sa pierre à l’édification d’un avenir certain fait d’équilibre et de bien-être.

L’association culturelle AMEZRUY d’Aït-Bouaddou a cassé le caractère tabou qui entourait ce personnage légendaire. Un vibrant hommage lui a été rendu en lui consacrant le "1er Festival Ahmed Oumeri" qui s’est déroulé à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, du 02 au 05 mars 1996.

Consacrer un film cinématographique retraçant le combat de ce justicier, lui reconnaître son statut de "héros national" est aujourd’hui plus qu’une exigence de tout un peuple qui aspire à reconquérir son histoire pour réaliser sa propre projection dans l’avenir. Que justice soit rendue au justicier.

Article écrit en 1996 à l’occasion des festivités commémoratives citées plus haut

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