27 janvier 2009
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CHERIFA, "la diva de la chanson kabyle"
C'est une grande dame de la chanson kabyle. Pourtant, elle n'a pas eu une vie facile. Cherifa, de son vrai nom Bouchemlal Wardia est née à Djâfra (Akbou), le 9 Janvier 1926. En ayant assez de cette ambiance familiale détestable, elle fuit Akbou à l'âge de seize ans, en 1942, pour Alger. Durant ce premier voyage en train, qui l'effraye, elle compose la chanson " Ebqa ala khir a Akbou (Adieu Akbou) " qui sera son premier succès. Quand Cherifa fit entendre sa voix dans “Ebqa ala khir a Akbou”, il était écrit que la chanson kabyle allait avoir une “Piaf” nationale : d'abord parce que son chant était “vocalement” à la démesure de sa couleur, ensuite parce que le chant lui collait à la peau, préférant vivre toutes les galères d'une société traditionnelle à l'incertain confort du foyer conjugal. A Alger, elle commence à connaître une certaine renommée. Elle est finalement bannie de son village natal d'Akbou par ses oncles qui n'apprécient pas la diffusion de ses chansons à la radio et considèrent qu'elle n'a pas respecté le code d'honneur. Cherifa ne se mariera jamais, contrairement à ce que souhaitait sa famille. Elle adoptera néanmoins deux enfants. Durant la guerre d'Algérie, elle se tait. Il lui est impossible de créer. Elle dit alors souffrir en silence. Elle se contente d'un emploi de femme de ménage chez une Française. A l'indépendance de l'Algérie, après sept années de silence, Cherifa enregistre surtout des chants patriotiques, mais la République Algérienne ne la reconnaît pas. Chérifa garde un triste souvenir de cette époque. Elle continue à se produire jusque dans les années 70, avec un certain succès. Ses chansons indisposent le pouvoir et elle subit une véritable persécution. Interdite en radio, elle est victime de saisie par l'administration fiscale, qui ira jusqu'à saisir ses vêtements. Alors qu'elle vit dans une grande pauvreté, Chérifa partage alors une grande amitié avec Hanifa (cf. infra). Dégoûtée, elle abandonne la chanson, et pendant sept ans, redevient femme de ménage, pour un ministère algérien. Elle vit dans la misère. La radio télévision algérienne est d'un grand cynisme : elle lui donne ce triste emploi en faisant valoir qu'il lui est impossible de lui faire signer un contrat. Chérifa, qui est illettrée, ne peut effectivement le faire. Comme elle ne peut déposer ses droits d'auteurs, pour la même raison, certains chanteurs pillent allègrement son répertoire. Elle garde une grande rancœur contre ceux qu'elle qualifie à juste titre de voleurs. Elle reprend timidement la chanson à la fin des années 80. Au début des années 1990, des admirateurs passionnés par la chanson kabyle, qui ont entendu ses enregistrements des années 60, l'encouragent à reprendre une carrière internationale. Elle trouve enfin un manager digne d'elle. Le succès est vite au rendez vous, et elle chante à l'Olympia en 1994. Elle commence à vendre, ses CD étant très appréciés. Malgré l'âge, Chérifa garde sa superbe voix et ses compositions sont toujours aussi fortes. Après tant d'années de souffrance et de misère, elle vit enfin dans des conditions décentes. Elle a animée la chorale féminine “Ourar L Khalath” à la radio chaine II sous la houlette de “Lla Yamina”, comme elle a partagé misères et espoirs avec une autre grande de la chanson, Il'nifa. Chérifa a composé des centaines de chansons. Si les chants religieux y occupent une place importante, elle chante l'amour, la souffrance et la famille. Elle est l'héritière de la chanson des femmes kabyles. Musicalement elle a su admirablement conserver cette tradition. Ceci ne l'empêche pas de la mettre au goût du jour.